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Dans sa lutte pour être éligible à la prochaine Présidentielle, le candidat de la coalition Sonko Président a remporté une victoire qui était indispensable, mais qui est loin d’être suffisante pour être éligible.
C’est une victoire très importante pour Ousmane Sonko, candidat de la coalition Sonko Président à l’élection présidentielle de 2024. Hier, le tribunal d’instance de Dakar s’est prononcé en faveur de sa réintégration sur les listes électorales. Sur sa page Facebook, l’opposant en prison n’a pas tardé à crier sa satisfaction. Il déclare : ‘’Gloire à Dieu, l’Unique ! Honneurs à mes dévoués, brillants, désintéressés et loyaux avocats ! Reconnaissance infinie à ce formidable peuple sénégalais ! Que la paix et la bénédiction divine inondent notre pays !’’
Chez les avocats, militants et sympathisants, on se félicite également de la décision qui a été prise. Pour le tonitruant Ciré Clédor Ly, le droit a été dit. ‘’Par deux fois, souligne-t-il, la justice a tranché et donné raison à monsieur Ousmane Sonko. Il est temps que l’État abdique et ce ne serait ni honte ni désolation, mais grandeur et sagesse. Le droit a été dit et la justice a encore résisté’’.
À entendre la robe noire, l’État doit reculer et donner acte à la candidature de son client validée par le tribunal, pour réconcilier les Sénégalais avec la justice et les institutions.
Mais est-ce que cette décision du tribunal de Dakar met un terme au débat sur l’éligibilité d’Ousmane Sonko ? Une chose est sûre : rien ne s’oppose désormais à sa réintégration sur les listes électorales. En tout cas, du point de vue purement juridique, la loi électorale est très claire. ‘’Compte tenu des délais en vigueur au niveau de certaines juridictions, les décisions de justice rendues et transmises à l’autorité compétente ou au service de gestion du fichier électoral seront immédiatement prises en compte et traitées dans le sens prescrit, nonobstant la clôture de la période’’, précise l’article L47 du Code électoral à son dernier alinéa.
De manière subtile, la DGE avait renvoyé la balle à la Daf
Aux termes de l’article 36 de la loi organique sur la Cour suprême, les délais de recours et le recours ne sont suspensifs que dans les cas suivants : en matière d’État ; quand il y a faux incident ; en matière de vente immobilière ; en matière pénale, sauf, d’une part, en ce qui concerne les civils et, d’autre part, l’existence de dispositions législatives contraires ; enfin dans les cas prévus à l’article 74-2 de la présente loi. D’ailleurs, en 2019, Khalifa Ababacar Sall avait été victime du caractère non suspensif du pourvoir pour être écarté de la course à la Présidentielle par le Conseil constitutionnel.
Mais qui est donc habilité pour procéder à la réintégration d’Ousmane Sonko dans le fichier électoral ?
En effet, le Directeur Général des Elections, dans un communiqué en date du 20 octobre dernier, précisait que la radiation de Sonko avait été faite, après avoir reçu du ministère de la Justice, par lettre n°000116/MJ/cab, la liste des personnes condamnées à radier ou à retirer du fichier électoral. Il poursuivait : ‘’Une de ces personnes, en l’occurrence monsieur Ousmane Sonko a saisi le Tribunal d’instance de Ziguinchor pour attaquer ce fait. Le tribunal, dans son ordonnance n°01 du 12 octobre 2023, a demandé sa réintégration. Sur cette question, il y a lieu de préciser qu’il n’y a pas encore de décision définitive, l’Etat du Sénégal ayant décidé d’exercer les voies de recours qui s’offrent à lui. Par conséquent, le dossier suit toujours son cours judiciaire.’’
Par la suite, le mandataire du leader de l’ex Pastef, Ayib Daffé, a eu beau faire le pied de grue au ministère de l’Intérieur, les fiches de parrainage ne lui ont jamais été remis.
Et, lorsqu’à la suite de la première décision rendue par le juge de Ziguinchor, par une lettre, l’ancien président de la Commission électorale autonome lui demandait de réintégrer le candidat Sonko, la Direction générale des Élections (DGE) répondait qu’elle n’a ‘’pas de compétence pour mener une quelconque action sur le fichier électoral’’. Une manière subtile de dire qu’il faut s’adresser à la Direction de l’automatisation des fichiers (Daf) qui est le service en gestion des fichiers.
Quoi qu’il en soit, aussi bien la DGE que la Daf dépendent du ministère de l’Intérieur qui est l’autorité compétente pour diligenter le respect de cette décision de justice.
Une victoire importante, mais pas suffisante
Par ailleurs, il convient de souligner qu’une réintégration de Sonko dans le fichier électoral est loin de signifier que le débat est définitivement clos. Malgré cette victoire nécessaire, le chemin reste encore très long pour le candidat de Sonko Président.
