Publié le 6 Nov 2023 - 21:44
GRÈVE DES ENSEIGNANTS

L’école, entre la vie et la mort

 

Suite à l’annonce d’une journée ‘’école morte’’ le mardi 7 novembre 2023, la tutelle bande les muscles, les enseignants se radicalisent, tandis que les parents d’élèves se mobilisent pour que l’école ne meure pas.

 

‘’Une journée école morte’’. C’est le vœu du Cusems et du Saems qui ont décidé de paralyser le système en guise d’avertissement au gouvernement, demain mardi 7 novembre. Dans un communiqué publié en fin de semaine dernière, les deux syndicats du moyen secondaire invoquent, pour justifier leur mot d’ordre : la question des décisionnaires, les lenteurs administratives, les indemnités et la carrière des chefs d’établissement, la formation diplômante, les enseignants en prison, entre autres motifs. La réaction du ministère de l’Éducation nationale n’a pas tardé.

Dans un communiqué parvenu à ‘’EnQuête’’, hier, la tutelle invite à la responsabilité, non sans brandir des menaces. ‘’… Le gouvernement reste déterminé à faire respecter les dispositions susvisées (la réglementation sur le droit de grève) et à s’opposer à toutes les tentatives de déstabilisation de l’école pour des motifs inavoués. Les fortes mesures prises dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord du 26 février 2023 démontrent, s’il en était besoin, l’intérêt que le gouvernement accorde à l’école, en général, à la revalorisation de la fonction enseignante, en particulier. Aussi, il en appelle à plus de responsabilités de la part de tous les enseignants et à leur sens de la mesure et du dialogue pour un espace scolaire apaisé, pour la construction d’une école de la réussite, d’une école équitable pour tous et pour toutes’’.

À en croire Cheikh Oumar Hann, ces appels à la grève sont contraires à la réglementation. Le ministère invoque deux violations principalement : le non-respect du préavis et des motivations politiques. ‘’Ceux qui cessent le travail en violation des dispositions de l’alinéa précédent (les alinéas 7 et 8 de l’article 7 de la loi 61-33 du 15 juin 1961 portant statut général des fonctionnaires) peuvent immédiatement subir toutes sanctions disciplinaires, sans bénéficier des garanties prévues par les articles 46 et 51 de la présente loi. Il en est de même si la cessation du travail, même intervenant à l’expiration du délai d’un mois prévu au 6e alinéa du présent article, est fondée sur des motifs politiques et non pas sur des motifs professionnels’’.

Dans tous les cas, menace Cheikh Oumar Hann, le département prendra, en toute responsabilité et toute rigueur, les dispositions idoines pour assurer le déroulement correct de l’année scolaire.

Prêt à en découdre, le communiqué précise : ‘’Le gouvernement se réserve le droit de revenir dans l’immédiat sur ses engagements qui ont déjà couté 250 milliards de francs CFA au contribuable sénégalais, en cas de violation par la partie syndicale des termes de l’accord sans préalable.’’

L’État brandit des sanctions et un possible retour sur les accords

Du côté des syndicalistes, on botte en touche l’accusation. En ce qui concerne le non-respect du délai de préavis, le secrétaire général du Cusems rétorque : ‘’Nous, nous avons un préavis qui court jusqu’au mois de décembre. Lequel a été déposé l’année dernière, plus précisément le 12 décembre. Il court donc jusqu’au 12 décembre prochain. Le préavis dont nous avons parlé lors de notre conférence de presse (la semaine dernière) c’est pour l’année qui va venir. Ce ne sont pas à des organisations majeures comme le Cusems et le Saems qu’on va apprendre que la grève est encadrée. Par rapport aux menaces, nous ferons face.’’

De l’avis de Ndongo Sarr, les enseignants ont tout fait pour ne pas en arriver à cette situation, mais c’est la tutelle qui n’a rien fait. ‘’Nous aurions bien aimé que le ministre nous dise quels  sont les termes de l’accord que nous n’avons pas respectés. Nous avons tout fait pour ne pas en arriver à une situation de paralysie. Les 16 et 17 décembre, nous avions tenu un conseil syndical national lors duquel nous avons dit de manière très claire qu’il y avait des préalables à satisfaire pour aller vers une année apaisée. Personne ne nous a écoutés’’, dénonce Ndongo Sarr.

