“Les cinq qualités essentielles d'un journaliste...”
Les jeunes journalistes regrettent de ne plus le compter parmi leurs collègues. D’aucuns lui reprochent son renoncement à ce métier. Lui est d’avis que ces derniers ne devraient pas. Homme politique et journaliste ne riment pas bien. Allier les deux serait irresponsable, pense Abdou Latif Coulibaly. Brillant journaliste, il a su marquer diverses générations à travers ses écrits. Humble, il reste convaincu que ce ne sont pas ses opinions qui ont marqué les gens, ce sont plutôt les faits. C’est aux jeunes donc de prendre la relève et de faire ce qu’il faisait. Invité de Grand’Place de ce week-end, il partage son expérience et se prononce sur l’actualité.
Comment êtes-vous arrivé dans le journalisme ?
Il ne serait pas exact de ma part de dire que je suis arrivé dans le journalisme par hasard. J’y suis arrivé après un long processus de maturation d’une vocation. Quand j’ai eu 7 ans, mon père était, dans notre village, l’un des premiers chefs de famille à acheter ce qu’on appelait un transistor. Il trônait sur le bahut, dans le salon, et il y avait des séances d’écoute collective. J’ai toujours été particulièrement fasciné par les moments où passaient les bulletins d’informations.
Je ne parlais nécessairement pas français. A l’époque, deux voix m’avaient marqué : celles de Clédor Diagne et d’Ousseynou Seck. Ils étaient chargés des bulletins d’information en wolof. A l’époque, il n’y avait pas de reportage en wolof. Donc, Clédor Diagne et Ousseynou Seck étaient chargés de traduire en wolof les conducteurs des éditions en français. Les écouter me passionnait. Quand je suis allé à l’école, j’ai commencé à comprendre certaines choses. Je n’ai jamais cessé d’écouter la radio. Paradoxalement, je n’ai pas eu envie d’être un professionnel de la radio, quand je suis arrivé à l’école de journalisme. Cela s’explique peut-être par mon cursus.
J’étais un jeune étudiant, maitrisard de droit, donc j’avais déjà commencé à réfléchir et à écrire. J’estimais que l’école de journalisme était pour moi le lieu privilégié pour apprendre à écrire un article de presse. Ce n’est pas parce qu’on a une maitrise quelque part qu’on sache forcément comment faire cela. Ce n’est pas évident. Le summum de mes envies, laquelle probablement faisait naître une vocation en moi, était le reportage sur le football. Je me rappelle de reportages de très grands reporters, en l’occurrence Alassane Ndiaye ‘’Allou’’, Pathé Fall Dièye et Magib Sène et, plus tard, quand j’étais au lycée, Abdoulaye Diaw et Issa Thiomby. Ce dernier était un reporter à Radio-Kaolack. J’allais au stade de Kaolack qui fut plus tard baptisé ‘’stade Lamine Guèye’’, pour voir les reporters dans la cabine. J’étais toujours curieux et regardais la cabine où ils étaient installés. Le seul fait de les voir était pour moi quelque chose d’extraordinaire.
Si la vocation est née chez vous assez tôt, pourquoi n’avez-vous pas fait le concours d’entrée au Cesti après le Bac ?
Vous savez, j’ai fait mon Bac au lycée de Kaolack. Les samedis, il y avait des procès à Kaolack. Il m’arrivait souvent d’aller au tribunal. Je garde toujours le souvenir d’un avocat dont les plaidoiries étaient tellement plaisantes pour moi. Il s’appelait Oumar Diop. Il avait été également affecté à Kaolack un jeune procureur très élégant dans le port, le verbe facile. Ce dernier s’appelait Djibril Camara. Il est plus tard devenu procureur général de la Cour suprême. Ce sont des choses qui ont fait qu’en ayant mon Bac, j’ai voulu aller à l’université pour faire droit. Je ne sais pas si c’est un concours de circonstances, mais mon grand frère était également à la faculté des Sciences juridiques. Quand il venait lors de ses vacances, il parlait de droit. Finalement, je crois que cela a été une bonne option pour moi. J’ai eu une maitrise en droit public, avec pour option Relations internationales. C’est après cela que j’ai fait le concours du Cesti.
Qu’est-ce qui vous a décidé à cet instant-là, sachant que vous vouliez devenir avocat et que vous pouviez tenter l’examen d’entrée au barreau ?
En moi était née quelque part une envie et une vocation de faire du journalisme. Si je n’étais journaliste et que j’avais réussi le concours d’entrée à l’Enam (Ndlr : Ecole nationale d’administration et de magistrature devenue Ena), je serais devenu diplomate. Si ce n’était pas cela, je serais devenu avocat. Ce sont les trois métiers qui m’ont vraiment passionné dans ma vie de jeune étudiant. Le seul concours que j’ai fait est celui d’entrée à l’école de journalisme, en janvier 1981. En octobre 1982, nous étions trois admis. Il y avait une consœur qui avait fait des études d’économie et qui avait par la suite travaillé au ‘’Soleil’’, Marie-Louise Benga.
