Les équipements de protection, un luxe pour les personnels de santé
Le niveau d’alerte a été porté à son paroxysme, dans toutes les structures de santé de la région de Matam. Pour cause, le coronavirus rode autour de la circonscription, avec la multiplication des cas dans les localités frontalières. En première ligne dans ce combat, le personnel de santé est assez inquiet du manque de matériel de protection pour faire face.
Au centre hospitalier régional de Ourossogui, c’est le directeur de la structure, Mamadou Ndiaye, qui est monté au créneau pour réclamer du matériel de protection pour son personnel. ‘’Le ministère de la Santé, dit-il, nous a donné des masques que nous avons distribués à l’ensemble des travailleurs de l’hôpital. En revanche, il nous en manque beaucoup. Les fils du terroir qui doivent participer à l’effort de guerre contre la Covid-19, se font désirer pour l’heure. Nous avons été obligés de passer une commande de 500 masques auprès des tailleurs locaux, afin que chacun puisse disposer de deux masques réutilisables. C’est une situation inédite pour la première structure de référence de la région’’, peste-t-il.
Cette situation décrite par l’administrateur hospitalier contraste certes avec la pluie de dons de matériel convoyés par les acteurs politiques locaux et autres bonnes volontés dans la zone. Mais M. Ndiaye est formel : ‘’Je n’ai reçu que les dons venant du garde des Sceaux, ministre de la Justice, Me Malick Sall, et du président du Conseil départemental de Matam. Pour le reste, je vois le défilé et rien de plus’’, insiste-t-il.
Du côté de la région médicale, Mme Niang soutient que la part du matériel destiné à l’hôpital de Ourossogui est encore dans ses locaux Elle rassure : ‘’Nous avons effectivement réceptionné d’importants lots d’équipements de protection de la part des fils du terroir. Nous allons les distribuer à toutes les structures de santé de la région. L’hôpital de Ourossogui a son lot de matériel ici et nous les convoierons très bientôt.’’
En fait, dès la mise sur pied du Comité régional de gestion des épidémies, les autorités ressortissantes de la région ont rivalisé de générosité, en convoyant des dons qui, pour la plupart, étaient composés de produits désinfectants et de lave-mains. Seulement, ces enfants de la région n’ont pas mis l’accent sur les structures de soins et leurs personnels. D’où la frustration d’Ass Gaye, Infirmier-Chef de poste de Sinthiou Bamambé, une commune du département de Kanel. Il déclare : ‘’Les gens achètent des produits désinfectants pour aider les populations à se prémunir du coronavirus. C’est une excellente initiative, mais ils oublient le matériel de protection pour le personnel soignant. Nous sommes fortement exposés, car chaque jour, nous sommes en contact avec des malades, sans connaitre leur statut sanitaire. Si jamais le coronavirus était noté dans le village, je serai contaminé en premier et je vais contaminer aussi ma famille. J’aimerais qu’on pense aussi aux agents de santé, en leur achetant des équipements de protection et notamment des masques chirurgicaux et des gants.’’
Les particuliers au secours des hôpitaux
Un plaidoyer qui vient conforter celui effectué, il y a quelques jours, par Amadou Lamine Sano, Secrétaire régional du Syndicat unique des travailleurs de la santé et l’action sociale (Sutsas). Après avoir bouclé, il y a quelques jours, le tour des postes et centres de santé de la région, il disait : ‘’Le constat que nous avons fait est que les masques y sont quasiment inexistants. Les infirmiers qui sont en contact avec tous les malades, ne disposent pas de masques pour se protéger du coronavirus. Avec de maigres moyens et sans protection, les infirmiers abattent un travail extraordinaire, notamment dans la détection des premiers cas suspects. Leur rôle est crucial…’’
Et pour ne rien arranger, le port du masque, rendu obligatoire par les autorités, vient compliquer davantage la situation. Les personnels de santé vont, en effet, devoir se disputer ces outils avec les populations lambda et les autres services. Dans les structures de santé situées dans les profondeurs de Matam, le risque est immense. A Gaol, village logé à 15 km de la route nationale, les aides-soignants ne semblent pas prendre la mesure de la contagiosité de la Covid-19. Cette jeune fille vient de consulter une femme en état de grossesse, sans aucune précaution. Interpellée, elle déclare, avec un sourire teinté d’insouciance : ‘’Je suis au courant de la pandémie. Nous avons été sensibilisés sur le coronavirus. Je sais que cette une maladie infectieuse, mais il n’y a pas de masques en quantité suffisante. On dit que les masques doivent être changés toutes les 4 heures ; ça risque d’être compliqué de trouver la quantité suffisante. C’est pourquoi je les économise.’’
Selon la bonne dame, c’est lorsqu’elle doit consulter une personne qui ne vient pas de son village qu’elle prend ses précautions. ‘’Par contre, quand il s’agit d’une patiente de mon village, je dois avouer que je suis un peu négligente. C’est aussi parce que nous n’avons pas encore de cas dans la région. Aussi, en vérité, nous n’avons pas les moyens de nous protéger comme il faut’’, explique-t-elle.
Djibril Ba