Thierno Alassane Sall défie le régime
En séance de dédicaces, samedi, l’ancien ministre en charge de l’Energie, Thierno Alassane Sall, est largement revenu sur son livre ‘’Le protocole de l’Elysée’’ qui se vend comme des petits pains dans certaines librairies.
C’est un Thierno Alassane Sall d’attaque ! Debout derrière le pupitre, l’ancien ministre de l’Energie s’est employé à répondre aux différentes interpellations sur son livre. Pour lui, il ne faut surtout pas escamoter le débat. Dans son ouvrage, des faits bien précis ont été invoqués et ceux qui ont des choses à contester n’ont qu’à se prononcer sur les faits.
Aux journalistes, il demande : ‘’Il ne faut pas escamoter les faits évoqués dans l’ouvrage. Moi, j’ai fait un ouvrage de près de 500 pages où je décris la mafia mise en place pour spolier les biens du Sénégal. Je veux que l’on nous parle de ça au lieu d’essayer de détourner l’attention.’’
Revenant sur cette mafia en place, Thierno Alassane Sall a dénoncé comment d’anciens hauts fonctionnaires se retrouvent dans les affaires et collaborent avec des compagnies privées intervenant dans leurs secteurs dans lesquels ils avaient des responsabilités. Parmi ces hauts fonctionnaires, les noms de Serigne Mboup et Abdoul Aziz Mbaye (ancien directeur de cabinet du président) sont maintes fois revenus dans le livre. Pour le premier, après avoir eu de grandes responsabilités au niveau de Petrosen, il s’est retrouvé dans les affaires, en travaillant avec une société du nom de Trace… Pour le second, il s’est retrouvé à défendre les intérêts du groupe Elenito intervenant dans le secteur des hydrocarbures. Thierno Alassane Sall : ‘’Ils sont coupables de ce que l’on appelle dans d’autres pays de pantouflage. C’est des pratiques interdites par les lois, la déontologie, les textes internationaux. Mais vous savez que dans ce pays, tout fonctionne à l’envers.
C’est d’ailleurs pourquoi ils ont été les premiers à monter au front pour s’en prendre à ma personne. Parce que c’est des pratiques que je n’ai jamais cautionnées.’’
A en croire le leader de la République des valeurs, le débat est souvent biaisé au niveau de l’opinion. A ce jour, les questions qui méritent d’être posées sont celles relatives notamment aux hydrocarbures, à la refondation de l’Etat pour corriger les erreurs en vue de sortir du gouffre le Sénégal… ‘’Qu’est-ce qu’on va faire de notre pétrole, de notre gaz ? Quelle politique pour notre raffinerie ?, etc. Voilà les questions qui méritent d’être posées’’.
Pour lui, il ne faudrait pas attendre grand-chose du Cos-Petrogaz. ‘’Depuis 2016, renchérit-il, le Cos-Petrogaz est en place et rien n’a été fait. On devrait normalement disposer d’un plan stratégique. Quand j’étais au ministère, j’ai voulu signer un partenariat avec la Banque mondiale pour m’attacher les services d’un cabinet. Lequel pourrait nous établir un plan stratégique de développement du secteur des hydrocarbures depuis l’amont jusqu’en aval’’.
Revenant sur la cherté de l’électricité, l’auteur du ‘’Protocole de l’Elysée’’ estime que le Sénégal a l’un des coûts d’électricité les plus chers au monde, et cela entrave le développement du secteur économique. Dans la même veine, il redoute que des lobbies s’accaparent les ressources en hydrocarbures au détriment des Sénégalais. ‘’Il y a, affirme-t-il, un risque extrêmement grave que des lobbies créent des sociétés-écrans dans des paradis fiscaux, achètent une partie de notre gaz ou investissent dans des centrales à gaz pour nous les vendre à des prix hors de portée. Nous avons intérêt à réfléchir sur toutes ces questions’’.
Sur le même registre, l’ancien ministre de l’Energie pense beaucoup de bien du plan ‘’Takkal’’ qui, selon lui, est le meilleur plan jusque-là réalisé au Sénégal, y compris sous son magistère. A ceux qui seraient tentés de se demander pourquoi tant de lauriers au plan ‘’Takkal’’, malgré ses sorties souvent incendiaires contre son promoteur qu’était Karim Wade, il rétorque : ‘’Moi, je n’ai de problème personnel avec qui que ce soit. Les sentiments personnels sont peu significatifs pour moi, quand il s’agit de la République. Sinon, j'aurais toujours été du côté de Macky Sall… Karim Wade, je le dis… Quand on regarde le plan ‘Takkal’, c'est le seul plan cohérent, objectif, clair qui prenne en compte, de bout en bout, la problématique de la gestion de la Senelec.’’
Toutefois, nuance-t-il, ‘’je n'ai pas dit que c'est un très bon plan, mais c'est le meilleur des plans qui ont été mis en œuvre, y compris moi quand j'étais ministre. Parce que simplement aussi, il avait peut-être plus de liberté, étant le fils de son père. Alors que pour nous autres, avec le président, il y a toujours eu des divergences. Ce qu’il a réussi, il l'a réussi en ayant une latitude certes, mais aussi une volonté de guérir. Comme je l’ai dit dans le livre, il était venu malheureusement un peu trop tard’’.
Par ailleurs, l’auteur a regretté le fait que certains faits gravissimes signalés dans l’ouvrage soient passés sous silence par certains leaders d’opinion. Interpelé sur la question, il peste : ‘’Effectivement, on ne peut ne pas relever le silence total de certains leaders de la société civile, des politiques... Des gens qui, parfois, pour un oui ou un non, se sont retrouvés dans la rue... Quand ils ont lu le livre, c’est silence radio. Pourquoi ? Il faut leur demander. Certes, ils parlent de choses intéressantes, mais en termes d’incidence, c’est nettement en deçà des faits invoqués dans le livre’’.