Il y avait un autre qui n’a jamais fait du journalisme, il a passé deux semaines à l’école avant de la quitter. Il s’appelait Cheikh et avait réussi dans la boulangerie. Il faut savoir que l’année où on a fait la maitrise coïncide avec celle où l’Etat du Sénégal expérimentait le projet ‘’maitrisard-entrepreneur’’. Cheikh avait fait droit public comme moi et nous avions, ensemble, fait le concours, mais il était déjà chef d’entreprise grâce à ce projet. Je peux dire que moi, je suis entré dans la profession en 1982. J’ai terminé mon cursus deux ans après, soit en 1984, et je suis entré dans le métier. J’ai d’abord fait un stage extraordinaire de 6 mois à l’Agence de presse sénégalaise (Aps).
J’y avais trouvé d’excellents encadreurs dont Saliou Traoré, paix à son âme, Mamadou Amath et Ibrahima Bakhoum. J’y ai passé mes trois mois de vacances et mes encadreurs avaient beaucoup de sympathie pour moi. C’était une grande chance pour moi. Ils m’ont alors réadmis pour trois mois. J’alliais ainsi études et stage. Je ne regrette pas de l’avoir fait. L’agence de presse est extrêmement formatrice. Elle prépare le journaliste à donner de l’information. A l’agence, il n’y a ni commentaire ni opinion. On ne reste donc que sur les faits. Cela a été une formidable école pour moi. Je ne suis pas sûr que j’aurais pu être le journaliste que je suis devenu - si tant est que j’ai été un bon journaliste - si je n’avais pas fait l’agence. L’agence permet au journaliste de comprendre l’essentiel d’une information et surtout sa valeur. Pour cela, je dis merci à mes maîtres que j’ai toujours envie de citer.
Pourquoi la presse écrite et pas la radio ou la télévision ?
A l’école, quand il a fallu faire des options, je me rappelle que Martin Faye, qui était notre professeur de radio, m’avait suggéré de faire radio. Il l’avait dit et insistait comme d’ailleurs un autre de nos professeurs, Babacar Fall. Ce dernier nous avait en télévision. Mais j’étais très, très loin de ces deux supports là. Je venais de la faculté de Droit avec une maitrise. Donc, j’avais déjà beaucoup écrit. J’avais le sentiment d’avoir été fait pour la presse écrite.
Il y avait également des devanciers qui m’avaient beaucoup impressionné dont Ibrahima Fall, Ndiaga Sylla, Sidy Gaye que je connaissais à travers les médias. Il y avait mon cousin Cherif El Valid Sèye, Abdallah Faye ; nous venions du même patelin. J’avais fait presse écrite et Chérif ne m’avait pas lâché. On a été ensemble au ‘’Soleil’’. Il y avait donc plusieurs facteurs qui m’ont conforté dans mon option. J’avais raison de la faire. Je me suis beaucoup épanoui dans la presse écrite. Mais j’ai vraiment appris la presse écrite dans le groupe Sud Communication. J’y ai eu des maîtres extraordinaires que je ne cesserai jamais de citer, particulièrement Babacar Touré, Abdoulaye Ndiaga Sylla, encore Ibrahima Bakhoum, Ibrahima Fall, Sidy Gaye. C’était une bande extraordinaire.
J’ai participé à la création de Sud. Babacar Sine était le directeur du Cesti à l’époque et avait beaucoup de sympathie pour moi. Il a pensé que je pouvais faire des études doctorales. Il avait choisi quelques personnes pour leur donner des bourses. Il s’agit de Momar Seyni Ndiaye, paix à son âme, Mamadou Koumé, Cheikh Tidiane Gadio et moi-même. Les deux premiers étaient en France, Cheikh Tidiane Gadio aux Usa et moi au Canada. Nous bénéficiions de bourses acquises par Babacar Sine. Après ma thèse de doctorat, je suis revenu parce que les Canadiens avaient déjà programmé la relève des assistants techniques au Cesti. J’étais embauché au Cesti en 1989 comme vacataire, en entendant de soutenir ma thèse. Après ma soutenance, je suis revenu et je suis resté au Cesti pendant 8 ans en tant qu’assistant, puis maître-assistant. J’ai démissionné après. Je suis parti au groupe Sud où j’ai dirigé le département de développement entrepreneurial.
C’est là où était conçu le projet Sud Fm. J’y ai pris une grande part sous la direction de Babacar Touré. Le projet de l’école a suivi. J’y ai pris part. Entre-temps, on a fait un gros projet de télévision. On voulait l’ouvrir à Dakar, mais on n’avait pas la licence. C’était en 1997. On l’avait finalement ouvert en France. Elle a marché pendant un an. Il y a eu après l’alternance et il nous était promis une licence. On a attendu en vain pour des raisons que j’ai suffisamment expliquées dans mon livre ‘’Une alternance piégée, un opposant au pouvoir’’. Il était sans nul doute écrit quelque part que Sud ne ferait pas fonctionner une télévision de 2000 à maintenant. Beaucoup de gens se demandent pourquoi on ne l’a pas fait. Je me dis que c’est dû à un concours de circonstances et la volonté de Dieu n’y était pas. J’ai exercé ma profession pendant presque 30 ans. Ce métier m’a tout donné.
