Publié le 25 Feb 2023 - 19:27

Il y a un an, débutait l’invasion de l'Ukraine

 
 
Il y a un an, le jeudi 24 février 2022, le président russe Vladimir Poutine lançait l’offensive contre l’Ukraine, et secouait tout le continent européen. Ce 24 février 2023, RFI consacre - en direct de Kiev - une journée spéciale à la situation en Ukraine.
 
Il y a 365 jours exactement, les Ukrainiens se réveillent sous les bombes. Le jeudi 24 février 2022, peu avant 3h du matin (TU), le président russe Vladimir Poutine prononce ces mots lors d’une allocution officielle télévisée : « J’ai décidé de mener une opération militaire spéciale » en Ukraine. Comme justification énoncée, la « démilitarisation et dénazification » du pays voisin. Puis, en s’adressant directement aux militaires ukrainiens, Vladimir Poutine les appelle à « déposer les armes ».
 
Depuis plusieurs semaines déjà, les renseignements occidentaux alertaient des mouvements des troupes russes à la frontière avec l’Ukraine. C’est à ce sujet que le Conseil de sécurité de l’ONU est justement réuni quand Vladimir Poutine prend la parole. Le chef de l'ONU, Antonio Guterres, réclame alors l’arrêt immédiat du conflit. L'ambassadeur de France, Nicolas de Rivière, dénonce quant à lui « le mépris » affiché par la Russie à l'égard des Nations unies.
 
Attaques répétées
 
Dans le même temps, aux alentours de 3h30 du matin, des explosions retentissent dans le centre de Kiev et dans plusieurs villes de l’est du pays, notamment à Marioupol. Au petit matin, des caméras de surveillance filment des chars à la frontière. L’Ukraine certifie alors avoir abattu des avions et des hélicoptères russes. Tandis que l’armée russe affirme, elle, avoir détruit les systèmes de défense anti-aérienne ukrainiens et ne viser que leurs sites militaires. L'ambassadeur de Russie à l'ONU, Vassily Nebenzia, l’assure devant le Conseil de sécurité de l’ONU : « Nous ne sommes pas agressifs envers le peuple ukrainien, mais envers la junte au pouvoir à Kiev. »
 
En quelques heures, le président ukrainien Volodymyr Zelensky endosse le rôle de chef militaire et surprend le monde entier par sa réactivité, lui dont l’image d’ancien comédien collait à la peau. Il rompt ses relations diplomatiques avec Moscou, impose la loi martiale et décrète la mobilisation générale. « Pas de panique, nous allons vaincre », martèle-t-il dans une adresse à la nation dès le début de l’offensive, la première d’une longue série d’allocutions.
 
Il est 7h du matin. Près de Kharkiv, ville du nord-est également visée par de lourds bombardements, les deux armées s’affrontent déjà. Dans la capitale, une foule d’Ukrainiens se réfugie dans les métros, pour se mettre à l’abri des bombes ou tenter de quitter la ville. Les bouchons se forment aux sorties des villes. « Les stations-services sont littéralement prises d'assaut par les automobilistes. De longues files d'attente se sont formées sur la route qui relie Marioupol à Zaporijjia », raconte ce jour-là notre envoyée spéciale, Anastasia Becchio.
 
Denis Strelkov, l'envoyé spécial de la rédaction de RFI en russe à Kiev, décrit, quant à lui, un « silence absolu, presque mortel » dans le centre-ville totalement vidé de la capitale.
 
Indignation internationale
 
Ce jeudi 24 février 2022 défile à toute vitesse. Les chaînes d’information du monde diffusent en boucle les images des frappes aériennes. Tout au long de la journée, des milliers de manifestants protestent dans de nombreux pays contre l’invasion russe. Au même moment, la Russie annonce gagner du terrain dans le Donbass, à l’est, alors que les premiers Ukrainiens s’enfuient vers la Pologne ou la Moldavie. Vers 16h, l’aéroport militaire d'Hostomel, au nord de Kiev, tombe aux mains de l’armée russe. Un peu plus tard, c’est au tour de la centrale de Tchernobyl d’être contrôlée par la Russie. Mais contre toute attente, l’armée ukrainienne tient le choc et résiste.
 
