Publié le 18 Aug 2023 - 09:55
STRATÉGIE NATIONALE DE SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE

Le Sénégal renforce son secteur primaire

 

Selon la Stratégie nationale de souveraineté alimentaire, l’indépendance alimentaire a été érigée en surpriorité. Il a été donc demandé au ministre chargé de l’agriculture d’élaborer, sous la supervision du Premier ministre, et en relation avec les autres ministères du secteur primaire, une stratégie de souveraineté alimentaire du Sénégal (SAS) consensuelle, pragmatique et durable. ‘’EnQuête’’ livre les grandes lignes de cette stratégie.

 

Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), en 2022, l’insécurité alimentaire et la faim ont été exacerbées par la conjonction des chocs économiques et climatiques, la pandémie de la Covid-19 et les effets collatéraux des conflits et de la guerre russo-ukrainienne. Au Sénégal, les impacts ont été surtout ressentis au niveau du marché des céréales et de l’approvisionnement en produits pharmaceutiques.

Pour une souveraineté alimentaire durable et pour ne plus être dépendant du marché mondial, le gouvernement du Sénégal mise sur un secteur primaire fort. Cet objectif est articulé dans un document intitulé ‘’Stratégie nationale de souveraineté alimentaire’’.

Selon le document, l'État compte démultiplier ses efforts dans l'agriculture, l'élevage et la pêche. "La vision de cette stratégie est de promouvoir un secteur primaire moteur de la relance économique et sociale durable, afin d’atteindre notre souveraineté alimentaire dans les meilleurs délais. L’objectif de la stratégie est d’assurer aux populations sénégalaises une sécurité alimentaire et nutritionnelle durable, de développer une meilleure résilience face aux divers aléas et d’impulser un développement économique et social à l’horizon 2035", renseignent les rédacteurs.

Cette stratégie est aussi animée par une croissance continue de la consommation des Sénégalais en divers produits alimentaires. Ainsi, "la consommation de viande par habitant passe de 18 à 24 kg ; la consommation de lait par habitant passe de 35 l, dont 30 % de lait local, à 44 l, dont 80 % de lait local. La consommation d’œufs de consommation par habitant passe de 75 à 128 œufs", indique-t-on.

Pour y arriver et atteindre cet idéal de souveraineté alimentaire, les principaux leviers visés se présentent comme suit : "Une sécurisation de la base productive en faisant de la maîtrise de l’eau une priorité, avec de nouveaux aménagements de près de 160 000 ha ; une mécanisation plus soutenue des exploitations agricoles ; une disponibilité en semences certifiées ; un accompagnement des producteurs ; la valorisation des races locales bien adaptées ; le renforcement de la santé animale et de l’alimentation ; le développement des infrastructures de production, de valorisation et de commercialisation ; la restauration des ressources halieutiques et des habitats ; une exploitation rationnelle des ressources halieutiques ; le développement de l’aquaculture, l’amélioration de l’hygiène et de la santé au niveau des systèmes de production aquacoles".

5 000 milliards F CFA à mobiliser 

Pour matérialiser la vision globale de la stratégie, la combinaison des objectifs spécifiques retenus dans les différentes lettres de politique sectorielle de développement de l’agriculture, de l’élevage et des pêches a permis de définir quatre orientations stratégiques (OS) : augmenter durablement la disponibilité d’aliments en quantité et en qualité suffisantes ; promouvoir l’accessibilité physique et économique d’une alimentation diversifiée et nutritive ; renforcer le financement, les services de recherche et développement et de conseil ; renforcer le cadre institutionnel.

La démarche de cette stratégie de souveraineté alimentaire consiste à "accélérer la réduction des importations et assurer une autosuffisance sur les principaux produits alimentaires. Les principales filières ciblées sont le riz, le blé et le maïs pour les produits céréaliers ; l’oignon, la pomme de terre et la carotte pour les produits horticoles ; la viande, le lait et les œufs au niveau des produits d’élevage ; les petits pélagiques et les espèces nobles de poisson, concernant les produits des pêches et de l’aquaculture". 

Concernant le secteur particulier des pêches, il doit son importance à sa contribution à la sécurité alimentaire et nutritionnelle, à la création d’emplois et aux recettes d’exportation.

Toutefois, ce secteur est confronté à une surexploitation des ressources, amenant les acteurs de la pêche artisanale à fréquenter des zones hors juridiction sénégalaise où ils subissent diverses exactions. En outre, il a été constaté une pratique de pêche frauduleuse avec de gros navires occasionnant des dégâts importants sur les pirogues et une hausse inconsidérée des exportations de petits pélagiques. 

Mais ce projet d'envergure a bien évidemment un prix et il est estimé à plusieurs centaines de milliards de francs CFA. Le document détaille l'aspect financier comme suit : "Le coût global de la stratégie est estimé à 5 000 milliards de francs CFA, réparti comme suit : agriculture 3 930 milliards F CFA ; élevage 300 milliards F CFA ; pêches 540 milliards F CFA ; divers et imprévus 230 milliards F CFA."

La mobilisation d'une telle manne financière sera assurée par l’État et ses partenaires, d’une part, et les producteurs (individuels, coopératives et privés) d’autre part. 

Partir de l'existant 

Pour améliorer les choses et se focaliser sur les points qui peuvent encore valoir beaucoup plus de satisfaction, il a été jugé nécessaire d'évoquer l'existant, ce qui a été fait depuis une plus d'une dizaine d'années. "Au cours des dernières années, la production céréalière a enregistré, sur la période 2010-2022, une croissance de 144 %, passant de 1 502 517 t en 2010, à 3 663 690 t en 2022. Aussi, comparée à la moyenne des cinq dernières années, la production céréalière a augmenté de 23 %, en 2022. La production de riz paddy est en augmentation de 17 %, celle du mil de 25 % et celle du maïs 35 %. Les productions de sorgho et de fonio ont également progressé. Malgré les efforts consentis par l’État, les productions ont partiellement couvert nos besoins céréaliers et la compétitivité de l’arachide, notre principale culture de rente, se heurte à l’aflatoxine et à la non-traçabilité des semences certifiées". 

Malgré ces résultats non négligeables, certains secteurs comme celui de l'horticulture rencontrent des difficultés et peinent à subvenir à tous les besoins de la demande nationale. "Pour l’horticulture, malgré une production excédentaire, les besoins nationaux en oignon et pomme de terre ne sont couverts que pendant sept à neuf mois, par insuffisance d’infrastructures de stockage et de conservation. La production de tomate industrielle a baissé de 15,8 % en 2022. La filière peine à obtenir des rendements optimums pour couvrir nos besoins en double concentré, du fait de la bactériose qui détruit 40 à 80 % de la production, des difficultés d’accès aux intrants et de facteurs bioclimatiques". 

En résumé, au terme du plan quinquennal, le Sénégal devrait atteindre les résultats suivants : "Une autosuffisance pour les principaux produits importés : pour le riz, une couverture totale ; pour le maïs, couverture totale à partir de 2025, pour l'oignon, la pomme de terre, la carotte, l'effectivité de la couverture totale est prévue pour 2025. Quant au blé, la couverture à 42 %, l'huile végétale : taux de couverture de 32 %".

Il faut juste espérer que ce énième plan porte les fruits escomptés. Mais avec tout le financement que cela devrait mobiliser (5 000 milliards F CFA), les voyants peuvent déjà être au vert. Le Sénégal va peut-être enfin réaliser son rêve d'autosuffisance alimentaire.

MAMADOU DIOP

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