Avez-vous un regret, un souhait que vous auriez voulu accomplir en tant que journaliste et qui ne l’a pas été ?
Oui, j’ai un regret, celui de n’avoir pas produit un manuel sur la pratique journalistique, comme l’ont fait beaucoup d’enseignants journalistes qui ont eu la chance d’avoir exercé à l’université ou dans des écoles supérieures. Je pense que le Sénégal a eu beaucoup de grands journalistes en radio, en télévision et en presse écrite, des années 1960 jusqu’à maintenant. Malheureusement, je pense que les autres comme moi avons failli à un devoir. Nous n’avons pas écrit. J’ai publié énormément d’articles, professer un peu partout le journalisme, mais je n’ai malheureusement pas écrit. J’espère que les jeunes vont combler ce vide. Il est toujours important de parler de son expérience de journaliste. Cela peut toujours servir. N’avoir pas produit de manuel est un de mes plus grands regrets, d’autant plus que j’ai écrit beaucoup de bouquins.
Aujourd’hui, le regret de la jeune garde est que vous ayez renoncé à ce métier. Certains, à la limite, vous en veulent.
Ils ont tort. La loi, dans le secteur privé, prévoit la retraite à 55 ans. Si j’étais dans un secteur privé, j’aurais pu prendre ma retraite et partir. J’ai quitté le journalisme à l’âge de 57 ans. Quand je partais, j’étais le seul de ma génération qui était encore dans une rédaction. Même les générations venues après moi n’étaient plus dans les rédactions. Je ne sais pas pourquoi les gens pensent que des journalistes, qui étaient sans aucun doute plus brillants que moi et qui avaient choisi de devenir conseillers quelque part ou d’être encartés dans des directions, avaient ce droit là et moi non.
On ne leur en a pas voulu. Je ne sais donc pas pourquoi moi qui ai quitté à 57 ans, presque 58 ans, on me fait le reproche. Je ne comprends pas. Je me dis qu’ils le font peut-être parce que je suis à la lumière du jour, je suis ministre. Je suis tenté de croire que les Sénégalais sont convaincus que le journaliste ne peut être que dans un rôle subalterne et qu’il n’a pas droit à entrer dans un gouvernement et y exercer. Cela est un grand complexe pour moi. Il y a un journaliste qui écrit pour dire ‘’les hommes de communication de Macky Sall’’. Le journaliste ne fait pas dans la communication. Il fait de l’information. Un journaliste n’est pas nécessairement apte à gérer un service de communication. On écrit ces choses-là pour nous flinguer. A la limite, on nous reproche d’avoir fait de la politique. J’ai écrit des articles quand j’étais journaliste. J’ai fait une école de journalisme et quand je suis sorti, j’ai fait mon travail. Si, après mon départ, on en parle autant, c’est peut-être parce que j’ai laissé une place qui n’est pas occupée aujourd’hui.
N’est-ce pas parce que les grands, les doyens, ont déserté les rédactions que les jeunes ne sont pas aussi bien encadrés qu’auparavant ?
J’ai été recruté à l’université en 1991. J’ai continué mon cursus pour d’autres diplômes. J’aurais pu rester à l’université. Je ne suis pas nécessairement plus idiot que ceux qui sont devenus professeurs d’université après leur doctorat. Tel que je me suis engagé en journalisme, dans l’écriture d’enquêtes et autres, j’aurais pu le faire avec un peu d’organisation pour devenir professeur titulaire aujourd’hui. J’ai choisi de démissionner, de partir faire autre chose. J’ai tout le temps suivi mon instinct, ma volonté et ma liberté. Quand j’ai quitté le Cesti, on ne m’en a pas fait le reproche. J’étais pourtant titulaire de l’enseignement de la presse écrite en 3e année avec Mamadou Koumé. J’étais chargé de tout ce qui est production de textes d’informations majeures donc l’enquête et le reportage.
Je l’ai enseigné pendant 15 ans. J’ai donné ma part. Mais aujourd’hui, certains vont même jusqu’à me reprocher mes livres en comparaison avec ce que je fais aujourd’hui. Je leur dit non. Il y avait des journalistes qui étaient en même temps responsables politiques. Je ne l’ai jamais été. Il y avait des journalistes qui n’avaient peut-être pas de carte de militant quelque part, mais qui étaient de la Ld, d’Aj, du Rnd, du Ps, etc. Moi, je n’en étais jamais un. J’ai été un journaliste pur et dur, sans appartenance politique. Je n’ai jamais fait de confusion.
