Publié le 4 May 2020 - 23:37
COVID-19 DANS LA CAPITALE ORIENTALE

Goudiry asphyxié par la pandémie

 

Si la situation est, depuis quelque temps, stable dans le département de Goudiry, les conséquences de la pandémie de la Covid-19, elles, se font déjà sentir dans cette zone située à plus de 500 km de la capitale sénégalaise. A côté de la psychose de la contamination, les populations restent confrontées à des problèmes alimentaires. A cela s’ajoutent le poids de l’enclavement et le manque d’infrastructures sociales de base.

 

Kanekhambé, Féténiébé et Dindory sont trois villages situés dans la commune de Bouynguel Bamba, l’une des 15 municipalités du département de Goudiry. Ces localités, situées entre Tambacounda et Kidira, étaient totalement méconnues de la carte du Sénégal… jusqu’à l’entrée du coronavirus dans la capitale orientale. La pandémie, qui a démarré dans le village de Kanehambé, est venue accentuer la précarité de ces bourgades lointaines qui dépendent, pour la plupart, des expatriés établis en Europe. ‘’Ces villages touchés n’ont ni boutique ni marché, encore moins d’électricité. Tous leurs besoins se font dans le département de Goudiry. Et avec leur confinement et l’état d’urgence, les déplacements sont suspendus’’, se désole le président-directeur général de 2Gmédias (Goudiry Web TV et Goudiry sur le net. 

Amadou Fayinké, qui publie régulièrement des informations locales sur ses supports, révèle, en outre, qu’il est récurent de rencontrer, dans ces contrées, des populations qui peinent à assurer les trois repas quotidiens. Ce qui l’amène d’ailleurs a demandé une discrimination positive dans l’aide alimentaire à l’endroit des populations de cette zone. Le mal vivre de ces localités est perceptible, car étant dépourvues de toute infrastructure sociale ou économique.

‘’Nous sommes oubliés dans les nominations étatiques’’

‘’On n’a pas d’usine, ni d’opérateur économique, encore moins de milliardaire. Nous sommes oubliés dans les nominations étatiques. La localité n’a aucune autorité capable de soutenir la population, en ces temps de crise, comme ça se fait ailleurs. Le budget de la commune ne dépasse pas 20 millions et ne permet pas d’acheter d’importantes quantités de vivres pour la population’’, fulmine Seydou Dieng, le maire de la commune de Bouynguel Bamba, qui redoute, à termes, une situation de famine dans la zone. D’autant plus que, dit-il, il est sollicité régulièrement par ses administrés qui peinent, en ces moments de maladie, à joindre les deux bouts.

Toutefois, poursuit l’édile, les autorités administratives et municipales, soutenues par de bonnes volontés, recensent au jour le jour les besoins des populations confinées, en vue de les satisfaire.  Seulement, ces soutiens sont jugés dérisoires, surtout durant cette période de ramadan où le thermomètre affiche plus de 40° à l’ombre, dans cette partie du pays. D’après le maire Seydou Dieng, trouver de la glace pour la rupture, même en temps normal, relève du parcours du combattant. ‘’C’est impossible d’envoyer de la glace dans ces villages confinés. Je ne parviens pas à en trouver à l’heure où les autorités partent les ravitailler en nourriture’’, souligne M Dieng. Qui relève, en outre, qu’il est prévu, avec la cotisation des édiles municipaux, de doter ces villages de deux frigos pour résoudre ce problème.  ‘’J’étais absent, quand cette décision a été prise. Mais je trouve que c’est exagéré de commander deux frigos jusqu’à Dakar, alors qu’on peut en trouver dans le département’’, dit-il.

Dans une vidéo du site Goudiry Web TV, un animateur de la radio Goudiry FM, s’exprimant dans la langue locale puular, déverse sa bile sur les autorités administratives qu’il accuse de parti pris dans la distribution de l’aide alimentaire. ‘’Nous avons respecté toutes les recommandations des autorités administratives pour l’éradication de la maladie. Mais, en retour, on ne sent pas leur soutien. On est en début de ramadan et on est censé être suffisamment ravitaillé. A l’heure, ou je vous parle, ma famille risque de ne pas manger et plusieurs personnes sont dans cette situation. Il nous arrive d’abattre souvent des moutons et les cuisiner uniquement avec de l’eau, faute de condiments’’, martèle-t-il. Avant de poursuivre : ‘’Chaque matin, on nous apporte du pain, mais en quantité insuffisante, car nous vivons dans de grandes concessions qui ne bénéficient que de deux baguettes chacune. La dernière fois, j’ai préféré bouder ces dons. A la place, nous demandons de la farine pour faire nos propres pains’’, peste l’habitant de Féténiébé, le village le plus impacté de la commune, avec 47 cas positifs.

Préfet de Goudiry : ‘’Nous avons distribué des denrées à chaque ménage.’’

Joint par téléphone, le préfet du département de Goudiry déclare qu’il est souvent difficile de venir en aide à une certaine frange de cette population. D’après Ahmadou Coumba Ndiaye, toutes les mesures d’accompagnement ont été déployées pour assister cette partie confinée, afin de circonscrire la maladie. ‘’Nous avons distribué des denrées à chaque ménage. Nous avons mis en place un comité pour recueillir leurs préoccupations. On est même allé jusqu’à donner de l’aliment de bétail pour certains. Mieux, des citernes d’eau sont mises à leur disposition, ce qui n’était pas possible avant la pandémie, car ils puisaient dans des puits’’, fait savoir l’autorité administrative.

