Dessous de règlements de comptes
Le prochain Sommet de la Francophonie qui aura lieu au Sénégal, dans un an, aiguise les appétits là où on le pensait moins. Il y a eu la controverse à propos de la construction du Centre international de conférence de Diamniadio, les communicateurs qui se jettent sur l’événementiel et la formidable opportunité que cela a été pour Macky Sall de caser des alliés. Par contre, ce qui était moins attendu, ce sont les chausse-trappes et crocs-en-jambe élaborés contre le ministre des Affaires étrangères, Mankeur Ndiaye.
L’objet de cet oukase est la paternité ''gouvernementale'' de l’Organisation du prochain sommet de la Francophonie, prévu dans un an au Sénégal. Hier, à Paris, le chef de la diplomatie sénégalaise a reçu des mains de son homologue de la République Démocratique du Congo (RDC) les clés de l’organisation du prochain sommet. Celui qui verra le président Abdou Diouf dire adieu à la vie publique, si l’on en croit des sources proches de l’ancien chef de l’État du Sénégal. Un grand sommet en préparation, mais qui crée de graves dissonances au sein du gouvernement. Qui doit gérer ce dossier ? Les Affaires étrangères ou la Culture ? En tout cas, le retard du ministre sénégalais des Affaires étrangères à la cérémonie de transmission de témoin entre lui et son homologue congolais a fait l’objet de commentaires salaces qui renseignent sur l’animosité qui peut prévaloir dans un collège gouvernemental.
Le couteau sort du fourreau
C’est sur la base de ces questionnements qu’ont remonté les informations à propos d’une cabale – médias aidant - de grande envergure, montée contre le ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur. La session de la conférence des ministres des Affaires étrangères des pays partageant la Francophonie qui a pris fin hier à Paris – avec les félicitations du secrétaire général Abdou Diouf à son pays et à sa diplomatie - a vu l’équipe déléguée pour la cause revenir avec des acquis de taille, car des puissances comme le Canada ou la France, sans oublier la Suisse et les Africains émergents, ont validé le plan de travail. L’équipe sénégalaise est constituée de l'historienne Penda Mbow, représentante du chef de l’État, du Dr Jacques Habib Sy, Délégué général, du journaliste-écrivain et expert en communication El Hadj Hamidou Kassé, président du comité scientifique.
''Des règlements de comptes ont lieu au sommet alors que ce n’est pas le moment'', souffle une source bien informée. A chaque fois que le Sénégal a l’opportunité d’organiser des rencontres internationales de grande envergure, le couteau entre les dents, des acteurs de premier plan s’étripent et cherchent à tirer la couverture à eux. Cela s’est vu – sauf quand Karim Wade a eu la haute main sur les préparatifs du sommet de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) en 2008. Cette fois-ci, il semble que le ministère de la Culture ne semble que trop peu apprécier sa mise sur la touche dans la conduite du dossier ''Francophonie''. Un manquement à ''l’approche culturelle'' ; voilà ce que semblent reprocher certains cercles à Mankeur Ndiaye, avec des attaques savamment distillées par voie de presse. Et pourtant, ne manque pas de souligner un membre de la délégation, c'est le ministre des Affaires étrangères de la République démocratique du Congo (RDC), Raymond Tshibanda (et non de la Culture), qui a passé le témoin à son homologue sénégalais.
Le ministère français de l'Intérieur...pas au courant
Joint hier par EnQuête, le ministre des Affaires étrangères n’a pas voulu se prononcer. Par contre, un conseiller spécial du ministre français de l'Intérieur, Manuel Valls, contacté, a affirmé qu’à aucun moment, ''la police française n’a eu à forcer la porte d’un ministre sénégalais des Affaires étrangères dans son hôtel ; et cela ne se fait d’ailleurs pas''. Allusion sans doute au fait que les chambres d’hôtel en France et dans plusieurs pays sont dotées de cartes magnétiques utilisables à partir de la réception. Donc pas besoin de ''forcer des portes'', comme rapporté ici à Dakar.
Notre interlocuteur de préciser qu'il n'y a non seulement pas d'intervention de la Police française, mais qu'en plus, ''ce n'est pas dans les habitudes de la France d'intervenir dans des affaires comme celle évoquée par la presse sénégalaise''. Notre interlocuteur estime que ''s'il y avait un quelconque problème, une intervention de la Police, l'information serait remontée par les canaux ordinaires''. Et la presse française, surtout à travers Internet, en aurait parlé. Mieux, précise notre source contacté à partir du téléphone d'EnQuête, ''c'est à l'ambassadeur du Sénégal à Paris de formuler une demande pour que la Police française puisse intervenir en cas de problème''. Ce qui n'a pas été le cas puisque ''nous ne sommes pas au courant d'un quelconque problème'', souffle-t-elle, en parlant de ''problème sénégalo-sénégalais''...
Cela a donc tout l'air d'un règlement de comptes. Et l'État, au plus haut sommet, semble déjà s'être fait sa religion sur cette affaire. Arbitrage gouvernemental en vue !
Gaston Coly