L'armée malienne démunie face à des islamistes surarmés
Sous-équipée et mise à rude épreuve depuis 2012 par des groupes islamistes lourdement armés, l'armée malienne joue pour l'heure le second rôle dans la reconquête du nord du Mali, menée par les forces françaises.
"Clairement, l'armée malienne n'a pas les moyens de faire cette guerre toute seule. L'illustration a été la situation à Konna", localité de la région de Mopti (centre du Mali), déclare à l'AFP le chercheur malien Kissima Gakou, spécialiste des questions de stratégie et défense.
La semaine dernière, les forces maliennes ont lancé seules l'offensive contre les groupes islamistes armés, tentant de les repousser vers Konna, sans y arriver, jusqu'à ce que la France vole militairement à leur secours le 11 janvier, a reconnu son chef, le colonel-major Ibrahim Dahirou Dembélé.
Impossible, donc, pour l'armée malienne seule, de stopper une progression des islamistes dotés d'armes lourdes venant de Libye et qui lui ont fait subir une débâcle en 2012.
Faible, sous-équipée, elle a été chassée des régions du Nord par des jihadistes et des rebelles touareg il y a plus de neuf mois, quelques jours après une mutinerie de soldats ayant débouché sur un coup d'Etat militaire le 22 mars 2012, mené par un obscur capitaine, Amadou Haya Sanogo, qui a supplanté les officiers de haut rang, accusés d'inaction.
Les jihadistes ont ensuite évincé des zones sous leur contrôle leurs ex-alliés rebelles touareg.
"Pour mener une guerre, on a besoin de trois éléments essentiels: des armes, des combattants et de l'argent liquide", ce qu'ont les islamistes armés au Mali, notait lundi le magazine Time, soulignant qu'ils ont utilisé ces dernières années les rançons payées par des pays occidentaux pour la libération de leurs ressortissants otages.
Face à eux, l'armée malienne n'avait "pas grand-chose", note un ancien haut responsable malien. Comme pour d'autres pays africains, il estime que "c'est le résultat d'une politique de plus 30 ans: peu d'argent consacré aux budgets de l'armée à cause de différents programmes d'ajustements structurels, et aussi mauvaise gestion. "
De 12. 000 à 20. 000 hommes
Les effectifs de l'armée malienne - militaires et paramilitaires inclus - comprendraient 12. 150 hommes selon des estimations de l'Institut international des études stratégiques (IISS, 2012), environ 20. 000, selon The Military Balance cité en décembre par Jeune Afrique, hebdomadaire panafricain basé à Paris.
Les islamistes radicaux sont "hyperdéterminés, hyperarmés, fanatisés, c'est très compliqué pour une armée qui tente de se remettre à niveau" après avoir été "mise à mal" par la guerre que lui ont livrée plusieurs mois durant les jihadistes liés à Al-Qaïda, note Kissima Gakou.
Sur le terrain, en plus des raids aériens menées depuis le 11 janvier, les forces spéciales françaises se sont engagées au sol contre les islamistes, semblant reléguer l'armée malienne dans les seconds rôles, dans l'attente de troupes promises par plusieurs pays ouest-africains voisins.
Pourtant, soutient à l'AFP un responsable militaire au ministère de la Défense ayant requis l'anonymat, l'armée malienne ne fait pas de la figuration. "L'armée française est plus puissante, elle a plus de moyens que nous, c'est indiscutable" mais sur le terrain, "tout ce qui se fait, se fait de concert avec nous".
"On n'a pas assez d'avions, mais on est là, et on mène quelques opérations" notamment avec des "MI-24 (hélicoptères), des ULM Tetras (avions légers) et d'autres types d'avions", ajoute-t-il.
Selon lui, il est déjà convenu avec toutes les parties concernées par le déploiement des troupes pour la reconquête du Nord, que "c'est le Mali qui va être le fer de lance de tout cela".
Pour Babacar Justin Ndiaye, politologue sénégalais spécialiste de la région, la France n'est pas appelée à demeurer longtemps en première ligne au Mali.
"L'engagement français sera moins robuste sur un théâtre où Paris ne veut pas s'enliser. D?où la composante nettement aérienne. Les batailles terrestres seront l'affaire des Africains (. . . )", a-t-il estimé dans un entretien publié mardi par le quotidien sénégalais L'Observateur.
JeuneAfrique