Quand j’ai fait l’option politique, j’ai définitivement quitté le journalisme. Il ne faut pas qu’on s’attende à ce que moi, Latif Coulibaly, que je sois dans un gouvernement et continue d’être un journaliste. Ce serait irresponsable de ma part. Soit on respecte l’option dans laquelle on est, soit on ne se respecte pas. Je ne vais pas le faire. J’ai une conception du journalisme qui ne souffre pas d’équivoque. Un journaliste, c’est quelqu’un qui est dans une salle de rédaction de manière permanente ou occasionnelle. L’essentiel, c’est juste qu’il gagne la majeure partie de ses revenus dans l’exercice de ce métier. C’est ce que dit la loi sénégalaise. Je ne peux pas être et journaliste et autre chose.
J’ai été strictement journaliste. Aujourd’hui, je ne le suis plus. Les gens s’imaginent parfois qu’appartenir à un gouvernement est nécessairement être un renégat. Il y a des hommes politiques, dans ce pays, dont personne ne doute de leur patriotisme, qui sont d’authentiques communistes et qui ont beaucoup contribué à l’avènement de la démocratie dans notre pays. Il y a parmi eux Amath Dansokho. Il a été dans le gouvernement d’Abdou Diouf, d’Abdoulaye Wade et de Macky Sall. Il y a également Abdoulaye Bathily qui a été dans le gouvernement de Diouf, de Wade et de Macky Sall.
Est-ce que pour autant ceux qui n’ont été dans aucun gouvernement peuvent dire qu’ils sont plus patriotes que ces gens ? Je ne le crois pas. Je me dis même que personne n’a contribué plus qu’eux à l’avènement et la consolidation de la démocratie dans ce pays. Servir à un moment dans un gouvernement ou ne pas le faire n’empêche pas d’être un authentique patriote. Les gens ont une lecture biaisée des choses. Si j’ai du respect pour des hommes politiques dans ce pays, c’est pour ces deux personnes là.
Maguette Thiam ou encore Sémou Pathé Guèye, d’authentiques patriotes. A chaque étape de la vie d’une nation, il y a des situations politiques dans lesquelles des gens peuvent apporter leur concours dans la limite de leurs moyens, sans pour autant être des renégats ou autres.
A votre avis, quelles sont les qualités que doit avoir un journaliste ?
Pour moi, sans aucune prétention, il y a 5 qualités qu’un journaliste doit nécessairement avoir. Il doit avoir la capacité de marquer une distance. Cela lui permet de garder sa capacité d’organiser son doute professionnel raisonnable. Face à toute information, un journaliste doit faire preuve d’un doute raisonnable. Il doit avoir de l’empathie. Cela lui permettra de considérer l’être sur lequel il dit des choses à la même dignité que lui ainsi que ses parents, amis et proches. Un journaliste doit être capable de logique.
Sans cela, on ne peut rien faire de cohérent. Il faut la pousser jusqu’à la logique dialectique. Cela permet au journaliste de relativiser fondamentalement les choses et savoir que rien n’est absolu. Quelqu’un peut même avoir détourné des deniers publics, mais il ne peut y avoir quelque chose d’absolu dans le jugement qu’on porte contre lui. C’est la raison pour laquelle, c’est fondamental, que la loi prévoit des circonstances atténuantes ou justificatives de certains délits et crimes. Un journaliste doit avoir de la culture générale. Un journaliste sans cela, je ne peux pas le nommer. La cinquième qualité, et qui est la plus essentielle pour moi, est l’humilité. J’avais un professeur au Canada, là où j’ai fait mes premiers pas de journaliste d’investigation, qui nous disait qu’après la parution d’un article, quand deux cents personnes applaudissent, restez humbles pour comprendre qu’il y en a trois mille à côté qui ne sont pas d’accord.
De la même manière, si les gens vous attaquent parce que vous avez écrit un papier, sachez qu’il y a plusieurs autres qui sont avec vous. Sachez donc que vous n’aurez jamais l’unanimité. Comprenez qu’ils ont le droit de vous attaquer ou de vous acclamer, mais soyez honnêtes tout le temps quand vous écrivez. Restez humbles. Dès qu’un journaliste finit d’écrire, il faut voir si vous trouvez ces cinq qualités. Il y avait quelqu’un que j’ai formé et qui m’était très proche. Un jour, il a écrit un papier et en corrigeant, j’ai enlevé le nom de la personne et j’ai mis celui de son père. On avait des relations qui me le permettaient. Je lui ai renvoyé le papier et après lecture, il est venu me voir. Je lui ai dit qu’il faut qu’il comprenne que la personne dont il parle dans son papier a de la famille. Je lui ai dit que la réaction de cette dernière serait pareille à la sienne. Je lui expliqué qu’il y avait des mots dont il n’avait pas besoin. Aujourd’hui, relis-t-on les papiers ? Je ne sais pas. Je n’ai pas envie de porter un jugement de valeur sur ce qui se fait.
Ce manque de rigueur dans la correction ne serait-elle pas liée au fait qu’il n’y a plus de doyens dans les rédactions ?
