Saka est-il injouable ?

Danger numéro 1 pour le PSG, Bukayo Saka sera essentiel dans la quête d’une deuxième finale de Ligue des champions dans l’histoire des Gunners. Et cette question : Nuno Mendes et Paris peuvent-ils vraiment l’arrêter ?
Le Paris Saint-Germain sera-t-il en finale de la Ligue des champions s’il parvient à contrôler l’influence de Bukayo Saka ? On n’est pas catégorique à 100%, encore faut-il que Dembélé, Kvara et consorts fassent le boulot de l’autre côté du terrain face à William Saliba et David Raya. Mais une (bonne) partie du chemin serait certainement faite. « C’est l’animateur principal du jeu offensif d’Arsenal, résume Tom Williams, journaliste indépendant, qui travaille pour The Athletic et Canal+. Il tire à peu près tous les corners et les coups francs côté droit, ce qui est bien sûr l’arme fatale des Gunners… »
La (petite) chance du PSG réside peut-être dans le fait qu’à 23 ans, Bukayo Saka n’est pas actuellement dans la meilleure forme de sa vie. Éloigné des terrains pendant trois mois pour une vilaine blessure à l’ischio-jambier entre fin décembre 2024 et fin mars 2025, l’international anglais (43 sélections, 12 buts) n’a pas retrouvé son impact statistique du début de saison (un petit but et aucune passe décisive sur ses cinq derniers matchs de championnat depuis son retour ; 11 buts et 12 passes décisives Premier League et Ligue des champions confondues cette saison). Il a même été victime d’une grosse semelle à Ipswich (20 avril, 4-0), qui a poussé Mikel Arteta à faire démarrer son prodige sur le banc mercredi dernier contre Crystal Palace. Sans que ce dernier ne joue les sauveurs lors de sa demi-heure passée sur le terrain (2-2, et cette inspiration géniale de Jean-Philippe Mateta pour égaliser).
Saka, encore plus une étoile en Ligue des champions
Mais il y a un gros bémol à cette lecture. « Il a quand même été un des grands artisans de la qualification face au Real Madrid en quarts de finale », rappelle Williams. À l’Emirates, c’est par exemple Saka qui provoque les deux coups francs dingues inscrits par Declan Rice juste derrière. Au Bernabéu, malgré son gros raté sur sa panenka, le gaucher est resté concerné pour enfoncer encore plus le Real et ouvrir le score. Si certains imaginent qu’une première demi-finale de Ligue des champions peut l’effrayer avec toutes les responsabilités qu’il a sur ses épaules à Arsenal… « On a l’impression que la pression glisse sur lui, s’étonne presque Tom Williams. Regardez son très beau piqué face à Thibaut Courtois après sa panenka : tout cela le stimule plutôt que de l’inhiber. » L’occasion de se rappeler à quel point son tir au but manqué en finale de l’Euro 2021, alors qu’il avait 19 ans, n’avait pas franchement affecté son futur. Autre solution : le PSG peut aussi tenter de sortir la carte de la provocation, à l’image de l’attitude grotesque de Dani Carvajal à son encontre à la mi-temps de Real Madrid-Arsenal. Mais là encore, ça n’a pas marché, bien au contraire.
Si, en Premier League, le Royaume se met à ses trousses, en s’organisant pour l’entourer de deux voire parfois trois joueurs (sans pour autant vraiment restreindre ses performances, en témoigne sa première partie de saison de très haut niveau en championnat), en Ligue des champions, Bukayo Saka semble encore plus à son aise. Sept matchs, deux passes décisives et cinq buts dont le coup franc de l’ouverture du score face au PSG, lors de l’affrontement franco-anglais en phase régulière de C1 (2-0 pour les Gunners).
En novembre 2023, engagé en Ligue des champions, le RC Lens de Franck Haise avait eu à préparer deux affrontements face à Arsenal et à Bukayo Saka. Si l’Anglais s’était blessé rapidement à Bollaert (34e), à l’Emirates, il était bien apte, et avait offert un but et une passe décisive (à Gabriel Jesus) lors de l’humiliation subie par les Sang & Or (6-0). Lilian Nalis, dans le staff de Haise aujourd’hui chez le brillant OGC Nice, était déjà là à l’époque. « Il faut être en nombre pour le gérer et l’empêcher d’agir à sa guise, décrypte-t-il. Aux joueurs, on avait surtout parlé de prises à deux, d’agressivité. Pour être dans le duel, le plus proche possible au départ afin qu’il ne se retourne pas. Et si c’est le cas, c’est assurer une couverture derrière. »
Nuno Mendes : après Salah, voici Saka
Le face-à-face qui s’annonce devant Nuno Mendes promet de l’électricité. « Une belle bataille, espère Tom Williams. Saka va l’attaquer sur son côté faible. Mais lors des deux matchs de Mendes face à Mohamed Salah, on a vu que ça ne le dérange pas forcément… Pour Nuno Mendes, la clé va être de ne pas se jeter trop rapidement sur Saka, qui adore les duels avec les défenseurs arrivant lancés et qui peuvent être rapidement éliminés. » Avec ce constat clair : « Contrairement à d’autres ailiers modernes, Saka n’a pas forcément besoin d’avoir beaucoup d’espace afin de briller. Ce sont les latéraux qui savent rester debout qui lui posent souvent le plus de problèmes. »
Comme face à Arjen Robben de la grande époque, João Neves et ceux qui pourraient venir épauler Mendes pour fermer sur Saka devront forcément l’empêcher d’entrer intérieur sur son pied gauche. « L’une des erreurs fatales du Real au tour précédent a été de le laisser en un contre un avec David Alaba, constate Tom Williams. Et il lui a fait des misères ! Il faut aussi essayer de couper sa connexion avec Martin Ødegaard et avec son latéral droit. Avec Ben White, Saka a tendance à délaisser le flanc pour prendre des positions à l’intérieur, pendant que White déborde. La connexion avec Jurriën Timber est moins fluide parce qu’ils ont moins de repères, mais ça fonctionne de la même manière. » Il sera très intéressant de lire le plan de Luis Enrique face au gaucher anglais, qui ne rêve que d’une chose : emmener le club qu’il a rejoint à ses 7 ans sur le toit de l’Europe, le 31 mai prochain à Munich, pour la première fois de son histoire.