Un décès et des suspicions de coronavirus
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Terrible mort que celle du vieux Modou Mbaye, foudroyé hier, en pleine rue, alors qu’il marchait. Personne n’a osé s’approcher de son corps jusqu’à ce que le service d’hygiène vienne le désinfecter, trois heures après. A-t-il été emporté par la Covid-19 ou une crise cardiaque ? Aurait-on pu le réanimer ? On ne le saura jamais.
Dans ce contexte de pandémie de la Covid-19, les habitudes ont changé. Au Sénégal, comme partout ailleurs dans le monde, les citoyens apprennent à vivre sans toucher l’autre. De ce fait, tomber malade ou mourir en cette période laisse place à toutes sortes de suspicions. C’est ce qui est arrivé, hier, à Nguinth-Nord, un quartier situé dans la commune de Thiès-Nord où un vieil homme a été rappelé auprès de son créateur, après qu’il est tombé sur le chemin. Il revenait d’un baptême.
Âgé d’environ 79 ans, le vieux Modou Mbaye qui, dit-on, souffrait d’une hypertension, a rendu l’âme vers les coups de 9 h. Alertés, les éléments de la 21e Cie d’incendie et de secours ont investi les lieux. Mais une fois sur place, ils n’ont pas pris le risque de toucher le corps sans vie du papa de Tidiane Mbaye. Entre 9 h et midi moins, la dépouille est restée sous le chaud soleil. Personne n’a osé s’approcher du défunt, ni même couvrir le corps.
Une voisine du vieux, qui a voulu le faire, a été dissuadée par les sapeurs-pompiers qui attendaient d’abord que le corps soit désinfecté. C’est aux environs de 12 h que deux agents du Service régional d’hygiène de Thiès ont débarqué sur les lieux pour procéder à l’opération de désinfection. Ensuite, le corps a été enveloppé dans un sachet en plastique noir pour être acheminé à la morgue du centre hospitalier régional El Hadj Ahmadou Sakhir Ndiéguène de Thiès par les sapeurs-pompiers.
Djibril Mbaye (frère du défunt) : ‘’Mon frère n’est pas mort du coronavirus.’’
Quand son frère aîné est tombé, les voisins, par petits groupes, sont accourus vers les lieux, mais personne n’a osé s’approcher du corps. Pendant ce temps, Djibril Mbaye, qui était à l’intérieur de sa maison, ne savait pas qu’il s’agissait de son frère. C’est une heure après qu’il a été joint par un des pompiers, par le biais du téléphone du défunt. Au bout du fil, l’agent lui informa que son frère a piqué un malaise et gisait sur une des rues du quartier Nguinth-Nord. Il est sorti de sa maison en pressant le pas. Avant d’arriver sur les lieux, Djibril Mbaye a aperçu son frère aîné allongé à même le sol. C’est là qu’il a su que Modou est parti rejoindre Allah.
‘’De loin, j’ai compris que le pompier qui m’avait dit que tout allait bien le faisait pour atténuer le choc. J’ai vite compris que Pape Modou est mort. Je comprends la situation dans laquelle se trouve le pays, avec la pandémie de la Covid-19. Mais je puis vous affirmer que mon frère n’est pas mort du coronavirus. Il souffrait, depuis des années, d’hypertension artérielle’’, précise Djibril Mbaye.
Cependant, dans ce contexte de crise sanitaire liée à la Covid-19, des prélèvements seront effectués, afin de déterminer les circonstances exactes de sa mort. En attendant, le frère cadet du défunt continue à soutenir la thèse selon laquelle le vieux Modou Mbaye a été emporté par cette maladie non transmissible.
‘’Il est mon frère. Je le connais bien. L’hypertension a toujours été sa maladie. Il est sûrement décédé de ça’’, insiste Djibril Mbaye. Peint comme un homme ‘’très pieux’’, le vieux Modou Mbaye était marié à 3 femmes. Il exerçait le métier de vendeur de poissons jusqu’à sa retraite en 2006, année lors de laquelle il a effectué le pèlerinage à La Mecque.
GAUSTIN DIATTA (THIES)