Publié le 9 Aug 2023 - 19:34
SANTÉ MATERNELLE, NÉONATALE ET INFANTILE

Les bons et les mauvais points des pays de l'Afrique de l'Ouest francophone

 

La santé maternelle, néonatale et infantile est l’une des faiblesses des systèmes de santé des pays francophones de l’Afrique. Dans ce marasme, le Sénégal fait office de locomotive, en ce que le pays a fait un grand pas en avant dans la prise en charge de cette problématique.

 

L'amélioration de la santé maternelle, néonatale et infantile constitue une priorité au niveau de chacun des neuf pays francophones de l'Afrique de l'Ouest qui ont pris part, hier, à la 4e édition de la réunion régionale de la communauté pratique. Le directeur de cabinet du ministre de la Santé et de l’Action sociale, qui a présidé la cérémonie d’ouverture, a rappelé que, ces dernières décennies, beaucoup d'efforts ont été consentis dans ces différents pays.

Toutefois, souligne Serigne Mbaye, ces progrès se sont avérés insuffisants, car en Afrique de l'Ouest francophone, les femmes continuent de mourir chaque jour de causes de décès évitables. Et les taux de mortalité restent encore très élevés.

En 2021, le rapport sur les progrès mondiaux et les projections des objectifs de développement durable (ODD) dans la région ouest-africaine a indiqué que la mortalité maternelle était estimée à 347 décès pour 100 000 naissances vivantes ; la mortalité néonatale à 31 nourrissons sur 1 000 naissances vivantes. Le document rapportait aussi que les besoins non satisfaits en planification familiale (PF) sont importants, car seulement 43 % des femmes avaient leurs besoins en PF satisfaits.

Pire, les taux de malnutrition chronique étaient élevés, variant entre 21,2 % et 42,2 % dans la sous-région, et le taux de retard de croissance culminant à 29,9 %. Le document soulignait que l'anémie chez les femmes enceintes est restée élevée à 63,6 %, que le taux d'allaitement exclusif, qui varie de 19,2 % à 47,8 %, selon les pays, était à améliorer.

Toutefois, ‘’au Sénégal, des efforts remarquables ont été consentis par toutes les parties prenantes pour améliorer ces indicateurs de santé mère-enfant. Le taux de mortalité maternelle est estimé à 236/100 000 naissances vivantes, et le taux de mortalité néonatale à 28/1 000 naissances vivantes. Si environ 26 % des femmes en âge de reproduction utilisent une méthode moderne de contraception, les besoins non satisfaits en matière de PF sont de 22 %. Enfin, 10 % des enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition. La situation de la région en matière de santé maternelle et néonatale reste donc préoccupante et nous appelle à plus d'efforts pour accélérer les progrès afin de réaliser nos engagements d'une couverture universelle en soins de santé primaires essentiels et d'atteindre les objectifs de développement durable (ODD) en 2030’’, indique Serigne Mbaye.

Pour y parvenir, poursuit-il, l'Organisation mondiale de la santé recommande la fourniture de soins intégrés centrés sur la personne pour mettre fin aux décès évitables dans les milieux à faibles ressources.

 Ainsi, il appelle à faire de cette recommandation une réalité nationale et régionale. Il déclare : ‘’Ces pratiques sont et doivent continuer à être développées au bénéfice des cibles les plus vulnérables que constituent les femmes et les enfants dans la période critique prénatale et postnatale avec l'élaboration de plans nationaux. Cette 4e réunion régionale de plaidoyer, sous le thème ‘Mutualiser les efforts pour le passage à grande échelle de l'intégration des services de la planification familiale du post-partum, santé reproductive, maternelle, néonatale, infantile et nutrition pour accélérer les progrès vers l'atteinte des ODD en 2030 en Afrique de l'Ouest’’, revêt ainsi une importance capitale. Elle est évocatrice d'un contexte fortement marqué par des défis de ressources suffisantes dans les pays qui font face à de multiples priorités pour le développement inclusif durable et qui nécessite des synergies d'action pour une rationalisation des ressources existantes’’.

La rencontre, indique-t-il, doit permettre de partager les défis et les besoins de soutien dans la mise en œuvre des plans. ‘’Elle nous permet également d'échanger sur les voies et moyens pour favoriser les synergies et la complémentarité dans les pays du Partenariat de Ouagadougou et de la CEDEAO afin de soutenir ces plans. De même, elle nous permet de tirer des expériences des stratégies les plus efficaces pour le passage à l'échelle, qui seront partagées au cours de cette réunion’’, lance M. Mbaye.

