Une brise écologique au service des communautés naturelles et humaines
Entre la restauration de la mangrove et les multiples bienfaits qu’elle offre aux différentes communautés occupant la zone, l’AMP a su réconcilier activités anthropiques et fonctionnement naturel dans un lieu au potentiel touristique conséquent.
Lorsque, dans les années 90, Saliou Mbodj se constituait volontaire de l’environnement pour la protection de la lagune de la Somone, il était loin de s’imaginer tout ce que son action, associée à celles d’autres volontaires, allait produire 20 ans plus tard. D’une zone naturelle surexploitée et aux écosystèmes dégradés, la lagune constitue désormais une partie intégrante d’une aire marine protégée (AMP), où les équilibres naturels reprennent le dessus sur les actions anthropiques.
‘’On avait remarqué que les ressources exploitées au niveau de la lagune disparaissaient. Prenant exemple sur les femmes de Keur Thioupam, à Popenguine, nous avons créé, en 1999, une réserve naturelle d’intérêt communautaire (RNIC)’’, se remémore Saliou. Le retour des ressources halieutiques constaté après des épisodes de replantation de la mangrove a confirmé les populations dans l’idée d’accompagner les efforts des autorités dans la conservation de la nature locale.
Aujourd’hui écogarde et président du comité de gestion de la lagune, Saliou a vu d’un très bon œil l’érection de la RNIC de Somone en une AMP par décret 2020-1132 du 27 mai 2020. Ce qui permet de passer d’une superficie protégée de 700 à 4 098 ha.
En plus de la commune de Somone, l’AMP polarise les villages de Guéréo, Thiafoura et Sorokhassap. Elle s'établit sur cinq zones écologiques principales que sont le plan d’eau permanent de la lagune, à la zone de mangrove, l’estran sableux, la tanne et la bordure.
Lieutenant Chérif Khatab Diop : ‘’Sans la sensibilisation, nous aurions eu beaucoup plus de mal à réussir notre mission’’
Le lieutenant Chérif Khatab Diop est le conservateur de l’AMP de la Somone. Les résultats obtenus par lui et son équipe, dans la gestion de cet espace naturel, le rendent particulièrement fier par la gouvernance participative appliquée à l’AMP. ‘’Sans la sensibilisation, nous aurions eu beaucoup plus de mal à réussir notre mission de sauvegarde de la région naturelle. Car, lorsque les populations ne comprennent pas le bien-fondé et les objectifs de ce vous faites, cela crée toujours de problèmes’’, explique-t-il.
Lieutenant Chérif Khatab Diop, conservateur de l’AMP de la Somone
Au bout des efforts consentis depuis la RNIC, la diversité des espèces identifiées aujourd’hui, dans la zone d’influence de l’AMP, est fascinante. Près de 80 espèces d’oiseaux y ont été dénombrées. La riche flore de la mangrove abrite des singes, des mangoustes, des chacals, des varans, des tortues marines, etc. En plus des mollusques, plus de 58 espèces de poissons ont été répertoriées.
Avec l’érection de la réserve naturelle en AMP, le lieutenant Diop a plus d’empoigne pour interdire tout empiètement ou occupation illégale dans la zone. Les repos biologiques imposés par l’AMP permettent une régénération des espèces qui étaient surexploitées. La régulation se fait également à travers le reboisement de la mangrove, le nettoyage de la lagune, l’entretien des chantiers écologiques, la sensibilisation et l’éducation environnementale, la surveillance ou encore la valorisation des ressources.
Une zone qui revit
Depuis, les activités socioéconomiques se sont développées au sein des populations locales. Des piroguiers, des guides touristiques, des restaurateurs occupent les emplois accompagnant le développement de l’AMP. Les ostréicultrices sortent également leur épingle du jeu. Rien que dans la zone d’exploitation de l’AMP, plus d’une cinquantaine de femmes développe des cultures de mollusques dans la lagune, pour un gain journalier d’au moins 6 000 F CFA, selon le lieutenant Diop.
Ostréicultrice dans la lagune de Somone, Marie Lo confirme les changements de revenus grâce aux activités liées à l’exploitation des ressources naturelles. ‘’Notre parc à huîtres nous permet de développer des activités économiques autour de ces mollusques’’, assure-t-elle. Des huîtres, des arches, des moules, etc., sont produites et parfois vendues sur place, dans des espaces aménagés à cet effet. La douzaine d'huîtres sauvages est vendue à 2 000 F CFA.
Des emplois qui profitent aux populations locales
Afin de réduire leur dépendance aux fonds publics, un système de tarification permet aux autorités chargées de l’AMP de se créer des ressources de fonctionnement. L’entrée à la plage de Somone s’échange avec un ticket de 500 F CFA. Les balades sur la lagune s’effectuent à 6 500 F CFA, tandis que les trajets terrestres coûtent 1 500 F CFA. Les ressources sont réparties par un comité de gestion, entre les communes, les villages, les écogardes et les fonds d’aménagement. À côté, un comité d’orientation regroupant des autorités administratives, le conservateur de l’AMP et l’ensemble des représentants des villages aide à prendre les décisions relatives au bon fonctionnement du site.
Bien que les motifs de satisfaction soient nombreux avec la mise en place de l’AMP de Somone, plusieurs défis sont à relever, de manière quotidienne, pour maintenir ou améliorer la préservation de la zone naturelle. Parmi eux, la lutte contre la prolifération des déchets plastiques. Mais aussi la régulation des infrastructures construites en amont du bassin versant qui, souvent, influent sur le profil hydrographique de la lagune en défiant les voies d’eau chargées d’alimenter la lagune en eau douce.
Lamine Diouf