Publié le 14 Jul 2022 - 14:35
ARRESTATION DE 49 SOLDATS IVOIRIENS A BAMAKO

Le torchon brûle entre la Cote d’Ivoire et le Mali

 

C’est une crise diplomatique majeure que traversent les deux pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Alors qu'Abidjan exige leur libération immédiate, les autorités maliennes estiment qu’il s’agit de mercenaires dont rien ne justifie la présence sur le territoire malien.

 

Les relations quelque peu tendues entre la Côte d’Ivoire et le Mali (en raison des sanctions de la CEDEAO contre Bamako) ont pris un tournant périlleux, dimanche dernier, lorsque 49 soldats ivoiriens ont été arrêtés par les autorités maliennes, le 10 juillet 2022, à l’aéroport de Bamako. Jugeant leur présence sur son sol illégale, le gouvernement de transition malien accuse ces militaires d’être des mercenaires, alors qu’Abidjan, dans un communiqué officiel, exige la libération d’éléments de son armée régulière.

Une histoire rocambolesque qui pose une question que personne n’ose imaginer : la Côte d’Ivoire a-t-elle tenté de faire tomber la junte malienne au pouvoir ?

Les accusations des autorités en place au Mali sont claires. Les intentions de ces soldats étaient ‘’de briser la dynamique de la refondation et de la sécurisation du Mali, ainsi que du retour à l’ordre constitutionnel’’, soutient le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, porte-parole du gouvernement. Le colonel Abdoulaye Maïga se fonde sur les premiers constats effectués, pour affirmer que ‘’ces militaires, dont une trentaine des forces spéciales ivoiriennes, étaient en possession d’armes et de munitions de guerre, sans ordre de mission ni autorisation des autorités compétentes de leur pays. Plus grave, la profession réelle de la plupart des militaires était dissimulée. Sur la majorité des passeports, les professions inscrites étaient : étudiants, chauffeurs, maçons, mécaniciens, vendeuses, électriciens, vigiles, peintres, etc.’’.

Aucune autorisation pour la présence des soldats ivoiriens

Bamako ajoute que, lors de leurs interrogatoires, les soldats arrêtés ont donné quatre raisons différentes de leur présence sur le sol malien : ‘’La mission confidentielle, la rotation dans le cadre de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), la sécurisation de la base logistique de la compagnie aérienne Sahelian Aviation Services (SAS) et la protection du contingent allemand’’.

Mis au courant de la situation par des responsables des forces de défense et de sécurité maliennes, leurs homologues ivoiriens auraient soutenu, selon Bamako, ‘’qu’ils ignoraient tout de la présence des militaires ivoiriens interpellés au Mali’’.

Cette version a été démentie par les autorités ivoiriennes qui, 48 heures après les arrestations, ont tenu un Conseil national de sécurité (CNS) extraordinaire à l’issue duquel un communiqué de la présidence affirme que la présence de ces soldats dans le cadre d'opérations de soutien logistique à la Mission des Nations Unies au Mali (Minusma) est "bien connue des autorités maliennes" et que des militaires ivoiriens sont présents à Bamako depuis juillet 2019 et la signature d'une convention avec les Nations Unies.

Aussi, assure Abidjan, ‘’aucun militaire ivoirien de ce contingent n’était en possession d’armes et de munitions de guerre" (…) la Côte d’Ivoire, qui a toujours œuvré au sein des instances sous-régionales, régionales et internationales pour la paix, la stabilité et le respect de l’État de droit, ne peut s’inscrire dans une logique de déstabilisation d’un pays tiers".

Les explications contradictoires à l’ONU

L’intervention d’un troisième acteur jette encore plus de flou sur la situation. Le porte-parole de la Minusma a, sur les réseaux sociaux, affirmé que les 49 militaires arrêtés par les autorités maliennes ne font pas partie du contingent de la Mission de maintien de la paix au Mali. Mais, ils sont déployés, depuis plusieurs années, au Mali, dans le cadre d’un appui logistique pour le compte d'un des contingents du NSE (Éléments nationaux de soutien). Ces derniers sont des effectifs nationaux déployés par les pays contributeurs de troupes, en soutien à leurs contingents.

 ‘’Il s’agit d’une pratique communément appliquée dans les missions de maintien de la paix. Ils ne sont pas comptabilisés dans les effectifs de la Minusma. Les relèves des contingents de la Minusma sont planifiées et s’effectuent en accord avec les autorités maliennes. Nous œuvrons à ce que les relèves de contingents originaires d’Afrique de l’Ouest, qui accusent un retard du fait de l’absence des autorisations requises, puissent intervenir au plus tôt", assure Olivier Salgado.

Sauf qu’une information partagée par RFI affirme qu’un haut responsable des Nations Unies à New York (siège de l’ONU), sous couvert de l'anonymat, soutient que les soldats ivoiriens n'étaient pas NSE. D’ailleurs, les responsables de l’ONU n’ont pas été en mesure de préciser le rôle exact ou le lien contractuel de ces 49 soldats avec la société privée SAS, elle-même sous-traitante de la Minusma.

Le silence de la CEDEAO et de l’Union africaine

Ces contradictions mettent l’opinion publique malienne dans tous ses états. Depuis l’épisode des sanctions de la CEDEAO à l’encontre du Mali (levées la semaine dernière), Abidjan est considéré comme l’allié de la France dans la crise diplomatique qui oppose Paris et Bamako. Aussi, le président ivoirien Alassane Ouattara fait partie des adeptes de la ligne dure contre le régime militaire qui dirige le Mali depuis bientôt deux ans.

Assez pour tenter de déstabiliser un régime militaire qui a avec lui l’adhésion populaire ?

Du côté d’Abidjan, l’on accuse la junte de régler ses comptes avec la Côte d’Ivoire qui serait responsable des sanctions de la CEDEAO qui a durement impacté l’économie malienne.

Jusqu’ici, les soldats arrêtés ont été confiés à la justice malienne. Après quatre jours de tension, le silence de  la CEDEAO et du président de l’Union africaine, Macky Sall, interpelle les observateurs et ceux qui sont  impliqués dans cette crise.

Lamine Diouf

 

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