L’AJA pour une plus grande implication des citoyens
Sous l'égide de l’Association des juristes africains (AJA), la ville de Saint-Louis a abrité, samedi dernier, une conférence sur la gouvernance des ressources naturelles en Afrique. À cette occasion, les participants, venus de différents secteurs, se sont penchés sur le cas du Sénégal qui, certes, a fait des efforts importants, mais fait face à de nombreux défis dans le domaine de la gouvernance des ressources extractives.
Le Sénégal a révisé sa Constitution pour consolider la citoyenneté et élargir les droits du citoyen. Ainsi en son article 85 alinéa 1er, il est écrit que les ressources naturelles appartiennent au peuple. Ce qui constitue une grande avancée sur le plan de la démocratie économique, si l'on en croit le professeur Papa Ogo Seck de l'université Gaston Berger de Saint-Louis (UGB).
Toutefois, précise le président de l'Association des juristes africains (AJA), si les ressources appartiennent au peuple, elles ne sont pas gérées par ce dernier. “Il faudrait que, dans le cadre de la gestion des ressources, que le peuple, à travers la voix des universitaires, de la société civile et de certains responsables, puisse apporter sa contribution pour mettre un cadre de contrôle. Cela permettra au peuple de jouir de ce qui lui revient à travers les recettes”, a déclaré le Pr. Seck.
Selon toujours l'enseignant-chercheur, sur le plan législatif, le Sénégal a effectué d'importants pas dans la gouvernance des ressources. “Des avancées sont notées sur le plan législatif, avec la mise en place du Cos-Petrogaz en 2016, mais également à travers la loi sur la répartition des recettes de 2022. Ce sont deux lois qui marquent des pas importants pour que le peuple puisse bénéficier de ses ressources”, a expliqué le président de l’AJA.
Un comité national indépendant de gestion proposé
Même si des avancées sur le plan législatif et de la démocratie économique sont notées et appréciées, il est ressorti des échanges que le cadre peut être amélioré. Pour le président du Laboratoire de recherche en science politique à l'UGB, les universitaires, juristes et autres experts doivent réfléchir sur les approches innovantes dans la régulation et la gouvernance des ressources naturelles. “Il est nécessaire de se pencher davantage sur les cadres juridique et institutionnel. Actuellement, le monde est dirigé par la connaissance. Pour que le contrôle puisse bien être assuré, la connaissance juridique est extrêmement importante dans la négociation des contrats. Au niveau de l'AJA, notre souci, au Sénégal, est de faire en sorte que le contrôle des ressources soit renforcé, sous risque d'implosion, de conflits, de guerres civiles. Nous devons prêter attention à ce qui se passe au niveau de la communauté internationale et éviter le syndrome hollandais. Les ressources ne doivent pas toujours servir à surarmer nos pays et à défendre ce qui ne l'est pas", a soutenu le professeur Pape Ogo Seck.
Ainsi, le président de l'Association des juristes africains appelle à la mise en place d'un nouveau cadre dénommé Comité national indépendant. Il sera à l'image de celui des Droits de l'homme au Sénégal et aura un rôle de surveillance et d’alerte sur la gestion des ressources naturelles.
À en croire toujours M. Seck, le comité ne serait pas uniquement composé d'administratifs, mais aussi de professionnels d'autres secteurs, de magistrats, de partenaires, d'investisseurs pour mieux surveiller et contrôler la distribution des recettes qui reviennent au peuple.
Il faut signaler qu’ à travers cette conférence, l'Association des juristes africains vise à proposer un cadre juridique et institutionnel qui intègre les enjeux économiques, sociaux et culturels tout en prévoyant les risques conflictuels liés à l'exploitation des ressources naturelles et la protection de l'environnement.
IBRAHIMA BOCAR SENE (SAINT-LOUIS)