Pourquoi la rébellion accepte de négocier
Le Séléka a stoppé l'offensive, lancée le 10 décembre, le gros des troupes étant positionné à 160 km de Bangui. Décryptage du spécialiste Roland Marchal.
Le président François Bozizé se prépare à aller aux négociations de paix à Libreville mais celles-ci pourraient être compliquées par le caractère extrêmement hétéroclite de la rébellion, qui a suspendu sa progression vers Bangui. Décryptage du spécialiste de la Centrafrique, Roland Marchal.
La rébellion du Séléka et le président centrafricain François Bozizé ont accepté mercredi de se mettre autour de la table des négociations.
Pourquoi ce revirement ?
Les rebelles avaient averti très tôt qu'ils ne voulaient pas entrer dans la capitale Bangui, mais qu'ils souhaitaient voir le président déposer les armes et quitter le pouvoir. La rencontre avec le président du Bénin et de l'Union africaine, Thomas Boni Yayi, a été l'un des éléments qui a favorisé cette avancée vers les négociations. Bien qu'il n'ait pas accepté de se retirer du pouvoir, le président Bozizé a fait de véritables concessions : il a annoncé qu'il ne se représenterait pas à l'élection présidentielle, qu'il ne changerait pas la Constitution et qu'il souhaitait nommer un gouvernement d'union nationale.
De leurs cotés, les rebelles étaient en désaccord sur la marche à suivre. L'envoi des renforts militaires des Etats de la Ceeac (Communauté économique des Etats d'Afrique centrale) et la clarification par Idriss Deby de la position du Tchad ont incités le Séléka à calmer le jeu. Il faut bien se rendre compte que ces rebelles sont forts de la faiblesse des forces armées centrafricaines, les Faca. Ils ne représentent pas une force de frappe qui aurait pu mettre en déroute la Micopax (Mission de consolidation de la paix en Centrafrique) dans l'hypothèse où celle-ci se serait résolue à combattre.
La nature hétéroclite de la coalition rebelle n'est-elle pas un obstacle aux pourparlers ?
Au moment où l'offre a été faîte, juste après le décollage de l'avion présidentiel béninois, des voix divergentes se sont exprimées au sein de la coalition. Et puis le porte-parole du Séléka, Eric Massi, a resserré les rangs en expliquant qu'ils étudiaient les propositions. Les rebelles ont bien conscience que s'ils se divisent, leur force de frappe est complètement diminuée.
Quelle est leur marge de manœuvre ?
On est dans une position d'attente. Il y a un débat au sein du Séléka pour savoir ce qu'il veut faire et ce qu'il peut faire. Les rebelles ont plusieurs victoires militaires à leur actif. Ils peuvent aussi compter sur l'addition des radicalismes : ils ne sont pas seuls, l'opposition légale est aussi convaincue que François Bozizé doit partir. Ce dont je doute en revanche, c'est que le président Bozizé soit prêt à prêter une oreille attentive à cela.
Qui va s'asseoir autour de la table des négociations de Libreville ?
D'après les propositions béninoises, il y aura des représentants de la société civile, les principaux chefs de l'opposition légale, François Bozizé et quelques personnes de son parti et évidemment les rebelles. Pour ces derniers, l'opposition légale est l'équivalent du régime Bozizé. La Ceeac, l'Union africaine et les Nations unis seront aussi présents et auront des rôles de facilitateurs. Mais tout cela c'est un peu de la mise en scène pour souligner devant la communauté régionale que les rebelles font des compromis. C'est le moment de la négociation, chacun montre ses dents. Il faut attendre.
Que peut-il se passer ?
Plus le temps passe plus la structure de la rébellion s'affaiblit. Ils vont devoir décider vite de ce qu'ils vont vraiment faire : négocier ou essayer d'entrer dans Bangui ? De l'autre côté, j'ai du mal à croire que le président centrafricain est en train de préparer ses dossiers pour aller à la négociation. Réfléchit-il aux moyens de remonter son armée et préparer un nouveau dispositif militaire pour une contre-offensive significative ? François Bozizé sait la capitale à priori sécurisée, et il lui reste un peu de temps pour y penser. Les incidents quasi-quotidiens qui se déroulent à Bangui lui donnent du crédit quant à sa théorie de la menace extérieure.
S'il va à Libreville, il peut revenir sur ses promesses et tenter de pousser les rebelles à la faute. L'enjeu pour lui est de conserver la Ceeac de son côté au moment où il lancera une éventuelle contre-offensive. A l'inverse, l'enjeu pour les rebelles est de convaincre la Ceeac que François Bozizé est le problème et qu'en le sortant du jeu, on règle ce problème.
La France dit être en contact avec toutes les parties...
La France parle avec tout le monde évidemment. Mais elle ne veut pas s'impliquer plus au risque de devenir un bouc émissaire idéal et d'être tenu responsable d'un processus qui n'est pas le sien. Comme au Nord-Mali, elle n'interviendrait que dans le cadre d'une résolution du Conseil de sécurité ou en appui aux organisations régionales.
Nouvelobs.com