Publié le 14 Oct 2014 - 04:18
ALLIANCE POUR LA REPUBLIQUE

Mimi Touré se pose en alternative

 

Mme Aminata Touré « Mimi » a (encore) pris date en ces lendemains de Tabaski. Elle se pose en alternative. Bonne gouvernance, réédition des comptes, paiement de l’impôt par tous, surtout par les plus aisés, vertu dans la gestion des affaires publiques, engagement citoyen, culte du travail, entre autres : toutes les thématiques développées pour faire partir le président Wade ont été rappelées par « la dame de fer ». De manière sibylline, Mme Touré a laissé entendre que rien n’a changé en ce qui la concerne à propos de ces fortes demandes sociales…

Hier, l’ancien Premier ministre a avancé un pion important dans sa stratégie de redéploiement après avoir perdu la Primature au sortir des dernières élections locales. Tout en confirmant son ancrage au sein de l’Apr et son soutien au président Macky Sall, la première Garde des sceaux sous la deuxième alternance, sans avoir l’air d’y toucher, a asséné ses vérités sur quelques questions de l’heure qui gênent. Et de quelle manière ! C’est un appel du pied qui ne dit pas son nom aux déçus de la deuxième alternance ; et un signal à l’endroit du palais de la République pour faire comprendre qu’elle est toujours politiquement « bancable », voire plus. Naturellement, c’est entre les mots qu’il faut débusquer les sous-entendus…

Sur les rapprochements supposées entre le Pds et l’Apr, elle a été sans nuances ; « ce ne serait pas une bonne chose et un mauvais signal ». D’abord, elle attribue ce buzz politico-médiatique au seul fait de la presse. S’il ne s’agissait que d’une brise passagère, ces fréquents « événements » qui finissent en baudruche, elle n’aurait assurément pas brisé le silence. Bien au fait des courants d’air qui circulent entre les portes de l’Alliance pour la République et les fenêtres béantes du Pds, elle s’est posée en porte-voix des abasourdis par la perspective de voir la configuration actuelle de la majorité présidentielle prendre des colorations bleues.

Ce n’est pas neutre. Sa ferme opposition à ce rapprochement évoqué sonne d’abord comme un rappel des engagements de Macky Sall et des coalitions qui l’ont accompagné entre 2011-2012, et aussi comme un premier plaidoyer pour sa propre personne. En résumé, elle dit : « moi, en tout cas, je ne renie rien du discours et des promesses que nous avons faites aux Sénégalais ! » Par contre, pas grand-chose sur la réforme des institutions ou sur le Plan Sénégal Emergent.

Rien n’est fortuit dans la sortie de « Mimi Touré ». Il y a d’abord le choix d’une radio à forte audience ; une « publicité » de son intervention des heures avant sa diffusion pour en renforcer la portée et les questions évoquées, toutes difficiles pour le pouvoir en place. Il y a ensuite une subtile manière d’expliquer sa disgrâce par son intransigeance par rapport à des débats à très forte valeur ajoutée électorale comme la lutte contre l’enrichissement illicite ou encore le refus de toute « compromission » avec l’ancienne galaxie wadiste.

Lucide dans l’analyse des enjeux, cette forte personnalité ne fait pas tanguer la pirogue, mais laisse entendre que le cap pourrait être mieux défini à défaut de dire crûment qu’il n’est pas bon et pourrait mener vers des récifs à deux ans et demi de la fin du mandat présidentiel. Pour une éminente personnalité du parti au pouvoir, une stratégie de marketing personnel ne saurait être mieux construite.

Elle profite du contexte pour tester la solidité de la toile qu’elle a fini d’étendre à la fois au sein de l’Apr, et au-delà, dans cette opinion publique si attentive au respect de la parole donnée et au sens du devoir. Respirant confiance et assurance, elle développe un agenda dont elle seule détiendrait le secret. En tout cas, un résumé simpliste caricaturerait une ambition qui trépigne. En profondeur, c’est sans doute le scénario classique de l’artiste qui ne veut pas voir une œuvre commune mise à mal par des erreurs de jugement et des fautes politiques. Si elle n’en veut pas à Macky Sall et le rappelle à tout bout de champ, on ne saurait le dire à propos de la garde rapprochée, celle qui a l’oreille du chef.

Elle s’étrangle par exemple à la perspective de voir de présumés responsables des émeutes qui ont fait huit morts lors de la présidentielle de 2012 revenir à leurs côtés, alors que la famille de Mamadou Diop (l’exemple qu’elle a cité), un martyr de  ces événements électoraux, pleure encore son fils. Le bon rôle en somme pour elle ; et les piqûres de rappel pour les autres…

Le risque est grand pour elle de puiser dès à présent dans ses réserves alors que le temps est encore long, et les configurations des états-majors qui s’affronteront imprécises. Sur la question des recettes de l’Etat, à la veille du vote de la loi de finances 2015 par l’Assemblée nationale, elle insiste sur l’élargissement de l’assiette fiscale vers les nantis dont certains bénéficient d’exonérations ou de moratoires, alors que les salariés sont « coupés » à la source. Les fonctionnaires de l’Etat et les travailleurs du privé vont apprécier. Tout le contraire de ses « camarades » de parti dont certains lui demandent déjà ce qu’elle a fait pour remédier à cette inégalité devant le fisc quand elle était aux affaires, toute puissante chef du gouvernement.

Avec un talent politique certain et une communication calibrée (le minimum et le sous-entendu), Mme Aminata Touré se rappelle au bon souvenir de ceux qui seraient tentés de l’inscrire sur la longue liste des personnalités qui ont occupé la Primature pour rentrer ensuite dans les rangs. Ou pire, sombrer dans les oubliettes ; celles qui vous font quitter pour toujours le chemin qui mène à la magistrature suprême. « Mimi » fait plus qu’accélérer la cadence sur ce point précis. Elle serait déjà pour certains en « excès de vitesse » alors que la course n’est pas encore lancée. En attendant les arrêts au péage…

LAMINE SENE

 

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