Cependant, regrette-t-il, force est de reconnaitre qu’il est impossible de satisfaire certains qui entrainent souvent toute la communauté dans leurs protestations. ‘’Une fois, on a fait une commande de pain, en accord avec la population à Tambacounda et aux frais du comité départemental. Une fois sur place, ils ont refusé de le prendre et on l’a amené dans un autre village. C’est la difficulté avec la population d’ici.  Ils refusent des fois qu’on leur vienne en aide, sans explication aucune et d’autres les suivent, même s’ils en ont besoin. Des fois, il y a une minorité qui empêche aux autres d’y accéder’’, se désole Ahmadou Coumba Ndiaye. 

Pour lui, il y aura toujours des gens qui, malgré tout, vont verser dans des contrevérités. Ceux qui sont véridiques, estime-t-il, peuvent témoigner de l’appui au quotidien en leur faveur.

‘’S’il faut les sauver contre leur gré, on le fera’’

Si le département de Goudiry reste, depuis quelque temps, absent dans l’énumération des cas testés positifs au niveau national, le danger reste toutefois permanant dans cette zone frontalière avec le Mali. En plus des déplacements clandestins, nos interlocuteurs révèlent que la prise de conscience n’est pas toujours effective. Pire, le préfet indique qu’une partie de la population des villages concernés ne collabore pas trop. Elles refusent, d’après Ahmadou Coumba Ndiaye, de se faire prélever et donnent des arguments incompréhensibles. ‘’J’ai demandé à l’équipe médicale d’être patient et de faire le nécessaire. Même s’il faut sauver ces personnes contre leur gré, on le fera’’, avertit M. Ndiaye. Il renseigne que l’équipe médicale est à leur chevet au quotidien pour voir les cas contacts et ceux qui développent des symptômes.

Selon lui, il a fallu l’implication du sous-préfet et de la diaspora pour faire un nombre important de prélèvements. Ce qui a permis, dit-il, d’obtenir le maximum de cas positifs, à savoir 58, dans le département. 

A côté de ces difficultés précitées, le département fait souvent face à des problèmes d’argent dans ses réseaux de transfert. Goudiry ne disposant pas de banque, ses populations sont souvent obligées de parcourir les 116 km qui les séparent de la région orientale pour percevoir les aides qui leur sont envoyées depuis l’étranger. A défaut d’obtenir une autorisation administrative, le maire, Seydou Dieng, reconnait qu’ils se rendent, de manière illégale, à Tamba, à bord de motos Jakarta. Une pratique qui peut souvent avoir des conséquences, en ces temps de crise sanitaire.

Voyages en cachette

Ainsi, le maire de la commune de Bouynguel Bamba propose à l’autorité administrative d’être plus souple et d’organiser les sorties, pour diminuer les risques de propagation de la maladie. D’ailleurs, poursuit Seydou Dieng, ‘’une fois à Tambacounda, on a peur de se signaler, car Goudiry suscite la méfiance et la stigmatisation. On est obligé de passer par d’autres pour récupérer de l’argent, alors que le département n’est pas directement concerné, mais plutôt les villages environnants. Tout cela est dû à un problème de communication de nos autorités, depuis le début de la pandémie’’, tempête le maire.

Sur ce point, le préfet du département précise que ceux qui veulent voyager dans la légalité sont en train de le faire.  Ainsi, renseigne-t-il, des autorisations sont délivrées à ceux qui réunissent toutes les conditions. ‘’On demande à ces personnes de se limiter à leurs transactions et prendre toutes les dispositions pour ne pas être en contact avec d’autres. A ce jour, personne ne peut dire qu’on refuse de délivrer des autorisations. Il suffit qu’on nous montre les garanties nécessaires’’, rétorque Ahmadou Coumba Ndiaye.

Par ailleurs, au moment où les services du ministère de l’Education nationale avancent la date du 2 juin pour la reprise des élèves en classe d’examen, le PDG de 2Gmédias se préoccupe, lui, du sort des apprenants de sa localité. ‘’Nous sommes dans une zone non couverte. Par conséquent, nos élèves n’ont pas accès à la télévision ou à l’Internet pour le e-learning. Les candidats aux examens ressemblent plus à des vacanciers qu’à des élèves’’, peste-t-il.

Pendant ce temps, le maire de la commune de Bounguel, Seydou Dieng, déplore le manque d’infrastructures sanitaires. ‘’Eva Marie Colle Seck, alors ministre de la Santé, avait financé un poste de santé à hauteur de 40 millions pour la commune, mais depuis qu’elle a été remplacée, le financement est annulé. Nous avons deux cases de santé construites par la population et les émigrés. L’Etat nous a affecté des aides infirmiers et sages-femmes’’, fait-il savoir. Il souligne également que des installations électriques ont été réalisées, depuis l’année dernière, dans la commune, alors que la mise en service peine à être effective. A cela s’ajoute, dit-il, la lenteur dans l’achèvement des travaux des locaux de sa municipalité fondée depuis 2011. 

Un ensemble de problèmes auxquels est venu s’ajouter la pandémie du coronavirus, mettant ainsi tout un département à terre.

HABIBATOU TRAORE

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