Publié le 24 Oct 2024 - 13:17
APRÈS TABASKI, KORITÉ, MAGAL ET GAMOU

Les tailleurs se retrouvent dans une situation financière très difficile

 

Au Sénégal, surtout dans la banlieue de Dakar, les tailleurs vivent une situation infernale, après les grands événements tels que le Magal, le Gamou, la Tabaski et la Korité. Beaucoup d’entre eux n’arrivent pas à joindre les deux bouts. Et pour subvenir à leurs besoins et contourner la situation, certains vendent leurs machines à coudre à bas prix et s’adonnent à d’autres activités. D’autres se convertissent en marchands ambulants, conducteurs de motos ou se lancent dans diverses activités plus rentables.

 

Lors des grands événements, les tailleurs sénégalais se frottent les mains. Mais après ces moments où tout le monde court après eux, leur activité ne fonctionne presque plus. La clientèle se fait rare et ils se retrouvent dans une situation financière extrêmement difficile. Pour y faire face, certains parmi eux bazardent leurs machines à coudre et s’adonnent à d’autres activités. D’autres deviennent conducteurs de moto (Tiak-Tiak) et pratiquent diverses activités.

Amadou Sow, un tailleur trouvé devant son atelier en train de discuter avec un ami, soutient que leur secteur est à l’agonie. "On vit une situation extrêmement difficile. Notre activité ne nous fait plus vivre. Après les grands événements, on n'a pas de travail", soutient ce père de famille évoluant dans ce métier depuis plus de 20 ans. À l’en croire, il peut rester des jours sans gagner un franc. "Parfois, je peux rester quatre jours, voire plus, sans voir un seul client qui peut me donner un franc. Mais malgré cela, on doit venir au travail, car même si on ne gagne rien, on ne peut pas rester à la maison les bras croisés", confie cet homme en tenue traditionnelle.

Il arrive des moments où, poursuit-il, il ne peut même pas assurer ses dépenses quotidiennes.

Face à la rareté des clients, certains tailleurs s’adonnent à la couture et à la vente de prêts-à-porter pour pouvoir assurer la dépense quotidienne. "Pendant les périodes hors événements ou fêtes, je couds des prêts-à-porter, c’est-à-dire des robes légères que je revends. Sans cela, je ne vais pas m’en sortir", raconte Hameth Loum, un tailleur trouvé à Diamaguene devant sa machine à coudre.

Face à l'impossibilité de trouver des clients et de gagner leur vie dans leur profession, certains professionnels du tissu s’adonnent à autres activités plus rentables. Converti en moto-conducteur, Mamadou Niang, un jeune tailleur, a vendu son matériel de travail pour se procurer une moto. "Je suis tailleur de profession, mais ces dernières années, vu qu’après les grands événements, notre secteur ne marche plus, j’ai opté pour d’autres activités. J’ai vendu mes machines à coudre pour me procurer une moto. Je fais des livraisons et je m’en sors bien", raconte ce jeune homme vêtu de noir.

Lui emboîtant le pas, Abdou Diallo, un autre jeune tailleur, dit s’être converti en marchand ambulant. "Depuis trois ans maintenant, après les événements religieux, je ferme mon atelier et je vends des vêtements à Colobane", confie ce trentenaire trouvé à Fass Mbass à l’arrêt de bus.

Les clients sont prêts à décaisser beaucoup d'argent

Auparavant, quand les clients apportaient leurs tissus chez le tailleur, ils donnaient de l’avance et complétaient une fois leurs tenues confectionnées. Mais aujourd’hui, ils ne le font presque plus, ce qui impacte les tailleurs. Pire encore, ils imposent aux tailleurs de coudre leurs tenues qu’ils tardent également à récupérer. "Actuellement, les clients ne donnent plus d’avance et mettent la pression sur le tailleur. On se débrouille pour coudre les tenues pour ne pas fâcher le client. Mais malheureusement, il peut ne pas respecter le délai. C’est-à-dire, quand tu l’appelles pour lui annoncer que sa tenue est prête, il peut rester longtemps sans venir récupérer sa tenue ni payer", raconte Amadou Sow.

En effet, explique-t-il, "j'ai ici, dans mon atelier, des tenues que j'ai cousues depuis l'année dernière, mais j’attends toujours leurs propriétaires. Ils ne viennent pas et ne m’envoient pas mon argent". Selon lui, certains de ses clients récupèrent leurs commandes sans payer et il est obligé de patienter, car, dit-il, il ne peut pas les appeler pour réclamer son argent.

Certains tailleurs ont également des problèmes pour augmenter leurs prix. C’est le cas d’Adama Lam. Selon lui, actuellement tout est cher, mais ils n’arrivent pas à augmenter leurs tarifs. "Certains clients pensent qu’ils doivent à chaque fois payer le même prix pour des modèles similaires. J’ai des clients qui, depuis 2008, me paient la même somme pour certains modèles. Je sais qu’ailleurs ils vont payer plus cher, mais chez moi, ils ne dépassent pas ce qu’ils ont l’habitude de payer", regrette-t-il.

Dans la même veine, il révèle avoir perdu des clients lorsqu’il a tenté d’augmenter ses prix. À l’en croire, certains clients pensent que les tailleurs qui ont des ateliers luxueux sont plus compétents et qualifiés que les autres. D’ailleurs, ajoute M. Sow, ils doutent de confier leurs tissus aux tailleurs qui ont de petits ateliers. D’après lui, dans un atelier luxueux, les clients sont prêts à débourser beaucoup d'argent, même si le tailleur n'est pas très bon.

Babacar Yade, un jeune tailleur de 33 ans, trouvé devant son atelier en train de faire du thé, raconte sa mésaventure avec une cliente. "Un jour, j'ai rencontré une cliente au marché de Thiaroye, dans une boutique de tissus. Dans la discussion, elle m'a fait savoir qu'elle avait besoin d'un tailleur qualifié. Je lui ai dit que j’en étais un. On a échangé nos contacts. Quelques jours après, elle est venue à mon atelier, à Mbed Fass, avec un sachet plein de tissus. Lorsqu'elle est rentrée dans l'atelier, parce que ce n'est pas vitré et n'est pas luxueux, elle a hésité à me confier ses tissus. Elle a décidé de repartir en m’assurant qu’elle reviendrait. Mais j’ai compris sa réaction", raconte-t-il.

Selon lui, la dame lui avait demandé de réparer sa robe qu’un autre tailleur lui avait cousue et qui était mal faite. "Je lui ai demandé combien elle avait payé le tailleur, elle m'a dit 50 000 F CFA. Maintenant, pour lui réparer sa robe, je lui ai demandé 15 000 F CFA. Ce qu’elle a trouvé cher. Pourtant, elle avait payé 50 000 F CFA pour un travail mal fait", narre Babacar Yade.

FATIMA ZAHRA DIALLO

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