Les lendemains désenchanteurs de la perte du pouvoir
Bassirou Diomaye Faye est celui qui succédera à Macky Sall à la présidence de la République du Sénégal. Un choix que la région de Matam, dans sa majorité, n’aura pas validé. Sur les 189 680 électeurs qui ont voté dans les départements de Matam, Kanel et Ranérou, les 149 093 avaient opté pour le candidat Amadou Ba, confirmant le statut du ‘’titre foncier’’ de Macky Sall.
Amadou Ba n’aura rien pu faire face à la marée de la coalition DiomayePrésident qui a victorieusement déferlé au soir du scrutin du dimanche 24 mars. La défaite a été cinglante quasiment partout dans le pays, sauf dans la région de Matam. Cette base affective du président sortant, Macky Sall, et de sa mouvance BBY, est restée, comme lors des joutes électorales précédentes, une citadelle imprenable. Le candidat du BBY avait espéré pouvoir compter sur les scores ‘’à la Soviétique’’ du titre foncier de Macky Sall pour combler les écarts et assurer sa victoire contre ses adversaires. Mais rien ne s’est passé comme souhaité.
Pourtant, la région de Matam a pleinement joué sa partition en plébiscitant le candidat Amadou Ba dans ses trois départements. Mais c’est ailleurs, dans les autres régions, que la débâcle s’est dessinée pour mettre fin à 12 ans de règne de celui qui avait été soutenu par les fils de Matam Harouna Dia, Abdoulaye Sally Sall et Khalilou Wagué, entre autres. L’Alliance pour la République (APR) va quitter le pouvoir en même temps que son président fondateur Macky Sall.
Une situation inattendue pour la flopée de responsables politiques de la région. Cette partie du Sénégal a la particularité de voir la quasi-totalité de ses illustres hommes politiques militer dans le camp du pouvoir. Aucun ténor n’avait voulu rester dans l’inconfort de l’opposition, même l’ancien député PDS Sada Ndiaye, auteur de la fameuse loi éponyme, avait fini par rallier le camp présidentiel.
Une vague de transhumants en perspective
Aujourd’hui, c’est toute une armée d’hommes forts qui va se retrouver engouffrée subitement dans l’opposition. Et dans quelques jours, la migration vers des prairies plus vertes va commencer inéluctablement. Les 26 maires de la région sont tous dans BBY ; ils avaient promis fidélité ad vitam æternam à Macky Sall. Alors qui sera le premier à claquer la porte pour aller offrir ses services Bassirou Diomaye Faye et au Pastef ? C’est la question qui taraude l’esprit de beaucoup d’observateurs.
Le maire de Nabadji Civol, Abdoulaye Sally Sall, pourrait être le premier de cette liste. Plusieurs facteurs pourraient le justifier. Cet homme d’affaires aura été un des premiers souteneurs de Macky Sall dans sa conquête du pouvoir face à Abdoulaye Wade. La reconnaissance à laquelle il eut droit aura été d’être coopté au Secrétariat exécutif de l’APR et plus tard d’être nommé ministre conseiller. C’est tout. Étant à la tête de la commune la plus grande en termes de poids électoral dans le département de Matam, Abdoulaye Sally n’aura jamais eu la reconnaissance escomptée. Il traversera les 12 années de Macky Sall sous l’ombre encombrante du maire des Agnams avant de se faire noyer par la promotion fulgurante de son voisin de Ourossogui Moussa Bocar Thiam, venu ‘’récemment’’ dans l’APR. Un affront qu’il aurait mal digéré. Finalement, la perte du pouvoir pourrait être la fin d’un long supplice.
Dans la commune de Matam, Souleymane Jules Ba, président du Conseil d’administration de l’Office des lacs et cours d’eau (Olac) pourrait être séduit par les sirènes du nouveau régime. Ce rebelle invétéré au député-maire des Agnams a toujours exprimé sa frustration contre la gestion du parti dans la région. Excédé par Farba Ngom, il avait clairement demandé une recomposition du schéma politique régional avec la fin du règne de Macky Sall et l’avènement d’Amadou Ba. Il ne gagnerait pas grand-chose à rester dans l’opposition avec Farba. Il paraît fort probable qu’il quitte le navire pour espérer obtenir un éventuel pouvoir sur lui.
Une autre frustration pourrait faire quitter le maire de la commune de Orefondé, Amadou Yero Ba. Cet enseignant de formation est l’un de ceux qui ont implanté l’APR dans la région de Matam. Depuis 2009, il était aux côtés de Macky Sall pour remporter toutes les élections locales de sa commune. Mais en retour, c’est le néant. Il aura été incontestablement le plus grand oublié du régime du 4e président de la République du Sénégal. Il n'a jamais eu à bénéficier d’une quelconque nomination, malgré sa proximité avec Farba Ngom. Son départ ne serait pas une surprise.
Mais il pourrait être devancé par l’inspecteur Djiby Sy de la commune de Orefondé qui, après s’être rebellé contre Farba Ngom, a fini par se ranger, malgré lui. Il a une occasion en or de rompre les amarres avec le coordinateur départemental du BBY à Matam.
La grande équation Farba Ngom
Avec Macky Sall à la tête du Sénégal, le maire des Agnams aura été un acteur majeur dans la gestion des affaires de la cité. Farba Ngom, sans jamais être nommé par décret, a tenu d’une main de fer la région de Matam. Détenteur d’une manne financière inestimable, il avait, en outre, le pouvoir de faire nommer ses plus proches collaborateurs au gouvernement ou à des directions. Tous les responsables politiques qui avaient essayé de lui tenir tête se sont cassé les dents. D’Almamy Bocoum à Me Malick Sall, en passant par Abou Lô, tous ont subi la loi de Farba.
Avec Bassirou Diomaye Faye à la tête du pays, Farba Ngom est le grand perdant. Son influence risque de fondre comme beurre au soleil. Alors va-t-il retourner son boubou ? Cela paraît improbable, au vu de ses positions radicales contre les partisans d’Ousmane Sonko et du président de la République élu Bassirou Diomaye Faye.
Mais en politique, il ne faut jamais dire jamais.
Djibril BA