Publié le 2 Sep 2023 - 11:17
COUPS D’ÉTAT EN SÉRIE

Péril sur la démocratie en Afrique

 

Après l’ère des tripatouillages de constitution pour se maintenir au pouvoir, c’est l’ère des coups d’État militaires, qui veulent eux aussi goûter aux délices du pouvoir à l’aide de leurs armes. Mais alors que les ‘’coups d’État constitutionnels’’ sont souvent rejetés de manière systématique, les coups d’État militaires sont souvent accueillis avec beaucoup d’enthousiasme.

 

Faut-il supprimer les élections en Afrique francophone ? On est tenté de se poser la question. Depuis quelques années, les coups d’État, qui ne sont certes pas une nouveauté dans le continent, sont accueillis avec beaucoup d’enthousiasme dans la plupart des pays d’Afrique francophone.

Tout a commencé au Mali, en 2020. Profitant d’une forte remise en cause du régime de feu Ibrahim Boubacar Keita par la classe politique et la société civile, les militaires accaparent le pouvoir et déposaient tranquillement l’ancien président réélu à la tête du Mali pour un second et dernier mandat en 2018. Pour justifier ce coup de force, il était surtout avancé les problèmes sur les plans sécuritaire et de la gouvernance.

Depuis, le programme semble se limiter à chasser les partenaires français pour les remplacer avec les Russes.

Mais qu’à cela ne tienne, la trouvaille semble marcher comme sur des roulettes. Dans une Afrique francophone où le rejet de la France semble de plus en plus être le sentiment le mieux partagé, Assimi et Cie font des émules au-delà des frontières maliennes, en particulier auprès des populations les plus jeunes, qui voient en eux enfin des dirigeants attentifs à leurs exigences par rapport aux relations avec la France.

À la suite du Mali, l’épidémie des coups d’État va se propager d’abord en Guinée où les putschistes tiraient leur socle de la volonté même de l’ancien président Alpha Condé de briguer un troisième mandat jugé anticonstitutionnel ; ensuite au Burkina Faso où il y a eu une série de coups d’État ; puis au Niger où le président Mohamed Bazoum, bien qu’élu démocratiquement, a été débarqué par l’ancien chef de la garde présidentielle avec de prétextes fallacieux, avant que le Gabon ne soit à son tour contaminé.

 Interpellé, Dr Serigne Bamba Gaye, analyste géopolitique, revient sur les facteurs explicatifs de ces nombreux coups d’État.

D’abord, il y a le non-respect des règles démocratiques par les dirigeants en place ; ensuite, il y a un accroissement des inégalités avec la captation des richesses par une minorité (le cas du Gabon qui fait partie des pays les plus riches du continent) ; enfin, il y a une crise de légitimité de l’État avec un déficit criant de confiance entre les populations et les institutions. ‘’Ce qui fait que quand, au détour d’évènement comme les élections, au détour de crises sécuritaires, de crises politiques, arrivent ces coups d’État, les populations ont tendance à les légitimer et espèrent, souvent même de manière naïve, que ce coup d’État mettra fin à leurs problèmes, qu’il marque le début d’une ère nouvelle et va leur permettre d’avoir de nouveaux dirigeants’’.

En outre, constate le spécialiste, ‘’il y a lieu de souligner que la plupart de ces coups d’État dont nous parlons sont localisés dans d’anciennes colonies françaises. Parce qu’après la décolonisation, la France a considéré l’Afrique comme un lieu de déploiement de sa puissance et a mené une politique qui lui permet d’intervenir directement dans les affaires de ses anciennes colonies, notamment sur le plan militaire avec la présence des bases, sur le plan financier avec l’existence du franc CFA ainsi que sur le plan économique avec la présence des firmes et compagnies françaises’’.

Dans la plupart des cas, en tout cas, ce sont les arguments invoqués par certains activistes proches de Moscou pour légitimer les coups d’État. Dans une vidéo, Kemi Séba réagit au putsch du Gabon en ces termes, comme pour mettre la pression sur la nouvelle junte militaire : ‘’Je dis au général Oligui du Gabon qu’il a deux options : soit il remet le pouvoir au candidat qui aurait gagné les élections, soit qu’il remette tout à zéro pour mener une transition dans la ligne d’Assimi Goita, d’Ibrahim Traoré. Mais nous disons à notre frère de ne pas faire l’erreur d’aller dans la direction de Damiba, en te soumettant aux intérêts français, aux intérêts occidentaux. Si tu le fais, tu risques de quitter le pouvoir comme tu l’as pris. Nous vous soutenons tant que vous serez dans la logique d’autodétermination.’’

De l’avis de l’activiste franco-béninois, on ne devrait même pas parler de coup d’État. ‘’L’Occident parle de coup d’État, mais nous, nous appelons ça une opération de restauration de l’État… Nous assistons en vérité à une mutation des systèmes politiques en Afrique. La nouvelle génération est dans une voie de jonction des forces issues de la société civile panafricaniste d’un côté et de l’autre les forces militaires patriotiques. Et c’est la conjonction de ces deux entités qui crée une nouvelle voie d’autodétermination et de souveraineté’’.

Seulement, des indépendances à nos jours, ils sont très rares, les pays en Afrique, qui ont été développés grâce à ces coups d’État. À l’exception de président Jerry Rawlings qui a mis le Ghana sur les rampes de l’émergence et de la normalisation démocratique, la plupart des putschistes n’ont réussi qu’à enfoncer leurs peuples dans la misère. Pour les nouveaux putschistes, la tendance est surtout de chasser les Français pour les remplacer par les Russes généralement. C’est le cas en tout cas pour le Mali, le Burkina Faso et le Niger qui s’efforce à leur emboiter le pas. Un changement de paradigme qui a plutôt tendance à marcher auprès de certaines franges de la population.

Dans tous les cas, n’eussent été ces coups d’État répétitifs, en Guinée comme au Burkina Faso, les peuples pouvaient retourner aux urnes pour choisir librement leurs dirigeants. Quant au Mali, il devait organiser cette année même des élections pour choisir le successeur d’IBK. Avec les juntes au pouvoir, Dieu seul sait quand ils pourront retourner aux urnes pour choisir librement des dirigeants.

MOR AMAR

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