Alors que les combats s’éternisent et que les forces terrestres russes pénètrent le pays, les réactions internationales pleuvent : l’Otan condamne une « une attaque téméraire et non provoquée » de la part du Kremlin, le président américain Joe Biden affirme que « le monde exigera des comptes de la Russie », Moscou risque « un isolement sans précédent » d'après le chef de la diplomatie européenne à Bruxelles, Josep Borrell. De nombreux chefs d’État à travers le globe s’indignent publiquement à tour de rôle, et apportent leur soutien à l’Ukraine. Emmanuel Macron évoque quant à lui un « tournant de l'histoire de l'Europe » tout en assurant : « Nous serons sans faiblesse et nous répondrons avec sang-froid. »
 
À 8h, dès leur ouverture, les bourses s’effondrent. Le cours des matières premières s’envole, le prix du blé atteint des niveaux inégalés, avec un pic à 344 euros la tonne.
 
Dans l’après-midi, le Conseil de l'Europe convoque une « réunion extraordinaire » de son Comité des ministres. À 20h30, un premier paquet de sanctions « massives » contre Moscou est adopté par l’Europe, mais aussi par les États-Unis ou le Canada, visant des banques, le secteur de l’énergie et des proches du pouvoir russe. Le soir, Kiev implore la communauté internationale d’« agir immédiatement » dans un communiqué.
 
À la fin de cette journée historique, le bilan humain est déjà lourd. Volodymyr Zelensky évoque 137 morts et plus de 300 blessés à travers le pays. La guerre est lancée. 
 
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KIRILL MARTYNOV:

«Poutin​e sait que s'il perd la guerre, il perd aussi le pouvoir»

Le journal indépendant russe Novaïa Gazeta, créé par le prix Nobel de la paix Dimitry Muratov, a été bloqué par le Kremlin et ne peut plus publier en Russie depuis la promulgation d’une nouvelle loi sur les médias qui punit toute diffusion d’information « mensongère ». Rencontre avec Kirill Martynov, rédacteur en chef de Novaïa Gazeta Europe, exilé à Riga depuis le début de la guerre en Ukraine avec une partie de sa rédaction.

En tant que média indépendant, vous vivez depuis déjà de nombreuses années sous une pression permanente du Kremlin. Comment les choses se sont-elles précipitées en février 2022 ?

Kirill Martynov : Dès les premiers jours de la guerre, nous savions que nous avions très peu de temps. Mais pour nous, il était important de pouvoir soutenir l’Ukraine, de raconter et de donner un nom à tout ce qu’il se passait là-bas. Notre première parution après le début de la guerre est parue le 25 février et nous avions décidé de faire deux éditions, l’une en russe et l’autre en ukrainien, en signe de soutien. Notre titre à la une était assez simple : « La Russie. Bombarde. L’Ukraine »En y réfléchissant aujourd’hui, cette guerre à large échelle envers l’Ukraine semble toujours aussi impensable. En Russie, dès la deuxième semaine du conflit, il était interdit de parler de « guerre », et un discours officiel se mettait en place. Nous n'avions accès qu’aux communiqués officiels du ministère de la Défense russe qui n’étaient qu’un tissu de mensonges. Une loi est passée contre ceux qui ne suivraient pas cette rhétorique, avec à la clé des peines pouvant aller jusqu’à dix ans de prison.

Vous avez été labellisé « agent étranger » par le Kremlin, tout comme de nombreux autres journalistes russes.

Je pense que nous représentions un danger pour Vladimir Poutine et ses soutiens. Car plusieurs dizaines de millions de personnes en Russie avait accès à nos publications et il y avait cette crainte que l’opinion publique ne soutienne plus la guerre.

Assez vite, nous avons compris que nous avions plusieurs options : être silencieux, aller en prison, ou fuir. Nous avons choisi la troisième option.