D’abord, en ce qui concerne l’affaire de la radiation, il va falloir en découdre encore devant la Cour suprême.
Avocat de l’État, Maitre El Hadj Diouf avertit : ‘’Ceux qui jubilent aujourd’hui n’ont rien compris. La victoire éphémère de Ziguinchor va encore se reproduire. Parce qu’ils ont oublié que la Cour suprême ne peut se contredire. Nous avons assisté à la décision d’un juge inférieur qui défie un juge supérieur. On va faire un pourvoi en cassation’’, peste-t-il tout en saluant une décision qui prouve à suffisance qu’il y a une justice ‘’indépendante’’ au Sénégal.
Ce que Me Diouf essaie de dire, c’est que le juge de Dakar a invoqué le même motif que son homologue de Ziguinchor. En conséquence, il encourt la même sanction devant le juge de droit.
Ces autres obstacles sur le chemin de la Présidentielle
Que peut-on attendre maintenant de la Cour suprême ? Aux termes de l’article 54 de la loi organique sur la Cour suprême, ‘’lorsque, après cassation d'un premier arrêt ou jugement, le second arrêt ou jugement rendu dans la même affaire et entre les mêmes parties procédant en la même qualité, est attaqué par au moins l'un des moyens formulés contre le premier arrêt ou jugement, la chambre à laquelle l'affaire a été attribuée saisit les chambres réunies par un arrêt de renvoi’’.
Autrement dit, en l’espèce, si les avocats de l’État, comme l’a suggéré Me Diouf, invoquent le même moyen dans leur pourvoit, la chambre saisie va renvoyer l’affaire aux chambres réunies. ‘’Si le deuxième arrêt ou jugement (celui de Dakar) est cassé pour les mêmes motifs que le premier, la juridiction à laquelle l'affaire est renvoyée doit se conformer à la décision de la Cour suprême sur le point de droit jugé’’, dispose l’article 55 à son alinéa 1er. L’alinéa 2 de préciser : ‘’En cas de résistance, la chambre compétente statue sans renvoi.’’
Sur un autre registre, il convient de souligner que cette affaire relative à la radiation n’est qu’un obstacle sur la tête du maire de Ziguinchor. En 2019, Khalifa Ababacar Sall était bel et bien sur les listes électorales, mais pour autant, il a été déclaré inéligible en raison de sa condamnation. Dans le cas de Sonko, deux obstacles majeurs sont à relever.
D’abord, il y a l’affaire Mame Mbaye Niang qui pèse sur sa tête comme une épée de Damoclès. Selon nombre de spécialistes, une confirmation de la décision de la Cour d’appel de Dakar pourrait être un motif d’inéligibilité. Outre l’affaire Mame Mbaye Niang, ni le juge de Ziguinchor ni celui de Dakar n’ont tranché la question de fond, à savoir : est-ce que l’envoi de Sonko en prison dans le cadre d’une autre affaire entraine ou non la purge du jugement par contumace ? De la réponse à cette question dépendra aussi son éligibilité.
Une décision saluée par certaines personnalités En attendant la suite, cette décision a en tout cas été saluée par beaucoup d’observateurs qui estiment que cela renforce l’État de droit. ‘’Le Sénégal, comme le roseau, soutient Alioune Tine, plie, mais ne rompt pas. La décision de justice du tribunal hors classe de Dakar, en confirmant la décision du juge de Ziguinchor autorisant la réinscription d’Ousmane Sonko sur les listes électorales, vient d’ouvrir une sacrée fenêtre d’opportunité par rapport à la crise préélectorale portant sur la question de l’éligibilité’’. Selon le président d’Afrikajom Center, cela montre qu’il y a des magistrats qui résistent face aux doutes et interrogations sur la solidité de l’État de droit, des droits fondamentaux de la personne face à la toute-puissance de l’État et qui méritent le respect. ‘’Il faut élargir autant que faire se peut la fenêtre d’opportunité pour que ce pays- roseau traverse, par le génie exceptionnel de son peuple, les défis et menaces en tous genres qui se dressent face à lui. L’Administration doit suivre, les politiques responsables de l’État et l’opposition doivent suivre. La construction de la démocratie, de l’État de droit et des droits humains est une responsabilité qui nous incombe à tous’’. À l’international, la décision a aussi été saluée par des personnalités qui n’ont jamais masqué leur soutien à Ousmane Sonko. Il en est ainsi du leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, qui se dit ‘’heureux d'apprendre que le tribunal réintègre Ousmane Sonko dans le droit à être candidat à la Présidentielle’’ et qui adresse des félicitations au Sénégal, ‘’État de droit’’. |
PAR MOR AMAR