Publié le 17 Jul 2018 - 05:09
FIN DE LA PÉNURIE D’EAU À DAKAR

Les dates de Mansour Faye

 

EnQuête a contacté la Sénégalaise des eaux (Sde) dans le cadre de ce travail. Mais la société n’a pas souhaité s’exprimer sur la question, après la sortie du ministre de l’Hydraulique, estimant qu’il a tout dit. C’est ainsi donc que nous avons été renvoyé à l’interview que Mansour Faye a accordé à la page Facebook T’es de Dakar. Le ministre y explique ce qui est à l’origine de la pénurie d’eau à Dakar. Il livre, en détail, les programmes du gouvernement, non sans fixer une date pour la fin du calvaire des populations.

 

Raisons et solutions de la pénurie

‘’Je veux d’abord expliquer comment on fait pour avoir de l’eau à Dakar. Dakar est une grande ville. Et depuis longtemps, nos prédécesseurs ont compris qu’on ne peut pas compter sur des forages. Avant les années 70, l’eau provenait des forages de Thiaroye ou des nappes situées sur la zone de captage. Quand ils ont compris que les forages ne pouvaient pas prospérer, l’ancien régime du Ps a fait des études qui ont montré qu’il était possible de faire venir de l’eau du lac de Guiers. En 1971, une usine a été créée à Nithie. A partir de 1998, une deuxième usine a été construite à Keur Momar Sarr. A partir de 2008, on a renforcé l’usine par Kms2 (Keur Momar Sarr, 2e usine). L’usine refoule l’eau de Keur Momar Sarr à Mékhé. De là, il y a un suppresseur qui refoule l’eau jusqu’à l’usine de Thiès. De Thiès, l’eau descend de manière gravitaire jusqu’à Sébikhotane. De là, il y a un autre surpresseur qui refoule l’eau jusqu’au Point B situé à la zone de captage. C’est de là que l’eau est distribuée vers le réservoir des Mamelles, celui des Madeleines ainsi que les autres, pour ensuite intégrer le réseau de Dakar (6 000 km). Il y a d’autres forages sur le littoral, à Kel, à Kébémer, à Pout, à Kirène destinés à renforcer l’eau venant du lac de Guiers. C’est comme ça que Dakar est approvisionnée. Il y a aussi 17 autres forages dans la ville.

Seulement, on ne peut pas dépasser ce nombre, du moins presque. En fait, Dakar est proche de l’océan. Si on multiplie les forages, on risque d’attirer l’eau de la mer. On sait, malgré tout, que ce volume est insuffisant. Faisons un peu d’historique : en 1981, Samba Yoro Diop, à l’époque ministre de l’Hydraulique, avait fait une communication. Dakar avait 147 000 m3/j. Il était prévu d’avoir 372 000 m3 à l’horizon 2000. Le volume d’eau produit actuellement à Dakar tourne autour de 350 000 et 360 000 m3. Donc, on n’a pas fait les investissements qu’il fallait pour avoir le volume d’eau nécessaire à Dakar. C’est l’investissement-là que le président Macky Sall a lancé à partir de 2012, avec des projets structurants. Il y a Kms3, avec 200 000 m3/j. D’ailleurs, cette usine faisait partie des projets (du régime socialiste) au départ. Mais il n’y avait pas une grande ambition ; on voulait avoir juste 50 000 m3/j. Mais le projet a été revu pour être porté à 200 000 m3/j. On a voulu ensuite diversifier les sources, car tout ne peut pas venir des forages du littoral ou de Keur Momar Sarr. C’est ainsi qu’est venu le projet de dessalement de l’eau de mer aux Mamelles pour produire 100 000 m3/j. A la fin des projets, il y aura globalement 300 000 m3/j.’’

Programme d’urgence

‘’Quand on a évalué la demande, on s’est rendu compte qu’il y a un déficit. A partir de 2014, nous avons démarré une série de programmes d’urgence. Il y a eu, d’abord, 21 forages pour 60 000 m3/j. En 2016 et en 2017 aussi, nous avons renforcé, même s’il n’y a pas eu de communication là-dessus. Avant le démarrage de Kms3 et de l’usine de dessalement, nous avons mis en place un programme spécial pour Dakar (Psdak) pour une production de 94 000 m3 d’eau par jour permettant de couvrir le déficit. Une partie de ce programme sera prêt, les jours à venir. En fait, c’est ce déficit-là qui fait que certains quartiers de Dakar n’ont pas d’eau. Il s’y ajoute un fait qui a accentué le phénomène. En 2013, il y a eu le tuyau de Keur Momar Sarr qui avait éclaté. Nous avons fait un diagnostic pour trouver des solutions. Il y avait 7 points de solution. Parmi elles, il y a une pièce en Y qu’on devait changer pour alléger le système et refaire celui de protection, de sécurité. L’eau, c’est aussi de la pression qui peut même tuer.