Non, ceux qui doivent faire ce travail sont les directeurs de publication, les rédacteurs en chef, les secrétaires de rédaction qui sont des professionnels confirmés, et les chefs de desk. Il n’y a presque plus de secrétaire de rédaction. Après, ce que vous appelez les doyens dans une rédaction, ce sont les responsables que je viens de citer. Ceux qui sont dans le métier et à des postes de responsabilité sont les doyens. Ils doivent l’être du point de vue de la pratique professionnelle, de maitrise du métier. On peut en discuter. Je suppose que ceux qui sont directeurs de publication, chefs de desk ne le sont pas que de nom. Moi, Latif, je ne compte pas le nombre de fois où j’ai ramassé mon papier au fond de la poubelle. Mes encadreurs les plus gentils dont Abdoulaye Ndiaga Sylla qui était plus qu’avenant, quand je venais, il essayait de m’expliquer les problèmes dans mes papiers. D’autres me disaient cru les choses. A la limite, on en est blessé. C’est cela qu’il faut.
Comment, de manière générale, appréciez-vous le niveau de la presse ?
Il ne faut pas verser dans cette forme d’angélisme du passé en se disant que ce qui se faisait avant était bien meilleur. La pratique reflète l’époque. On ne peut pas le nier. Je suis quand même sûr qu’on peut mieux faire. On ne peut se perdre dans une comparaison. Ce qu’on faisait, le fait-on aujourd’hui ? Certainement non. Quand on regarde la télévision, il y a deux confusions majeures qui sont faites. On ne peut plus distinguer les ‘’talk-show’’.
On ne peut plus comprendre ce qu’est un sitcom, un magazine à vocation d’informations ou les entertainments c’est-à-dire les jeux. Tous les gens qui interviennent à la télévision sont des éditorialistes. Parfois, on discute d’un sujet et au préalable l’on ne voit même pas l’information. Il faut aller la chercher, alors qu’un magazine d’informations a des règles. On m’a une fois invité sur une chaine de télévision. Je venais de publier un livre que le journaliste qui m’interrogeait n’a pas lu. Avant, je voyais Sada Kâne ou Makhili Gassama, qui faisaient des émissions sur le livre, mais ils les lisaient. Les gens vous invitent pour vous parler de vos écrits passés. Aujourd’hui, il y a des gens qui partent d’une information non fondée pour expliquer des choses. Quelqu’un m’a appelé, un jour, pour me demander de réagir sur les ‘’révélations’’ d’untel. Or, ce n’était pas une révélation, mais une affirmation ou affabulation. Rien n’était avéré dans ce que M. X avait dit. Les réseaux sociaux aidant, les choses sont devenues plus catastrophiques. Quand on faisait le journalisme, on nous critiquait. Acceptons les critiques et avançons.
Vous êtes le porte-parole de la présidence de la République et Seydou Guèye le chargé de la communication. N’y a-t-il pas un flou entre les deux postes ?
Non, moi, je suis porte-parole de la présidence. Quand il y a quelque chose, le président m’appelle et me dit sa position ou on la définit ensemble. Je les relaie sur ses instructions. Par contre, Seydou Guèye gère les médias et travaillent sur la communication du président de la République. Je suis une partie de ce qu’il fait. Même dans les institutions ou organisations, il y a un porte-parole et un chargé de communication. Il faut le comprendre comme ça. Il n’y a aucun flou. Aujourd’hui, il y a une telle corruption des mots que les choses ne signifient plus ce qu’ils signifiaient. On a l’impression que les expressions originelles, telles qu’elles ont été formulées, ne signifient plus la même chose. C’est un problème.
En tant que membre du staff de communication du président, que répondez-vous à ceux qui lui reprochent de ne pas avoir une communication claire, depuis qu’il est arrivé au pouvoir ?
Ce n’est pas juste. Le gouvernement du Sénégal est l’un des rares au monde avec une réunion institutionnelle rigoureusement établie. Il n’y a jamais une faillite. Cette réunion est prévue dans la Constitution. Tous les mercredis, le gouvernement dit aux Sénégalais ce qu’il a fait et ce qu’il compte faire. Il y a un service public de l’information, tant du point de vue des médias électroniques, radios ou le quotidien ‘’Le Soleil’’ qui donnent systématiquement les positions du gouvernement, les politiques, etc. Même les journaux, télévisions et radios privés comme le vôtre, exposent tous les jours les positions du gouvernement.
En revanche, au fond, la première responsabilité d’un gouvernement est de donner l’information et non pas de faire de la communication. D’ailleurs, dans certaines démocraties, il est reproché aux gouvernements de faire de la communication. Cette dernière est considérée comme de la cosmétique dans certaines démocraties avancées. C’est l’information qui est fondamentale. Le communiqué du Conseil des ministres est une mine d’informations sur l’action du gouvernement. Cette façon de créer une dynamique certaine, de donner une adhésion aux actions du gouvernement n’est pas toujours à la hauteur de ce que cela aurait dû être. Ce n’est pas spécifique à celui du Sénégal. Dans tous les pays où les médias sont actifs, ces difficultés se posent.
