Macky Sall court-circuite la défaite des Lions
De plus en plus chouchou préféré des Français, le Président sénégalais a été «récompensé» par Paris qui lui a offert l'organisation du 15e sommet de la Francophonie en 2014. Un geste qui intervient juste après la cruelle et (très) légitime élimination des Lions du football par une équipe qui, à elle seule, assure l'unité d'un pays en crise, la Côte d'ivoire.
Le président de la République n'aura pas tout perdu en ce week-end des 13 et 14 octobre 2012. A Kinshasa pour les besoins du 14e Sommet de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), le président sénégalais pourra toujours se consoler avec un fait politique intéressant pour lui : l'accueil par le Sénégal du prochain rendez-vous francophone. En 2014. Un excellent coup politique facilité par trois facteurs de taille : l'entregent d'un compatriote, Abdou Diouf, secrétaire général de l'Oif ; la sympathie et l'appui du président François Hollande ; et les performances d'une démocratie sénégalaise pourtant fortement secouée par des soubresauts dangereux qu'elle a pu heureusement surmonter. Ce faisant, et quoi que l'on puisse en penser, c'est le Sénégal qui va renforcer l'influence diplomatique qui lui est reconnue au plan international, même si celle-ci est discutable en termes de réalité.
Mais à défaut de grives, on se contente de merles, dit-on. Il est bien certain que l'engouement d'une qualification à la Coupe d'Afrique des Nations (CAN) est sans commune mesure avec un sommet de la Francophonie. Mais c'est quoi au juste un rassemblement de 56 États francophones ? Pour le citoyen lambda bastonné au quotidien par une crise qui n'en finit plus de faire des victimes, c'est un truc de VIP haut perchés, sans soucis de survie particuliers, et plutôt tournés vers des niveaux de préoccupations qui les rattachent à la cinquième strate de la hiérarchie des besoins établie par Abraham Maslow. Pour ce citoyen-là, la Francophonie, instrument de promotion de la langue du colon plus qu'un secours contre la précarité sociale, n'est pas décisive dans sa vie.
Tout à l'opposé d'une Coupe d'Afrique des nations de football ! Dans un pays sous-développé comme le Sénégal, il n'y a rien de mieux pour des hommes politiques (en difficulté ou pas, mais surtout en difficulté) qu'une Can pour se hisser au diapason de leurs peuples, un temps. Le temps que le cœur de la nation batte à l'unisson, fédère les pensées et coordonne des objectifs gagnants, jusqu'au retour sur la terre ferme de la réalité. En vérité, aux yeux de la plupart des citoyens, le football crée plus de retour sur investissement qu'un sommet de chefs d'Etat n'ayant pas toujours l'estime de leurs peuples. Comment comparer le formidable élan médiatique suscité par la retransmission d'un championnat d'Afrique de football aux quatre coins de la planète, à une soporifique rencontre entre grands et petits dirigeants du monde qui dissertent sur des sujets compliqués avec des mots complexes qu'ils n'arrivent eux-mêmes pas à résoudre ?
Entre le beurre, l'argent du beurre, la fermière et la fille de la fermière, Macky Sall n'a pas eu le choix. Il devra se contenter du beurre de Corrèze que Hollande a bien voulu lui fournir en récompense de sa formidable ascension démocratique vers le pouvoir. Le (gros) reste ira à Alassane Dramane Ouattara, Président d'une Côte d'Ivoire qui avait plus besoin de cette victoire pour continuer à construire la réconciliation dans un pays meurtri. En tout état de cause, si Abdoulaye Wade qui avait la réputation de défier la France s'est tourné vers l'Arabie Saoudite et les autres pétro-monarchies pour avoir «son» Sommet de la conférence islamique en 2008, son successeur Macky Sall, plutôt (trop) proche des Français dont il semble devenir le chouchou préféré en Afrique, tiendra lui aussi «sa» Francophonie.
MOMAR DIENG