La capitulation de l’UMS !
En Assemblée générale samedi dernier à Saly, les magistrats ont oublié les grandes réformes pour une justice plus indépendante.
Exit les questions comme l’indépendance de la justice. Place aux luttes pour l’amélioration des conditions de travail des magistrats. À l’occasion de l’Assemblée générale de l’Union des magistrats sénégalais, tenue ce week-end à Saly, Ousmane Chimère Diouf et Cie ont plus parlé de leurs conditions que de l’indépendance de la justice. Un magistrat se défend et explique le changement de paradigme. ‘’L’acharnement de l'ancien bureau sur la question de l'indépendance (de la justice) nous a plus desservis. En fait, nous demeurons des fonctionnaires employés par l'État qui est garant de nos conditions de travail. Lesquelles sont consubstantielles à une justice digne de ce nom... Aujourd'hui, beaucoup de juridictions, surtout de l'intérieur du pays, fonctionnent très difficilement. Voilà, entre autres problèmes qui nous interpellent’’, lance notre interlocuteur.
Ainsi, la rupture semble définitivement actée. Désormais, il ne faudrait pas attendre de l’UMS et des magistrats qu’ils soient en première ligne dans la lutte pour une justice plus indépendante. D’autant plus que, lors de ses différentes prises de parole, son actuel président a semblé tout mettre sur le compte de la responsabilité individuelle des uns et des autres. Un participant à l’Assemblée générale regrette cette posture. ‘’Le constat que tout le monde peut faire, c’est que l’indépendance n’est plus une priorité pour l’actuel bureau. Certains ont eu à peine à soulever la question lors de l’assemblée, mais sans que cela ne suscite le moindre enthousiasme. L’actuel président se plait, lui-même, à dire que c’est une question individuelle. Or, tout le monde sait que les choses sont bien plus profondes que cela. C’est même, à mon avis, la priorité des priorités dans ce pays. Tant qu’on ne réglera pas ce problème, on n’est pas à l’abri de certains conflits. C’est dommage qu’on l’ait relégué au second plan’’.
Question centrale sous le magistère de Souleymane Téliko, le débat sur l’indépendance de la justice devient ainsi de plus en plus marginal. Quand il ne se limite pas à de simples incantations sur la problématique, le bureau actuel de l’UMS l’aborde juste pour répondre à des interpellations y afférentes. En lieu et place, l’équipe de Chimère Diouf préfère mettre l’accent sur les conditions matérielles des membres de leur institution (voir ailleurs).
Au grand bonheur de la tutelle qui tient en la nouvelle équipe de vrais alliés de l’Exécutif, contrairement à celle dirigée à l’époque par Souleymane Téliko.
À en croire ce magistrat, c’est comme ça que les choses doivent se passer, entre la tutelle et les magistrats. ‘’Nous sommes obligés de travailler ensemble dans l’intérêt des magistrats et de la justice. Nous allons le faire dans le respect mutuel des droits et obligations de chaque partie’’.
Le garde des Sceaux et la tentative de ‘’décrédibilisation de l’institution judiciaire’’
Que vont alors devenir, dans ce contexte, les recommandations fortes des différents conclaves qui ont eu lieu et avaient mobilisé toutes les sommités du droit ? Qu’adviendra-t-il de la lutte des magistrats pour une gestion plus transparente de leur carrière ? Quid de la composition et du fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que tout cela n’est plus à l’ordre du jour. Le seul combat qui a survécu à l’équipe de Téliko, c’est celui relatif à l’harmonisation de la retraite. Si l’on sait qu’il sera difficile de revenir sur les 68 ans (âge de départ à la retraite pour les magistrats chefs de cours), l’on peut facilement comprendre que les magistrats vont militer en faveur de l’augmentation de l’âge de retraite pour tous.
Pour sa part, le ministre de la Justice garde des Sceaux, Maitre Malick Sall, a estimé que l’un des principaux défis de la justice, c’est de lutter contre les tentatives de décrédibilisation. ‘’Le principal défi auquel notre système judiciaire est confronté consiste à développer une stratégie permettant de faire face à l’œuvre de décrédibilisation de l’institution judiciaire savamment orchestrée par certains de nos citoyens mus par des desseins inavoués. Il est regrettable de constater, depuis quelque temps, que des individus malintentionnés se sont investis dans une entreprise de déconstruction de l’excellente réputation dont ont toujours bénéficié les magistrats sénégalais dans le monde entier’’, a affirmé le ministre de la Justice.
Mor AMAR
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VÉTUSTÉ DES JURIDICTIONS, BESOIN DE VOITURES DE FONCTION, MEILLEUR STATUT…
Les magistrats crient leur grand dénuement
Les magistrats font partie des mieux traités de l’État du Sénégal. Pourtant, ce corps, qui fait des envieux, ne manque pas de problèmes. C’est du moins ce qu’a fait savoir le président de l’Union des magistrats sénégalais, lors de son discours, à l’occasion de l’Assemblée générale ordinaire de son association tenue ce weekend à Saly Portudal. Un chapelet de problèmes a été égrené.
Les magistrats jouent un rôle fondamental dans le fonctionnement des juridictions du pays et dans la gestion des lois et règlements. Toutefois, selon le président de l’Union des magistrats sénégalais (UMS), ces hauts fonctionnaires ne sont pas en nombre suffisant à travers le territoire. Ousmane Chimère Diouf a évoqué cette situation, ce samedi, lors de la cérémonie d’ouverture de l’Assemblée générale ordinaire de l’UMS.
