Du rifi-filles au Quai d’Orsay
Huit petits mois et puis s’en va… Nommée en février dernier - donc sous «l’ancien régime» - à la tête de la Direction Afrique-Océan indien (DAOI) du ministère des Affaires étrangères, Élisabeth Barbier vient d’en être évincée sur décision de Laurent Fabius.
Cette diplomate expérimentée, ambassadrice de France à Nairobi (Kenya) de 2006 à 2010, aurait-elle péché par incompétence chronique ou commis une inexpiable bourde ? Non. Sa faute est bien plus grave : elle n’a pas eu l’heur de plaire au ministre. Sous les ors du Quai d’Orsay, ce fait du prince n’a guère surpris. «Depuis son arrivée, Fabius la snobe ostensiblement, raconte un témoin privilégié. Sans doute la jugeait-il insuffisamment charismatique. Même si Élisabeth s’est acquittée très honorablement d’une tâche ingrate : la renégociation des accords de défense et de coopération militaire avec notre défunt pré carré.» On notera -suprême élégance- que l’intéressée a été informée de sa disgrâce le mercredi 10 octobre, soit l’avant-veille du départ de François Hollande et sa troupe, pour Kinshasa via Dakar. En clair, le voyage initiatique de l’un fut la tournée d’adieu de l’autre.
Qui pour lui succéder ? Un nom circule. Celui du swahiliste Jean-Christophe Belliard, actuel ambassadeur à Madagascar, africaniste aguerri passé notamment par Addis-Abeba, capitale de l’Éthiopie et siège de l’Union africaine, déjà pressenti au poste de conseiller Afrique de l’Elysée, attribué in fine à Hélène Le Gal.
Comme le souligne ce mardi La Lettre du Continent, ce congédiement suit celui, au cœur de l’été, de Nathalie Loiseau, jusqu’alors directrice générale de l’Administration et de la Modernisation du «MAE», exfiltrée vers l’ENA ; et précède selon toute vraisemblance la mise à l’écart de Joseph Maïla, pour l’heure aux commandes de la Prospective. En lot de consolation, l’ex-patronne de la DAOI pourrait atterrir à Pretoria, dans une Afrique du Sud qu’elle connaît bien pour y avoir servi à deux reprises.
«En pleine crise sahélienne, soupire un initié, tout ça affaiblit le Quai. D’autant que sur ce dossier, le ministère de la Défense s’active beaucoup. Une rencontre de haut-niveau est programmée la semaine prochaine avec les Américains. Et Johnnie Carson [secrétaire d’Etat adjoint aux Affaires africaines de Barack Obama] risque de ne pas trouver d’homologue à sa hauteur côté français.» Autre effet pervers immédiat : ce chamboule-tout conforte la thèse de ceux qui -sur le continent noir comme sur les bords de Seine- estiment l’«afro-dispositif» du tombeur de Nicolas Sarkozy un chouïa chétif. Commentaire d’un autre homme du sérail : «Hélène Le Gal a certes un passé africain, mais sa carrière l’en a un temps éloignée. Son adjoint Thomas Melonio ? Sympa et bosseur, mais en manque d’expérience de terrain. Quant à Sophie Moal-Makamé [la conseillère Afrique de Fabius], elle n’est familière que des versants oriental et austral du continent.» Que l’on soit ou pas un zélote de la parité, comment ne pas remarquer que le ministre d’Etat a d’ores et déjà écarté deux femmes de son équipe ? Dire que - rançon d’une «cover» récente sur Hollande et l’autre moitié du ciel -, L’Express passe pour misogyne… Message à l’attention des implacables pourfendeuses du sexisme en marche: vérification faite auprès de l’intéressé, Christophe Barbier, directeur de la rédaction de cet hebdomadaire, n’a aucun lien de parenté connu avec l’infortunée Élisabeth.
(Sur le blog de Vincent Hugeux, L'Express)