Publié le 9 Feb 2020 - 00:05
HOMMAGE A CHEIKH ANTA DIOP

Des intellectuels plaident l’introduction de ses œuvres dans les curricula

 

L’université Cheikh Anta Diop de Dakar célèbre son parrain durant tout le mois de février. Ses disciples ont ainsi profité, hier, du lancement des festivités d’hommage à l’ancien égyptologue, pour plaider l’introduction de ses œuvres dans le système éducatif sénégalais.

 

L’œuvre de Cheikh Anta Diop, bien que disponible sur le marché, reste encore inconnue de beaucoup de jeunes. Ainsi, même à l’université de Dakar qui porte son nom, beaucoup d’étudiants ignorent encore l’œuvre de leur parrain. Et pour corriger cette situation, les intellectuels et universitaires ont plaidé, hier, à l’occasion des festivités d’hommage de l’anniversaire du décès du professeur Cheikh Anta Diop, l’introduction de ses œuvres dans les curricula.

D’ailleurs, le dernier panel organisé dans l’après-midi, à la suite de la cérémonie officielle, a permis de revisiter l’apport de l’œuvre de Cheikh Anta dans la renaissance africaine.

Les panelistes se sont d’abord penchés sur la place de l’œuvre de l’égyptologue dans l’enseignement et regretté, à l’unanimité, l’absence des écrits de Cheikh Anta dans les curricula au Sénégal. En effet, que ce soit dans le secondaire ou le supérieur, les livres du fondateur de l’Institut fondamental d’Afrique noir (Ifan) sont absents du système. Pire, même à l’université qui porte son nom, peu d’étudiants maitrisent le parcours et l’œuvre de leur parrain. Les étudiants ont été, à cet effet, les premiers à plaider l’introduction de ses œuvres dans le curricula de l’enseignement.

En outre, étudier Cheikh Anta Diop, c’est aussi la pratique de son idéologie africaniste qui prône l’émancipation linguistique du continent. Sur ce registre, il a été question de l’apport des langues africaines dans la promotion du développement du continent, comme le conseillait le parrain de l’université de Dakar.

Ainsi, s’inspirant de la thèse de l’égyptologue selon laquelle aucun pays ne peut se développer dans une langue étrangère, le Pr. Babacar Diouf a insisté, dans sa communication, sur la nécessité de revoir le statut des langues africaines dans les systèmes éducatifs. Selon lui, conformément aux idées du Pr. Diop, les Africains gagneraient à promouvoir leurs langues, dans leur quête de l’émergence du continent.

‘’Aucun pays ne peut se développer avec la langue de l’autre. Il faut d'abord maîtriser sa langue pour s’approprier celle de l’autre. Malheureusement, le paradoxe africain est qu’on ne maitrise ni nos langues nationales ni le français, car quand on est en retard dans sa propre langue, cela a forcément des conséquences dans la pratique de la langue d’autrui. Il faut apprendre nos langues pour mieux parler le français’’, estime l’ancien directeur des Langues nationales.

Il regrette, dans la même veine, la différence d’appréciation qui existe dans nos pays qui fait que le français est souvent valorisé et les langues nationales dépréciées. ‘’Le drame est que le français est devenu la langue hégémonique. Il faut discuter du statut de nos langues à l'école. Depuis 1816, nous sommes à des phases d’expérimentation. Ça suffit ! Il faut penser maintenant à leur intégration définitive dans le système’’, clame M. Diouf.

Cheikh Anta Diop et le féminisme

Qu’en est-il de la place de la femme dans les écrits de Cheikh Anta ? Ce thème a été abordé par Awa Bocar Ly Tall, initiatrice des Journées de Cheikh Anta Diop au Canada. Féministe de premier rang, cette Sénégalaise vivant au Canada s’est inspirée des œuvres de l’égyptologue pour redéfinir le féminisme.

Pour elle, il y a une dimension très peu connue des écrits de l’historien égyptologue qui est sa contribution dans le féminisme. Ainsi, en étudiant en profondeur les œuvres du Pr. Diop, Awa Bocar Ly Tall a pu retracer l’histoire du féminisme africain pour conclure que l’Africaine est la mère de l’humanité. Elle développe l’idée dans son nouvel ouvrage intitulé ‘’De la reine de Saba à Michelle Obama’’.  Elle y montre que la condition de la femme n'est pas une idée venue de l'Occident. Elle découle plutôt des ancêtres africains.