Dans ce cadre, le président de l’UMS fait savoir : ‘’Le constat à faire, après cet état des lieux, est qu’il y a un déficit à tous les niveaux. Au niveau des ressources humaines, le nombre total de magistrats avoisine celui de 510. Déjà, en 2017, pour une population de 15 millions d’habitants, les indicateurs étaient constitués d’un nombre de 3,30 et 3,36 magistrats pour 30 266 habitants et un magistrat pour 29 798 habitants.’’
Selon lui, ‘’la Direction des Services judiciaires avait, en son temps, élaboré un plan de recrutement de 30 magistrats par an qui devait permettre d’aboutir au nombre de 1 355 magistrats nécessaires pour une meilleure distribution de la justice. Ce plan n’a jamais été respecté’’. À cela s’ajoute la création de nouveaux cours d’appel et de tribunaux de grande instance et d’instance, la multiplication des chambres au niveau de la Cour suprême et les nombreux départs à la retraite posant encore une fois le débat sur l’harmonisation de l’âge de la retraite, et les cas de décès.
Budget insuffisant
‘’Au plan budgétaire, l’attention du chef de l’État a également été attirée sur le fait que les budgets octroyés aux juridictions ne permettaient pas leur bon fonctionnement. À ce titre, leur élaboration doit émaner, à titre principal, des chefs de juridiction utilisateurs de ces crédits. Au vu du déficit de matériel constaté dans certaines juridictions, nos investigations nous ont permis de constater que pour le budget de 2022, aucun franc n’a été prévu pour l’équipement et la réhabilitation des juridictions. Je dis bien 0 franc. Ce qui est incompréhensible’’, fulmine le président de l’UMS.
Sur cette lancée, souligne-t-il, ‘’l’état de délabrement de certaines juridictions comme le palais de Justice de Saint-Louis, entre autres, doit tous nous interpeller. Pour son image, la sécurité des acteurs et des justiciables, la justice ne doit pas être rendue dans ces conditions. L’autre exemple est le TGI de Mbour logée dans une maison conventionnée qui n’obéit donc pas aux normes requises pour abriter une juridiction. Et les cas similaires sont nombreux’’.
Avant de préciser : ‘’Notre pays est en retard dans la construction de juridictions. Aucune haute juridiction n’a effectivement été construite, à l’exception de la Cour des comptes qui a récemment pris possession de ses nouveaux locaux, et de la Cour d’appel de Dakar logée au palais de Justice.’’
De ce fait, s’interroge Ousmane Chimère Diouf, ‘’comment un pays comme le Sénégal peut-il ne pas construire une Cour suprême et un Conseil constitutionnel ?’’.
Toutefois, ajoute-t-il, ‘’nous nous réjouissons de l’enveloppe de 250 milliards prévue pour combler ce retard. Toutes les nouvelles créations doivent également être logées dans des édifices répondant aux normes. Nous saluons la livraison du bâtiment abritant le Centre de formation judiciaire avec toutes les modalités permettant ainsi une formation de qualité, ainsi que celui du TGI de Kaffrine’’.
Mais, poursuit-il, ‘’sur un autre chapitre, le bureau a constaté que les chefs de cours et de parquets généraux qui, de par la loi, ont une compétence territoriale couvrant deux à trois régions, circulent avec des véhicules de fonction datant de 2005 ou 2008 et ne sont pas bénéficiaires de l’indemnité dite kilométrique créée pour les fonctionnaires de tout bord titulaires du droit de disposer de véhicules de fonction. Il est nécessaire de doter ces magistrats de la haute hiérarchie judiciaire de véhicules dignes de leur rang. Il en est de même des présidents de tribunaux de grande instance, du commerce, du travail, d’instance, des présidents de chambre d’accusation, des doyens des juges, des procureurs de la République et des délégués des procureurs’’.
Généralisation de l’âge de la retraite
Dans la foulée, le président des magistrats sénégalais a également réclamé un meilleur statut pour leur corps. À l’en croire, en relation avec les services du ministère de la Justice, plusieurs réunions ont été tenues pour faire le toilettage de certaines dispositions de leur statut. ‘’Il a été exposé au chef de l’État la différence de traitement existant entre des magistrats du même grade consistant à voir partir à la retraite les plus jeunes pour laisser en place les plus âgés, uniquement du fait de fonctions occupées par les uns et les autres. Cette situation, qui crée de manière flagrante un déséquilibre dans la gestion de la carrière de fonctionnaires régie par le même statut, doit être corrigée. En effet, une loi n’est juste que lorsqu’elle impose les mêmes restrictions à chacun et les mêmes droits. La généralisation de cet âge apparait donc comme une nécessité absolue et pour reprendre une expression chère à nos amis avocats, ce ne serait que justice’’.
Enfin, il a dénoncé les conditions dans lesquelles vivent les magistrats après leur retraite. ‘’La question de la revalorisation de la pension de retraite a été posée au chef de l’État, en attirant son attention sur le fait qu’après près de quarante ans de carrière ou plus, le magistrat à la retraite vit d’angoisse, de stress à un âge où il a besoin de repos, de tranquillité d’esprit et ceci, du fait de la modicité de sa pension. Après avoir occupé de hautes fonctions judiciaires, se retrouver dans la précarité au crépuscule de sa vie est, à notre avis, quelque chose à rectifier. L’idée d’intégrer l’indemnité de judicature dans la base de calcul a longtemps été agitée, en vain, tout comme celle de permettre au retraité de garder une bonne partie de ses revenus’’, a-t-il renseigné.
IDRISSA AMINATA NIANG (Mbour)