Les milliardaires restent discrets
Dans une étude intitulée « Marchés émergents, les nouveaux créateurs de richesse », la publication américaine Forbes, en association avec Société générale Private Banking, analyse 250 fortunes nées dans les pays émergents. Le rapport souligne la discrétion dont font preuve les Africains les plus fortunés à propos de leur patrimoine. Une discrétion qui va de pair avec une perception encore mitigée de la part de la population quant à la façon dont ces fortunes ont été bâties.
La croissance économique favorise le développement de fortunes et l'Afrique n'échappe pas à la règle. À ce jour, la liste des milliardaires établie par Forbes, où figurent les 1 226 premières fortunes mondiales, ne compte encore que 16 Africains. Mais, soulignent les auteurs d'une étude publiée par Forbes en partenariat avec Société générale Private Banking, il y a tant de fortunes en devenir sur ce continent que Forbes publie déjà une liste des 40 Africains les plus riches : « En 2012, ces 40 fortunes africaines totalisaient 72,9 milliards de dollars, soit une progression de 12% ». Il faut un patrimoine d’au moins 400 millions de dollars pour figurer dans cette liste.
Selon le rapport de Forbes, il y aurait une cinquantaine de « grandes fortunes » en Afrique, concentrées dans les pays comme l’Angola, l’Égypte, le Kenya, le Nigeria, l’Afrique du Sud, la Tanzanie, l’Ouganda et le Zimbabwe. La moyenne de ces fortunes est de 1,5 milliard de dollars et leurs détenteurs sont massivement de sexe masculin : 96%. Mais 82% d’entre eux sont des self made men.
Transparence et perception
L’étude note cependant la discrétion dont font preuve les Africains les plus fortunés à propos de leur patrimoine. Elle attribue une note de transparence, comprise entre 0 et 10, à chacune des zones observées ainsi qu’une note de perception de ceux qu’elle appelle les « créateurs de richesse », deux appréciations corrélées. Mieux les populations perçoivent les plus fortunés, plus ces derniers révèlent facilement l'étendue de leur patrimoine.
Les notes de respectivement 3,8 (transparence) et 4,1 (perception) attribuées à l’Afrique sont relativement basses, ce qui s’explique selon l’étude « à la fois par l’origine de ces fortunes et par l’histoire économique et politique du continent ». L’Afrique du Sud se distingue par certaines notes parmi les plus élevées du continent, particulièrement en termes de transparence. Sans elle, le total des notes africaines serait sensiblement plus bas.
Politico-économique
En Afrique, la perception des relations entre le monde des affaires et le monde politique conditionne également l’attitude à l’égard des grandes fortunes. Sudhir Ruparelia, PDG du Ruparelia Group, l’un des plus grands conglomérats privés en Ouganda, est à la tête d’une fortune de quelque 900 millions de dollars, ce qui le place au 18e rang des Africains les plus fortunés selon Forbes.
Pour lui, les sentiments de la population à l’égard des riches sont multiples. « Je suis persuadé qu’il y a ceux qui nous veulent du bien et ceux qui nous envient », dit-il. « Mais les Ougandais sont en général très entreprenants. Chez nous, la réussite matérielle est très acceptable et généralement bien considérée. »
Environnement social
Nul ne saurait échapper aux disparités économiques que connaît l’Afrique. Avec un patrimoine évalué à 975 millions de dollars, Stephen Saad, cofondateur du groupe Aspen, serait, d’après Forbes, à la tête de la 17e fortune d’Afrique. « Pour réussir, une stratégie commerciale se doit aujourd’hui de viser toutes les catégories de population et pas seulement les plus riches. Je pense qu’un créateur de richesse qui se contenterait de viser ce seul segment doit s’attendre à un accueil plus que mitigé », a-t-il confié à Forbes Insights.
Pour M. Saad, la situation est simple : « En Afrique, il est essentiel de trouver un équilibre entre la réussite commerciale et un réinvestissement au bénéfice de l’environnement social, si l’on veut que les choses soient perçues favorablement. »
Jeuneafrique