Car, dès que le gouvernement parle, il y a une suspicion quelque part. Il y a un complexe qui est très développé chez nous. C’est celui de l’opposition. (Il sourit) Moi-même j’en étais victime. Ce n’est même pas un complexe, mais c’est une complicité. On verra rarement un journaliste sénégalais critiquer l’opposition, à moins que cela soit flagrant. On verra rarement un journaliste sénégalais aller chercher la position contradictoire par rapport à la déclaration d’un leader politique de l’opposition. Si vous lisez mon ouvrage sur Me Sèye, je ne sais pas si ce sont des pages de contrition, mais ce sont des pages d’aveux sur comment nous les journalistes sénégalais avions traité l’affaire Me Sèye. Le dernier évènement qui s’est passé chez nous, l’affaire des fers avec la Turquie. C’était très facile pour un journaliste de vérifier l’information. Le gouvernement n’avait même pas besoin de faire une sortie. La presse aurait pu se procurer le contrat. Certains l’ont d’ailleurs fait. C’est simple. Il m’est arrivé, un jour, de faire un papier extrêmement critique sur la Ld. Abdoulaye Bathily est mon ami et il m’avait après invité à un diner.
Quand je suis arrivé, j’y ai trouvé des membres du parti et du Bureau politique. Quand je les ai salués, je me suis rendu compte que certains avec qui j’avais un commerce très agréable, m’ont à peine répondu. J’ai alors compris que l’opposition prenait les journalistes pour des acquis. Cela est né d’une histoire parce que le pouvoir politique, à l’époque, prenait les journalistes de la presse privée comme des opposants patentés. Il les avait nommés d’ailleurs ‘’une certaine presse’’. Je me rappelle d’un discours très violent d’Abdou Diouf sur une certaine presse. Il y avait comme une sorte d’alliance objective entre l’opposition et la presse. L’opposition cherchait à accéder aux media, on leur offrait les colonnes des pages. Les journalistes voulaient accéder aux autorités pour avoir l’information, ils n’avaient pas d’affinités avec ceux qui devaient leur donner l’information. Donc, ils étaient ostracisés. Cela fait partie de mes autocritiques.
Les choses ont changé aujourd’hui. La preuve, je suis porte-parole de la présidence et je suis avec vous. Le pouvoir vient vers vous maintenant.
Aujourd’hui, quand même, on reproche au président de ne parler qu’aux médias étrangers…
Dans certaines démocraties avancées, les hommes politiques partagent une doctrine qui me semble logique et cohérente. Ceux-ci ont, d’un commun accord, majorité comme opposition, décidé de ne jamais évoquer à l’extérieur de leurs frontières nationales des questions prégnantes dans le débat national, surtout quand elles sont polémiques ou très sensible. Cette règle traduit une certaine sagesse démocratique. Maintenant, on peut considérer qu’elle n’est pas absolue, cette règle. Il peut arriver, comme c’est souvent le cas chez nous en Afrique, que des chefs d’Etat en viennent, quand ils sont en visite à l’étranger, à évoquer, devant des journalistes, des sujets domestiques ayant ou susceptibles d’avoir des prolongements à l’extérieur.
Il faut savoir relativiser. Concernant notre pays, il faut d’abord noter que la communication de l’Etat n’est pas faite dans sa totalité par le président de la République. Il en assure, dans certaines circonstances, sa part. Le cas échéant, il intervient sur des sujets exceptionnels. C’était le cas quand, dernièrement à Paris, il s’est prononcé à l’étranger sur la grâce de l’ancien maire de Dakar. Pour moi, ç’aurait été peut-être plus heureux d’éviter parfois les sujets domestiques trop polémiques dans des interviews express, comme celles que les journalistes arrachent parfois dans des conférences internationales aux dirigeants d’Etat.
Cela dit, je ne crois pas qu’il y ait une règle immuable qui puisse interdire à un chef d’Etat de se prononcer une question d’intérêt national, parce qu’il est à l’étranger. Si nous tenons à en faire une règle, il faut que tout le monde soit concerné, majorité et opposition qui ne se prive pas pour aller porter le débat national à l’étranger et sur des questions domestiques très sensibles. En parlant de ces questions en interne, on produit plus d’impact dans notre opinion nationale. C’est mon opinion. Si cela se fait sur Rfm, Sud Fm ou Radio-Sénégal et ailleurs, les Sénégalais qui sont concernés seraient les premiers à être informés. Et tant mieux ! Cela n’a pas toujours été le cas au Sénégal. C’est une pratique courante chez nous en Afrique, depuis l’aube des indépendances. Le Sénégal n’a jamais fait exception à cette règle. Et cela laisse parfois, quelque part, le sentiment qu’on parle d’abord aux autres avant de s’adresser à son peuple.
En tout état de cause, je me suis toujours questionné sur une telle pratique. Hier, exerçant comme journaliste, je ne trouvais pas cela très pertinent. Je n’ai pas changé d’avis, aujourd’hui. Ce sont des pratiques qui existent. Mais cela ne signifie nullement que nos chefs d’Etat parlent d’abord aux autres avant de s’adresser à leurs peuples. Pour certaines déclarations qui ont pu être faites et qui ont été par la suite critiquées, elles n’ont pas été délivrées avec l’intention nourrie de parler aux autres d’abord. Elles procèdent souvent de concours de circonstances particulières.