‘’Notre plaidoyer est de renforcer la mobilisation des ressources’’

Le docteur Vincent Sodjinou de l’OMS considère, lui, que l'état de santé des femmes, des enfants et des adolescents est un reflet patent de l'efficacité des systèmes nationaux de santé et un prédicteur fiable de l'avenir des États. C’est pourquoi l'intégration des services privilégiant les fonctions de soins primaires et de santé publique, les politiques et actions multisectorielles et l'autonomisation des individus et des communautés sont les trois composantes du concept moderne des soins de santé primaires (SSP).

En s'appuyant sur ce nouveau concept moderne des SSP et ses composantes ainsi que sur la Stratégie mondiale 2016-2030 pour la santé des femmes, des enfants et des adolescents, la CDP a pour rôle, selon lui, de soutenir les pays dans l'accélération du passage à l'échelle de l'intégration des soins centrés sur la personne, notamment l'intégration des services de planification familiale du post-partum (PFPP), de la santé reproductive maternelle néonatale, infantile et de nutrition (SRMNI-N) pour stopper les décès maternels, néonatals et infantiles évitables et relever les défis de la PFPP dans la région.

‘’La stratégie, le financement et la prestation de services sont guidés par les meilleures connaissances scientifiques disponibles sur l'efficacité des interventions, l'efficacité des programmes et les politiques qui peuvent permettre l'atteinte des cibles ambitieuses de l'ODD3 (taux de mortalité maternelle inférieurs à 70 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes et taux de mortalité néonatale à 12 pour 1 000 naissances vivantes).

Pour cela, la CDP vise à favoriser la synergie et la complémentarité des acteurs et des sources de financement existantes, mais aussi de nouveaux mécanismes de financement innovants à échelle et durables, afin d'accélérer les efforts visant à mettre fin aux décès maternels, néonatals et infantiles évitables d'ici 2030’’, renseigne-t-il.

Le Dr Sodjinou appelle de ses vœux que cette rencontre annuelle régionale d'échanges et de partage soit celle de la redynamisation des mécanismes nationaux et régionaux de leadership dans la mise en œuvre du programme de passage à grande échelle des interventions à haut impact permettant de réduire les décès évitables des mères et des enfants. Le représentant de l’OMS a profité de cette tribune pour féliciter les neuf pays francophones de l'Afrique de l'Ouest pour les résultats atteints dans cette lutte contre la mortalité maternelle et néonatale. Il s’est appesanti sur le cas du Sénégal qui met en œuvre des paquets d'interventions à haut impact dans les différents programmes de santé.

Ainsi, s’agissant de la santé maternelle et infantile, il a cité la planification familiale du post-partum et les innovations de méthodes de longues durées ; l'identification des besoins systématiques de la cliente (IBSC) qui aide à diminuer les besoins non satisfaits en matière de la PF ; l'école des maris qui aide à impliquer les époux dans le renforcement de l'utilisation de la PF ; les espaces ado-jeunes qui permettent aux adolescents d'avoir en temps réel accès aux services de santé de la reproduction ; l'utilisation des ‘’Badjenou Gox’’ pour la recherche des perdues de vue et pour retenir les femmes dans le programme de PF ; de même que les journées d'offre gratuite qui contribuent aussi au renforcement de l'accès aux services de la PF.

‘’Le renforcement du financement de ces paquets d'interventions à haut impact devient de plus en plus une nécessité dans la plupart des pays. Nous voulons ici, à nouveau, saluer le Sénégal pour l'augmentation importante du financement du secteur santé, lors des dernières années. Notre pays est en bonne voie pour l'atteinte de l'engagement de la Déclaration d'Abuja de 2001 visant à consacrer 15 % du budget national au secteur de la santé. Notre plaidoyer à l'endroit de tous les pays ici présents et du Sénégal est de renforcer la mobilisation des ressources locales et internationales pour la mise en œuvre des interventions de la communauté des pratiques. Ceci s'avère nécessaire à l'approche du Sommet mondial sur les objectifs de développement, cadre qui verra nos pays renouveler leur engagement pour l'atteinte des objectifs de développement durable d'ici 2030’’, indique le Dr Sodjinou.

CHEIKH THIAM

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