Publié le 19 Feb 2014 - 19:09
DÉPÔTS DE GAZ À CÔTÉ DES HABITATIONS

Les populations sont-elles assises sur des poudrières ?

 

Des dépôts de gaz à côté des habitations, un phénomène qui commence à irriter des populations sénégalaises qui craignent pour leur sécurité. 

 

La scène se passe à l'unité 7 des Parcelles Assainies, dans la banlieue de Dakar. Sur une ruelle marchande, un dépôt de bonbonnes de gaz fait monter l'adrénaline chez les populations. La valse des charretiers semble être la goutte de trop.

Dans ce secteur, non loin de l'église des Parcelles Assainies, on se plaint de plus en plus de cette cohabitation à risque. Les populations dénoncent l'implantation, depuis bientôt un an, de ce dépôt de gaz dans une zone d'habitation, avec son lot d'insécurité et d'insalubrité. Mais, c'est en sourdine qu'on rouspète. ''Ce n'est pas normal. Il faut mettre un terme à cette situation qui nous expose à toutes sortes de danger.

Ces charretiers sont des analphabètes qui n'ont aucune notion de sécurité'', tonne Dame Badiane, un jeune ingénieur qui s'est installé dans le quartier depuis quelque temps. L'homme qui a pris le soin de nous contacter est d'avis que des mesures idoines doivent être prises pour garantir la sécurité des populations, à défaut de les délocaliser. Selon lui, ''une simple manœuvre peut créer la catastrophe. Les autorités compétentes, dit-il, ne doivent pas attendre qu'un accident se produise pour prendre des mesures adéquates''. 

La loi des charretiers

A l'unité 7 des Parcelles Assainies, les charretiers font la loi. Ils sont omniprésents dans le décor. Du côté des populations environnantes, certaines préfèrent fermer les yeux et passer l'éponge. D'autres sont prêtes à remuer carrément les braises. Elles ne veulent pas que cette expérience des fournisseurs de gaz fasse tache d'huile, même si pour l'heure aucune action concertée n'a été prise pour inverser la tendance.

''Les gens se plaignent de cette difficile cohabitation, sans hausser le ton. La pollution sonore nous tire du lit, tôt le matin. Ce sont des bruits à n'en plus finir à chaque instant de la journée, sans compter l'insalubrité qui a fini par dénaturer le visage du quartier'', souligne M. Kane, un habitant du quartier rencontré dans la bijouterie qui fait face au dépôt en question. Dans le quartier, les mêmes mots, les mêmes phrases s'enchaînent auprès des différentes personnes rencontrées. Le sentiment de malaise s'accentue chaque jour, ''par la faute'' de ce voisin encombrant.

''Nous nous sentons en danger permanent depuis que le dépôt est là. Nous nous posons des tas de question sur les risques que nous encourons. Les charretiers en charge d'assurer la distribution du gaz butane créent une situation indescriptible ici.'' Dans ce quartier, les populations sont aussi sous la hantise des risques toxiques et sanitaires et de toutes sortes d'accidents. Et pour cause, une fuite d'un réservoir peut survenir à tout moment...

Dans la localité, les pensées vont également vers les enfants qui, faute d'espace de jeu, se retrouvent souvent aux alentours de ce dépôt de gaz. ''On est en permanence inquiets. Les charretiers ne sont pas toujours en mesure de maîtriser leurs chevaux. On est sous un stress permanent'', confie une jeune dame qui habite juste en face au dépôt.

Elle a refusé comme d'autres de révéler son identité. ''L'essentiel, c'est que notre voix fasse écho'', lance t-elle. Pour autant, ces complaintes ne semblent pas ébranler les distributeurs de gaz qui sont dans la dynamique d'élargir de plus en plus leurs bases dans ce secteur de la banlieue dakaroise. D'ailleurs, deux autres dépôts ont été installés à l'Unité 6 et l'Unité 15 des Parcelles Assainies, au grand dam des résidents .

Interpellé sur la question, le chef de quartier, Salif Kassé, a manifesté un certain étonnement. ''Jamais je n'ai été interpellé par les populations, dans ce sens. Je n'aurais pas hésité à faire le nécessaire et à saisir qui de droit, si j'étais au courant'', fait-il comprendre. Insinuant qu'il y a pire, il a tenu à rappeler que ''la vente de bonbonnes de gaz dans les stations d'essence est sujette à plusieurs risques''. Sans compter, selon lui, ''qu'un dépôt de gaz est différent d'une fabrique de gaz''. 

À Guédiawaye, c'est devenu banal

Ailleurs, à Guédiawaye, dans la banlieue dakaroise, les populations, habituées à cohabiter avec du gaz butane, banalisent ce phénomène. Vivre avec des bonbonnes de gaz s'inscrit depuis longtemps dans l'ordre normal des choses. Elles se sont plaintes au début, mais des autorités administratives ont su tempérer leurs ardeurs.

Depuis, elles ne s'inquiètent plus outre mesure. ''Une maison nous sépare d'un dépôt de gaz, mais on ne s'inquiète guère. Car depuis 5 ans qu'il s'est établi ici, aucune alerte n'a été lancée. Juste que l'insalubrité dérange de même que les bruits occasionnés, lors de la décharge....'', confie Kiné Faye, une jeune commerciale.

Dans d'autres quartiers de Dakar, ce phénomène se range de plus en plus aux oubliettes. Ce n'est que lorsqu'il y a pénurie de gaz que des dépôts ''temporaires'' refont surface. Aux Hlm, à Colobane, Castors, c'est un car rempli de bouteilles de gaz qui se charge au quotidien de l'approvisionnement des points de vente, notamment les boutiques. 

Légalité

Au cours de ce reportage, de nombreux citoyens se sont interrogés sur les conditions requises pour ouvrir un dépôt de gaz, dans les quartiers. Mais pour l'heure, c'est l'omerta du côté des autorités habilitées à édifier l'opinion publique. Les autorités municipales n'ont pas voulu briser le silence, même si certaines pensent qu'il n y a pas lieu de s'inquiéter. ''Ce n'est pas un phénomène nouveau. Il n'y a jamais eu d'accident enregistré jusque-là, souligne-t-on.''

Du côté de la Direction de la protection civile, des assurances ont été données par l'administrateur principal. Il explique que ''les tenants des dépôts doivent bénéficier, dans les normes, d'une autorisation en bonne et due forme, avant de s'établir dans un secteur donné. Cela suite à une appréciation des services techniques requis''. ''Ce sont les commissions auxiliaires départementales qui doivent délivrer ces autorisations.'', renseigne-t-il. 

Non sans rappeler que c'est Total Sénégal qui est en charge de commercialiser le gaz butane en vrac, bouteille de 2,7 kg, bouteille de 6 kg , bouteille de 12,5 kg et en bouteilles de 32 et 38 kg .

Matel BOCOUM

 

 

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