Comment expliquer aux Sénégalais qu’il y avait, au départ, une intention de faire cette déclaration à Paris ?
Pour cette déclaration, j’étais tranquillement ici à Dakar, quand un des journalistes de la station (Rfi) m’a appelé pour me dire qu’il veut interviewer le président. Je lui ai répondu que le président était à Biarritz, qu’il lui plaise d’entrer en contact avec le ministre Seydou Guèye qui pourrait étudier avec lui la possibilité de réaliser cette interview sollicitée. C’est vous dire que cette interview du président avec Rfi n’était pas préparée à l’avance pour servir de support, en vue de faire une déclaration sur une question domestique. Ce n’était donc pas quelque chose de planifié, préparé, voulu et organisé.
Vous avez été ministre de la Culture. Que pensez-vous du débat soulevé actuellement sur une partie de l’histoire du Sénégal ?
Je trouve l’attitude d’Iba Der Thiam, qui a présenté ses excuses et promis de changer les choses, extraordinaire. C’est celle d’un intellectuel, d’un scientifique. Un scientifique n’est jamais absolu dans ce qu’il dit ou fait. Il est toujours relatif. C’est comme cela que la science avance. Son attitude ne me surprend guère. On parle de 5 volumes. Maintenant, que deux ou trois faits puissent être contestés, je le comprends, c’est cela le propre de la science sociale. L’écriture de l’histoire est toujours sujette à des discussions, voire à des fortes polémiques. C’est pour cela que les historiens prennent toutes les précautions nécessaires.
Il n’empêche, il peut arriver que sur une question précise, qu’il puisse y a voir des interprétations différentes dans la relation des faits. Dans les publications scientifiques, il arrive qu’on note des mentions erratum ou errata. Cela peut porter sur une question de fond ou de forme. L’histoire n’est pas figée. Elle n’est pas non plus, je crois, une connaissance mathématique. Sa vocation, c’est d’assurer une transmission à travers les âges. C’est d’autant plus problématique au Sénégal que les sources ne sont rarement pas des documents écrits au départ. Chaque transmission est une interprétation précise d’un fait. Professeur Iba Der Thiam est un brillant scientifique. Il a fait ce qu’il avait à faire, en rectifiant ce qui devait l’être. Je crois qu’on pourrait peut-être clore le débat ici.
Il n’est pas clos, puisqu’il est prévu une marche et d’aucuns demandent le départ du Pr. Iba Der Thiam.
Les gens ont le droit de manifester. Si on manifeste pour ce qui a été écrit par erreur et rectifié ensuite, c’est un droit pour ceux qui manifestent, mais il me semble que la question est réglée. Maintenant, si on manifeste parce qu’on n’a jamais été d’accord que le professeur Iba Der Thiam dirige la commission, ça c’est une autre chose. Dans tous les cas, Iba Der a toutes les qualités pour diriger cette commission. N’oublions pas qu’il a fait partie du comité international de rédaction mis en place par l’Unesco sur l’’’Histoire générale de l’Afrique’’. Iba Der Thiam est une fierté scientifique pour le pays.
Qu’est-ce qui vous le plus marqué dans votre passage au ministère de la Culture ?
Tout m’a marqué à la Culture. J’étais à une position privilégiée permettant d’observer le processus de création et de fabrication d’une esthétique nationale qui n’a pas démarré aujourd’hui, mais en 1960 avec des symboles marquants comme l’école de Dakar, les Tapisseries de Thiès, Mudra Afrique, etc. Elles ont été créées par Léopold Sédar Senghor. Il y a eu une continuité, même si on a pu noter un fléchissement marquant, quand Senghor a quitté le pouvoir. Abdoulaye Wade a relancé la machine et Macky Sall a repris la balle au bond avec le Musée des civilisations noires. Il y a une volonté et une politique d’Etat, officielle, de recenser et d’organiser le patrimoine matériel et immatériel du Sénégal, en vue de le mettre à la disposition de l’humanité. Comme disait Senghor, c’est la part du Sénégal au banquet de l’universel. Il y a des acquis qu’il faut non seulement préserver, mais également fructifier. L’Etat est l’acteur principal, dans ce domaine. J’ai bon espoir que cela se fera. Dans cette volonté, figure l’annonce de la mise en place de la Maison de la cinématographie à Dakar, la construction du Mémorial de Gorée, tout ce qui contribuera à la confirmation de l’identité sénégalaise.
Et alors, ce débat autour du voile à l’Institution Sainte Jeanne d’Arc ?
Ceux qui ont lancé ce débat ont peut-être raison de le faire. Le sujet est cependant délicat. La question, si délicate soit-elle, peut être sereinement abordée, en ayant toujours en vue les réalités internes avec lesquelles il faut compter. Les discussions n’échappent pas forcément à des connotations idéologiques. Je pense qu’il n’est pas toujours utile, même si on n’y échappe pas, d’importer d’ailleurs des débats fortement idéologiques chez nous.