Pour sécuriser, nous avons prévu de changer le système anti-bélier pour mettre d’autres ballons, changer le dispositif et la pièce Y. L’usine à 5 pompes dont une en réserve. Après avoir changé la pièce, on a allumé les 4 pompes. On s’est retrouvé avec de la surpression. On a noté des fuites sur la pièce. On a décidé de fonctionner avec 3 pompes pour limiter la pression, en attendant l’installation du système de sécurité, au lieu de prendre des risques avec les 4 pompes. Le jour où le système sera sécurisé, on remettra la 4e pompe en marche. Nous y travaillons. Les techniciens de l’usine qui nous a fourni les ballons anti-béliers viendront lundi (aujourd’hui) Inch Allah. Nous espérons qu’ils pourront procéder aux installations en l’espace de 4 à 5 jours. Lundi ou mardi, on va démarrer les forages de Bayakh (15 000 m3/j) déjà terminés.

Les maraichers qui utilisent de l’eau potable seront déconnectés. On va récupérer là-bas 10 000 m3 d’eau. A partir de ce moment, je ne dis pas qu’on n’aura plus de problème, mais on sera proche de couvrir le déficit. En conclusion, d’ici quelques jours, il y aura moins de problèmes d’eau. C’est difficile de voir nos mamans et nos sœurs se réveiller à 4 h du matin pour chercher de l’eau, mais nous espérons que les programmes seront prêts et, dans ce cas, il y aura de l’eau au plus vite à la mi-juillet. Il y a 11 forages à Tassette prévus fin août. On sera ensuite à Dieudeum pour terminer la deuxième phase. Tout compte fait, on aura 92 000 m3/j. Avec tout cela, il n’y aura plus de problème d’eau à partir de septembre. Nous y travaillons 24 heures/24.’’

Forages dédiés

‘’Pour renforcer la production, nous avons aussi lancé (jeudi 12 juillet) la réalisation de 3 forages, l’un à Dieuppeul, l’autre à la cité Tobago et l’autre destiné à renouveler le forage de Nord Foire qui ne fournit pas assez de volume pour augmenter la puissance. L’importance de ces trois unités, c’est qu’il s’agit de forages dédiés. A Nord Foire, même si le forage a un faible débit, il a permis au quartier d’avoir de l’eau 24 heures/24, alors que la population est restée 10 ans sans eau. Les forages de Dieuppeul et de Tobago permettent de soulager des zones comme Sicap, Liberté, Ben Tally, Niary Tally qui en auront 24 heures/24. A partir de ce moment, tout surplus d’eau  sera destiné aux Parcelles-Assainies et d’autres quartiers qui ont des problèmes d’eau présentement.

La situation est certes difficile, mais on savait qu’elle surviendrait ; c’est pourquoi les travaux ont commencé depuis 5 mois. Le problème est qu’on ne peut pas équiper un forage tant que les travaux ne sont pas finis, puisqu’à la fin, il peut sortir de l’eau non consommable. C’est ce qui nous est arrivé au lycée des Parcelles. Il y a là-bas un forage de 100 m3/heure, très productif. Malheureusement, l’eau qui y sort est ferrugineux. C’est pourquoi nous l’avons laissé en stand-by, en attendant de l’équiper. Ce qui n’est pas simple, puisque qu’il faut 1,5 milliard pour ça, mais on le fera.

Voilà, en gros, la problématique et les solutions en cours.’’

Une date précise ?

‘’C’est ce que je viens de dire. Bayakh a 5 forages, il est prêt, les équipements sont prêts, il reste juste les tuyaux. J’espère qu’il sera allumé lundi ou mardi. Il y aura 15 000 m3/j. On prend 10 000 m3/j chez les maraichers, ils seront déconnectés lundi ou mardi. Ça fait 25 000 m3. Bref, d’ici le 20 juillet au plus tard, tout cela sera disponible. On travaille aussi à Keur Momar Sarr et on espère terminer dans 4 à 5 jours. On va donc démarrer la 4e pompe pour avoir un volume supplémentaire. C’est ce que nous avons comme programme dans ce mois de juillet. Au mois d’août, ce sont les forages de Tassette déjà terminés. On attend les équipements. L’entreprise s’est engagée à installer les équipements d’ici fin août. De là, il y aura 25 000 m3 qui seront rejetés au réservoir de Thiès pour alimenter Dakar. C’est le deuxième point de l’agenda. Le troisième, c’est septembre. Il y aura 5 ou 6 forages pour la deuxième phase de Bayakh et de Dieudeum. Il y a aussi une usine de déferrisation à Sébikhotane. D’après la planification de l’entreprise en charge des travaux, l’ouvrage sera prêt en septembre-octobre. Si on réunit tout cela, il n’y aura plus de robinet qui n’aura pas de l’eau 24 heures/24.