J’ai été le premier à partir début mars 2022. Le journal à ce moment-là continuait à fonctionner. Mais il fallait aller vite car nous n’étions plus en sécurité. Mon plus grand souci était de trouver des visas pour mes journalistes car après la pandémie de Covid-19, il était difficile de rejoindre l’Europe. La Lettonie nous a ouvert les bras en nous offrant plusieurs dizaines de visas très rapidement pour nous et nos familles et je pense que nous n’oublierons jamais cette solidarité dans un moment si difficile. Le gouvernement letton a aussi ses propres raisons : le pays a une population russophone très importante qui est la cible de la propagande de l'État russe et il faut leur permettre l’accès à une information indépendante. Nous avons donc déménagé à Riga. Nous sommes à seulement quelques centaines de kilomètres de la Russie. J’ai réalisé récemment qu’il était très facile de rouler en voiture quelques heures pour atteindre la Russie et me retrouver en prison. C’est un sentiment très étrange pour moi.

Est-ce que vous vous sentez en sécurité à Riga ?

Comparé à la Russie, nous nous sentons très en sécurité. Vous savez, quand vous vivez plusieurs années sous pression permanente, que vous recevez des menaces, quand vos journalistes sont arrêtés et agressés physiquement et que vous vous attendez à tout moment à ce que l’on fouille votre appartement, l’Union européenne ressemble à un havre de paix. Et vous réalisez que si vous appelez la police, elle ne viendra pas vous arrêter comme c’est le cas en Russie.

Mais je pense que c’est illusoire. Si les autorités russes ont le pouvoir de fermer notre journal en toute légalité, s’ils sont capables d’interdire certains médias avec la législation sur les « agents étrangers », je pense que la prochaine étape peut aller jusqu’à cibler directement les journalistes, car les Russes ont beaucoup de ressources en Europe et nous devons nous tenir prêt à affronter cela.

Est-ce que la majorité des Russes soutient cette guerre ?

La majorité des Russes accepte cette guerre car ils n’ont aucune envie d’être impliqués dans la vie politique du pays. Ils se disent qu’il y a sûrement une bonne raison pour que la guerre ait été déclenchée. Mais en même temps, je suis sûr que les Russes n’ont jamais voulu cette guerre. Car il n’y a jamais eu de manifestations citoyennes en faveur d’un conflit armé.

Ce qu’il est important de souligner c’est que malheureusement beaucoup de Russes ne cherchent pas de sources indépendantes d’information. Cela demande bien sûr des aptitudes techniques et un certain sens critique. Mais je pense que les gens ne préfèrent rien savoir, c’est précisément ce que souhaite la propagande russe. Moscou a bloqué plus de 300 médias russes depuis le début de la guerre en Ukraine. Et vous imaginez bien que le reste de l’information en Russie est totalement contrôlée par l’État. Ces médias « officiels » ne peuvent pas critiquer le président russe, ni la guerre et sont incapables de délivrer une information viable. Nous passons donc par le canal YouTube pour atteindre nos lecteurs en Russie.

Comment pensez-vous que cette guerre puisse se terminer et est-ce qu’il est encore possible de négocier avec Vladimir Poutine ?

Les Russes savent que la négociation est toujours une meilleure solution que la guerre. Mais je ne vois pas comment il est possible de parler avec Vladimir Poutine car le président russe pense qu’il contrôle encore la situation sur le terrain. Et il y a un enjeu politique : il sait que s’il perdait la guerre, il perdrait aussi le pouvoir. Mais s’il y avait la possibilité pour négocier, il faut comprendre qu’il n’y aura de la part de la Russie que des mensonges et un discours de propagande pour justifier cette guerre. Et ce que nous pouvons attendre de mieux, c’est une pause dans le confit, avant une nouvelle guerre ou de nouvelles provocations de la part du Kremlin.  

Et donc malheureusement, je pense que la seule manière d’obtenir la paix est de montrer aux autorités russes qu’ils n’ont pas d’autres choix que de perdre cette guerre. Novaïa Gazeta sur internet

 
RFI 

 

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