ABBA BA

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Frapp/Ucad vulgarise l’œuvre de Cheikh Anta

Hier, marquait le 34e anniversaire du décès de Cheikh Anta Diop. La section Frapp de l’université Cheikh Anta Diop n’a pas voulu être en reste. Les étudiants ont distribué des flyers à leurs camarades.

En marge de la conférence commémorative du 34e anniversaire du rappel à Dieu de Cheikh Anta Diop, organisée par le Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud), le Front pour une révolution anti-impérialiste populaire et panafricaine (Frapp) a organisé une distribution de flyers, sur initiative personnelle. Pour ce mouvement, Cheikh Anta est un symbole panafricain de l’anti- impérialisme. D’où la résolution, selon Mohamed Cissé, membre de Frapp, de participer à l’hommage rendu à ce grand et illustre homme.

‘’Notre activité s’inscrit dans une logique citoyenne. Cheikh Anta est une référence dans le pays, pour l’ensemble de son œuvre. C’est un savant dont les écrits peuvent constituer une base d’amorce et d’inscription durable dans le développement, s’ils sont bien exploités’’, pense-t-il.

Une manière, pour lui, de souligner l’œuvre colossale et la portée de l’homme. ‘’C’est ce qui explique notre initiative d’aller vers nos camarades, en cette journée symbolique, pour discuter avec eux dans le dessein de mieux faire connaitre l’auteur de ‘Nations nègres et culture’’’, ajoute-t-il.

Ces étudiants se sont rendu compte que beaucoup de leurs camarades ne connaissaient pas vraiment le parrain de leur université. Ils déplorent cela et ont décidé de participer à vulgariser, de manière modeste, l’œuvre de Cheikh Anta, avec cette distribution de flyers. Ils pensent pouvoir faire connaitre cet homme de valeur et sa production écrite inestimable.

Ainsi, dans le document produit par les jeunes panafricanistes exprès pour ce 7 février, figurent le cursus du ‘’Pharaon noir’’ ainsi que sa bibliographie complète. De plus, ils ont détaillé son parcours politique, dans lequel est rappelé son refus de siéger à l’Assemblée nationale, à cause de l’ampleur des fraudes constatées à l’issue des Législatives de 1983.

‘’Arrachez votre patrimoine culturel’’

En outre, ce mouvement qui a révélé Guy Marius Sagna, loin de ne s’inscrire que dans la contestation, comme beaucoup le croient, est teinté d’une volonté d’éveil de la conscience citoyenne. En atteste la maxime de l’enfant de Thieytou, en gras ou surlignée dans leurs flyers aux allures de message fort qui pourrait résumer leur combat : ‘’À formation égale, la vérité triomphe. Formez-vous, armez-vous de sciences jusqu’aux dents (...) Arrachez votre patrimoine culturel.’’

 Le Frapp s’inspire des grands hommes qui ont lutté pour le Sénégal, qui l’ont fait avancer par leurs actions. Dans le but de les promouvoir et de s’inscrire dans leurs actions. Cheikh Anta était l’un d’entre eux. Il aimait le Sénégal. Il luttait contre les injustices, surtout celles intellectuelles, avec, en toile de fond de sa lutte, l’acquisition d’une indépendance intellectuelle pour le continent africain. ‘’C’est dans ce combat que nous nous inscrivons, dans le but d’accéder à une souveraineté réelle, comme celle prônée par Frantz Fanon, qui professait que chaque génération a une mission ; soit elle la remplit, soit elle la trahit’’, déclare Mohamed Cissé.

Sur les raisons de la tenue de cette activité en marge du programme du Coud, Abdoulaye Seck, Coordonnateur de Frapp/Ucad, déplore leur non inclusion. Au sein de cette université, existent, de manière formelle, plusieurs associations panafricaines. Même si le Coud ne peut pas toutes les rencontrer, il aurait pu impliquer certaines qui s’en réclament.

‘’Pour la tenue de nos activités, nous envoyons des lettres au Coud et à l’université. Par conséquent, ils ont connaissance de nos activités. Eu égard à cela, nous pouvions être impliqués pour discuter de la manière d’organiser ces conférences, afin de faciliter l’implication de tous les étudiants. Cela aurait évité le spectacle que nous constatons, voir les étudiants en train de vaquer à leurs occupations. Beaucoup ignorent le programme qui doit imminemment démarrer (Ndlr : la conférence inaugurale sur le legs de Cheikh Anta Diop à la jeunesse africaine)’’, peste le coordonnateur.

MAMADOU DIALLO (STAGIAIRE)

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