Avant de regretter la posture va-t-en-guerre de la tutelle : ‘’Ce que nous attendions de la tutelle, c’est de s’intéresser aux points de revendication, plutôt que de s’attarder sur des questions de forme. Ce que nous attendons, c’est le respect des engagements et non des menaces…’’

S’il y a un point de crispation qui revient en premier dans le propos du SG du Cusems, c’est la question des détenus. Ndongo Sarr ne met pas de gants pour se prononcer sur la question. ‘’L’année dernière, souligne-t-il, nous nous sommes battus contre ces dérives liberticides qui font qu’aujourd’hui nombre d’enseignants, d’élèves et d’étudiants sont arbitrairement détenus dans les prisons. Nombre d’entre eux, on leur reproche l’exercice de libertés consacrées par la Constitution. Certains ont été libérés après sept mois de détention, sans jugement, sans rien du tout. L’année dernière, quand on a discuté avec le ministère de l’Éducation, il était convenu que tous ceux qui sont détenus pour des délits d’opinion ou des participations à des marches devaient être libérés. Il n’en est absolument rien.’’

À la question de savoir s’ils ne craignent pas d’être accusés de se battre pour des questions qui n’ont rien à voir avec l’école, il répond : ‘’Ceux-là qui déstabilisent notre école, ce sont ceux-là qui arrêtent arbitrairement des enseignants et privent nombre d’élèves de ce pays du droit à l’éducation qu’ils sont prompts à nous rappeler. Ce sont eux qui signent des accords et qui ne les respectent pas. Il faudrait qu’on soit sérieux.’’

Nongo Sarr, SG Cusems : ‘’Nous avons un préavis déposé le 12 décembre 2022 et qui court jusqu’au 12 décembre prochain.’’

Président de l’Union nationale des parents d’élèves et étudiants du Sénégal (Unapees), Abdoulaye Fané regrette cette détérioration de la situation de l’école. D’emblée, M. Fané a tenu à fustiger la non-convocation du Comité de suivi des accords depuis plusieurs mois, alors que c’est l’instance qui doit permettre des concertations permanentes.

Sur la décision de décréter une école morte, le parent d’élève marque sa désolation. ‘’Nous ne pouvons pas cautionner une école morte. Eux-mêmes n’ont pas intérêt à une école morte, puisqu’ils vivent de cette école. Aussi, nous pensons que le contexte n’est vraiment pas opportun pour déclencher une grève. Cela risque de porter préjudice à l’école, aux élèves et aux parents. Nous leur demandons de revenir à la raison. Même s’il y a des revendications légitimes, le contexte n’est pas favorable pour fermer l’école’’, plaide M. Fané.

Le président de l’Unapees est également revenu sur l’accusation selon laquelle il n’y a pas eu de préavis. ‘’S’il n’y a pas de préavis qui a été déposé, je pense que le gouvernement doit prendre ses responsabilités, prendre des sanctions si c’est nécessaire. Nous sommes quand même dans un pays organisé ; un préavis doit être déposé un mois avant’’, a-t-il clamé, avant d’insister sur l’exigence absolue de respecter les accords de la part de toutes les parties.

Selon les parents d’élèves et d’étudiants, il faut reconnaitre que des efforts importants ont été faits, même s’il reste des questions importantes comme le dossier des décisionnaires. ‘’Il faut convoquer le Comité de suivi des accords pour adresser ces questions’’, insiste Abdoulaye Fané.

Sur cette question du respect des accords avec la menace du gouvernement d’y revenir si la partie syndicale ne respecte pas ses engagements, voici la réaction du secrétaire général du syndicat : ‘’Il faudrait que les autorités s’assument. Si elles ont signé des accords avec les bailleurs dont la contrepartie est le retour à l’ajustement structurel, elles n’ont qu’à l’assumer au lieu de chercher des prétextes. On a déjà vu qu’ils opèrent des hausses tous azimuts des prix ; si parmi les contreparties il y a également la diminution des salaires, ils n’ont qu’à l’assumer.’’

MOR AMAR

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