Le centre-ville menacé de disparition
L’avancée de la mer constitue le plus grand casse-tête des autorités municipales de Rufisque, après l’assainissement. La vieille ville a une particularité. Se trouvant bien en dessous du niveau de la mer, les eaux marines grignote le continent à un rythme rapide et soutenu. Ainsi, les moyens de lutte doivent être colossaux ; ce qui explique que les ouvrages mis en place ne puissent pas jouer leur rôle parce que ne pouvant venir à bout de la furie des vagues.
La ville de Rufisque est menacée. La mer pénètre de plus en plus le continent à un rythme qui a fini d’inquiéter les habitants mais aussi les autorités publiques. Pour la plupart des observateurs, si rien n'est fait avec efficacité, le centre-ville de Rufisque disparaîtra dans les années à venir. La position des wharfs (murs de protection) à l’escale qui fonctionnaient au début des années 60, démontre que la mer a avancé de plus de 50 mètres en 40 ans.
Une situation alarmante que confirme Mame Thiaba Boye, une vieille dame à la soixantaine dépassée. Elle se souvient encore du temps où il fallait marcher plus de 150 mètres pour atteindre la plage alors qu’elle avait dans les vingt ans. ''La maison où je suis née, est maintenant sous les eaux. Mais, je me rappelle que notre maison familiale faisait face à la mer et pour atteindre la plage, il nous fallait faire une longue marche avant d'atteindre la plage'', se remémore cette vieille dame qui vit actuellement à Arafat et qui émet cependant des doutes : ''Les études sur l’avancée de la mer ne me paraissent pas exactes car la mer a pris beaucoup plus de terres qu’on le soupçonne. La digue de protection a un peu ralenti le phénomène mais, les problèmes restent entiers».
Une dure de 20 m a disparu
La même observation est faite par Malamine Ndiaye, un plus ou moins vieux pêcheur trouvé sous une cabane faite de zinc, d’un peu de ciment et de feuilles de cocotier, après l’ex-usine Bata. ''Là où nous nous trouvons, il y a près d’une trentaine d’années, était érigée une dune de près de 20 mètres qui a aujourd’hui disparu. La mer avance à grands pas. C’est peut-être ce qui fait que la pêche au filet ne donne plus grand-chose'', dit-il.
Il faut noter que le centre ville se trouve en dessous du niveau de la mer, une situation aggravée par le fait que ladite zone est dans une cuvette, selon une étude réalisée par des partenaires de Nantes, ville jumelée avec Rufisque. Et d'après une étude faite par la mairie de la commune d’arrondissement de Rufisque, une collectivité locale très présente dans la recherche de solutions contre l’avancée de la mer, près d’un mètre est pris chaque année par la mer au continent. Ce qui fait dire au directeur de cabinet du maire, Babacar Dieng, que ''le phénomène est grave. En moyenne, les eaux marines grignotent -1,30 m par année dans certains endroits, et 0,7 m dans d’autres sites. Et ce rythme est observé de 1937 à 1980''.
Le danger est réel
Pour Idrissa Thiaw, point focal du projet Green Sénégal à Rufisque, ''l’érosion côtière menace de détruire les établissements humains du vieux Rufisque avec des destructions importantes des résidences riveraines, des bâtiments industriels et historiques''. C’est aussi l’avis d'Ousmane François Guèye, président du Collectif des Lébous. ''La dernière furie des eaux marines dans la ville de Rufisque, remonte au mois de mars 2012. Cela a même engendré l’effondrement du mur du cimetière de Diokoul Kao et la mosquée. Les cimetières de Thiawlène et Diokoul, celui des Chrétiens, sont menacés de disparition'', d'après M. Guèye. Et avec l'approche de l'hivernage, favorisant une mer agitée, ''les populations de Thiawlène, Mérina, Diokoul, ne dorment que d’un seul œil. Chacun se prépare au pire puisque la digue de protection ne peut plus arrêter les vagues. Nous redoutons de revivre les événements de 2007 quand la ville a dû faire face à des vagues de 30 mètres. Cela avait d’ailleurs provoqué la colère des populations qui s’en étaient prises aux autorités''.
Les mesures prises
Face à cette avancée de la mer, les infrastructures qui étaient prévues, ne sont plus efficaces. Selon Babacar Dieng, un environnementaliste qui a réalisé une étude sur l’érosion côtière à Rufisque, ''dans le secteur de Rufisque Ouest, c'est-à-dire vers Dioukoul, des murs ont été construits pour arrêter l’avancée de la mer. Mais, il se trouve que beaucoup de ces édifices sont actuellement sous les eaux''. Des blocs de mur en béton ont été installés. Mais la résistance de ces installations ne dure pas. Elles sont en train de s’effondrer un à un. Ce qui fait dire à Alioune Mar, maire de la commune d’arrondissement, que la délocalisation des populations est actuellement une nécessité.
La digue de protection construite dans les années 80 s’affaisse peu à peu. Même une grande partie de cette digue qui se trouvait entre le quartier de Thiawlène et l’ex usine Bata n’existe plus. De fait, les cimetières de Thiawlène restent sous la menace des eaux. Idrissa Thiaw de Green Sénégal fait noter que la digue de protection ne joue plus son rôle. Pour sauver ce qui peut encore l'être, le maire de Rufisque Est, Boubacar Albé Ndoye, a établi un partenariat avec des Hollandais, qui ont une grande expérience pratique de la lutte contre l'érosion côtière. Un financement aurait été obtenu pour la construction d’une digue-esplanade pour la partie Est de Rufisque, financée par l’Etat du Sénégal. Ce projet d’adaptation aux changements climatiques dont Green Sénégal s’occupe de la communication ainsi que le centre de suivi écologique, l’entité de mise en œuvre, ''est financé à hauteur de deux milliards et fait moins d’un km. Les travaux vont démarrer incessamment et l’entreprise en charge des travaux, Eiffage, s’est déjà installée''.
PAPE MOUSSA GUÈYE