Soyinka opposé au dialogue avec les "tueurs" de Boko Haram
Etablir un dialogue avec le groupe islamiste Boko Haram serait faire preuve d'une "conciliation consternante", a estimé jeudi l'écrivain nigérian Wole Soyinka, prix Nobel de littérature, à l'occasion d'une conférence internationale à Lagos.
"Ne parlez pas aux auteurs de tueries, ne parlez pas à ceux qui ont fait du meurtre d'innocents leur philosophie", a déclaré M. Soyinka, devant les représentants de médias étrangers, en marge de la conférence Kuramo sur le développement. Le président nigérian Goodluck Jonathan a déjà encouragé Boko Haram, accusé d'avoir tué des centaines de personnes depuis 2009, à formuler publiquement ses revendications, et le gouvernement a confirmé avoir des discussions "informelles" avec le groupe islamiste.
Pour Wole Soyinka, les violences perpétrées par la secte Boko Haram - qui a revendiqué des dizaines d'attentats et pris pour cible des chrétiens dans des églises, les forces de l'ordre et des responsables du gouvernement - sont "complètement incontrôlables". "Et vous, les victimes, vous dites +s'il vous plaît, venez nous parler, nous ne savons pas ce que vous voulez+ (. . . ) Quelle est cette façon de parler? Il s'agit d'une conciliation consternante!", a insisté l'écrivain nigérian.
Les forces de l'ordre nigérianes, qui n'ont pas réussi à mettre un terme à ces violences, sont accusées elles aussi de violations des droits de l'Homme dans leur sanglante répression contre les islamistes. Un récent rapport d'Amnesty International les accuse d'exécutions sommaires notamment dans le Nord-Est, fief de Boko Haram, et selon Human Rights Watch, l'armée nigériane pourrait être coupable de crimes contre l'Humanité. Wole Soyinka, qui pense que de telles exactions ont vraiment eu lieu, a qualifié l'action de l'armée dans le Nord-Est de "politique de la terre brûlée".
Les attaques de Boko Haram sont un "problème de sécurité" qui pose un défi d'un genre nouveau à l'armée nigériane, a estimé le premier prix Nobel africain de littérature (en 1986). Les violences liées au groupe islamiste et leur répression sanglante par les forces de sécurité ont fait environ 3000 morts depuis 2009. Wole Soyinka, 78 ans, ne dissocie pas son engagement politique de son ?uvre et pourfend depuis des années la corruption et de la mauvaise gouvernance dans son pays richissime en pétrole.
Jeuneafrique