Il en est sans aucun doute ainsi avec ce débat ouvert sur la liberté pour chacun de choisir son orientation sexuelle. On est en plein dedans. Mais est-il toujours utile de déplacer ces débats de société fortement idéologiques chez nous et qu’ils prennent autant de place ? Je ne peux pas répondre à la question. Il nous faut faire attention, quel que soit le bord où on se situe. Il faut avoir le courage de dire qu’il y a une dimension fortement confessionnelle dans ce débat. Placer la question sous l’angle du droit ou d’un texte réglementaire risque de réduire le la portée du débat et se méprendre sur son sens. Cela va au-delà de cette question juridique et la dépasse totalement. Je comprends d’ailleurs cette réserve observée par certaines autorités religieuses, à la fois du côté chrétien et musulman.
Parlons maintenant de vos lectures. Y a-t-il un livre qui vous a particulièrement marqué ?
J’ai beaucoup lu. ‘’Une si longue lettre’’ de Mariama Bâ m’a parlé. Je n’ai jamais vécu dans une famille polygame. Mon père était un marabout, mais dans notre maison, il n’y avait que ma mère. Cela va au-delà d’une simple question de polygamie. Ce livre questionne fondamentalement notre société. ‘’L’alchimiste’’ de Paulo Coelho m’a beaucoup parlé. Peut-être que c’est mon origine. Tous les romans du XIXe siècle en France et au Sénégal m’ont marqué. Les romans post indépendance, comme ‘’L’aventure ambiguë’’, ‘’Nini, mulâtresse du Sénégal’’, ‘’La grève des battu’’, ‘’Amkoulel, l’enfant peulh’’, m’ont beaucoup marqué. Quand j’ai lu ‘’L’aventure ambiguë’’ pour la première fois, je ne l’ai pas compris. C’est plus tard que je l’ai compris. J’adore les livres politiques et les biographies.
Il y a un livre-interview d’Assane II et d’un journaliste français. Quand ce dernier lui parle de la corruption à Casa, il lui rétorque que lui, ce qui l’inquiète, c’est la petite corruption dans les communes et qui empêche le citoyen ordinaire, qui n’a aucun lien, ni relation ailleurs, de bénéficier de son certificat de naissance, de disposer d’un lopin de terre qui devait lui être attribué. J’en parle parce que j’ai constaté dans des villages, des communes dont la mienne, des systèmes d’attribution de terrains où des autorités administratives et de hauts fonctionnaires disposent des terrains. Parfois, on parle de très grand livre à cause de l’histoire qui y est évoquée, mais parfois il y a des livres sur lesquels on tombe et qui sont d’une sensibilité, d’une importance particulière dans la vie de nos sociétés. C’est le livre de Mariama Ba.
Parlant de lecture, je dirais que tous les livres sont utiles.
Aujourd’hui, ceux qui me reprochent d’être parti, ce ne sont pas mes opinions, mais les faits. Je me dis que si on me reproche de n’avoir pas continué le métier de journalisme, c’est parce que je l’ai bien fait. Les opinions exprimées sont éphémères. Mais les faits, on s’en souvient. On me reproche de ne pas écrire ce que nous avons fait comme mal gouvernance. Je réponds toujours que si on en a fait, c’est aux journalistes de faire leur travail d’investigation.
Enquêtiez-vous vraiment à l’époque ou on vous donnait juste des documents à exploiter ?
J’ai entendu ce débat-là ; il est ridicule. Le journaliste, quand il écrit, il a au moins besoin des documents, ne serait-ce que pour se protéger juridiquement. Maintenant, si vous n’êtes pas dépositaire ou détenteur de ce document, il faut bien que quelqu’un vous le livre. C’est même débile de sortir un tel raisonnement. Un document est une dynamique d’ensemble et ne peut pas argumenter un livre. Quand j’écrivais mon livre sur Me Sèye, je suis parti en Gambie deux fois. J’y ai passé à chacun de mes voyages 15 jours. J’y suis allé pour rencontrer un barman qui avait accueilli les assassins qui y étaient pour acheter un véhicule. Je prenais les ‘’taxis-brousses’’ avec le barman pour repartir dans toutes les zones où les assassins étaient passés. Un document peut faire un article, mais pas un livre. Encore qu’on ne donne pas un document à quelqu’un en qui on n’a pas confiance.
Quels sont les films qui vous ont marqué dans votre jeunesse ?
J’aimais les films cow-boys. Il y a deux films qui m’ont marqué, quand j’étais jeune. Il y a ‘’Elga’’ qui était un film où on montrait le processus nu d’accouchement d’une femme. On était au lycée à l’époque, mais on entendait à peine parler de grossesse. C’était la première fois qu’on découvrait cela. Cela nous marquait à la fois positivement et négativement. L’autre, c’est ‘’Les oiseaux vont mourir au Pérou’’. C’était un film à la limite de la pornographie et de l’érotisme. Il passionnait beaucoup les jeunes. L’autre film est de Jean-Louis Trintignant, ‘’Il pleut sur Santiago’’ et il parlait de la révolution chilienne. C’était extraordinaire.