Cependant, il faut savoir aussi que ce sont des aspects techniques. Nous avons nos planifications, nous avons les assurances des entreprises, mais il peut y avoir des aspects techniques que nous ne maîtrisons pas. Nous prions Dieu pour que l’agenda soit respecté.’’

Émergence et manque d’eau

‘’C’est parce qu’au départ, le Sénégal avait un problème de planification, mais maintenant, on a planifié. Il y a Kms3 et l’usine de dessalement de l’eau de mer. Si tout cela marche, d’ici 2035, Dakar n’aura plus de problème d’eau. Nous faisons des projets structurants, avec beaucoup d’investissements, 500 milliards. En dehors de Dakar, il n’y a que Foundiougne et Kédougou qui connaissent des problèmes d’eau. On essaie de trouver une solution à ces deux villes pour un budget de 5 milliards.’’

Mesures palliatives en attendant     

‘’Nous avons mis en place un dispositif de camions. Plus de 85 camions circulent dans les zones impactées. Hier (mercredi) le président a donné des instructions pour l’achat de 50 autres camions. Ce sera fait dans les meilleurs délais. Mais nous voulons en finir avec les camions et autres solutions. Nous voulons que l’eau coule du robinet 24 heures/24. Je ne serai content que quand tout le monde aura de l’eau en permanence. A partir de la semaine prochaine, je ne dirais pas que toutes les maisons auront de l’eau, mais certains qui n’en disposent pas en seront pourvus. C’est vrai que la chaleur s’est installée très tôt et que la population de Dakar s’accroît de plus en plus. Vous ne pouvez pas savoir combien Rufisque est peuplée. Il y a d’autres problèmes. Nous avions un programme de branchements sociaux. Il y avait des foyers qui avaient des difficultés pour s’abonner, parce qu’il fallait payer 85 000 F Cfa. Avec les programmes sociaux, il y a eu 40 000 branchements sociaux, ça fait 400 000 personnes, c’est un volume d’eau important. Ça a impacté d’autres. Mais je préfère fournir de l’eau à certains pendant 12 heures et d’autres pour la même durée que de donner à une partie de l’eau 24 heures/24 et laisser les autres. Ce choix a accentué le déficit, mais avec les solutions annoncées, on espère que ce sera bientôt un mauvais souvenir.’’

Des factures en dépit des pénuries

‘’Je reste convaincu que les factures présentées, c’est de l’eau consommée. S’il n’y a pas d’eau, il ne peut y avoir de facture. Si le compteur a des problèmes, il faut saisir la Sde qui prendra les dispositions nécessaires.’’

Niveau d’avancement pour le projet de dessalement ?

‘’Actuellement, nous avons fait les pré-qualifications : 4 entreprises sont présélectionnées. On se prépare à leur envoyer les dossiers d’appel d’offres. On espère que d’ici fin décembre-janvier, l’entreprise adjudicataire sera connue et que les travaux vont démarrer pour une durée de 24 mois. On attend cette eau à fin 2020, mi-2021. Actuellement, nous avons 360 000 m3 d’eau. On va y ajouter 300 000 autres. Cela veut dire que la production va doubler. La population ne va pas doubler, d’ici là. Cela veut dire que la fourniture d’eau sera suffisamment sécurisée. Ceux qui viendront au pouvoir auront le temps d’investir dans le secteur.’’

‘’Robinets Macky Sall’’

Avec la pénurie d’eau sévère que vivent actuellement plusieurs quartiers de Dakar, des bornes-fontaines ont été installées dans certaines zones pour permettre aux populations de trouver le liquide précieux. Ces points d’eau ont été baptisés ‘’Robinets Macky Sall’’ par les Dakarois. Même si le dispositif permet de trouver un peu d’eau, la corvée est  difficile. Il faut être patient, car la file est généralement longue.

BABACAR WILLANE (Avec T’es de Dakar)

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