Publié le 13 May 2020 - 21:52
PANDEMIE COVID-19

Péril sur le troisième âge 

 

C’est une nouvelle ère qui s’ouvre dans le cadre de la lutte contre la pandémie de la covid-19. Et dans cette nouvelle phase, des craintes particulières sont nourries à l’endroit des personnes âgées.

 

Souvent, elles restent cloitrées à la maison, ne sortent que de temps en temps pour aller à la mosquée, à l’église ou dans certaines cérémonies familiales. Elles, ce sont les personnes du troisième âge. Naturellement confinées par le poids de l’âge, elles n’en demeurent pas moins les plus grandes victimes de la maladie à coronavirus.

Birama Fall a plus de 80 ans. Trouvé dans sa chambre, assis sur un lit, il confie, un brin souriant : ‘’Comme vous le voyez je ne bouge presque pas. Quand je sors de ma chambre, c’est juste pour rester dans la véranda. Je ne salue personne, mais les gens viennent me donner leur main et je ne peux la refuse.’’ Tout de même, il confie disposer du gel pour se laver les mains le plus possible.  

En tout cas, avec les mesures d’assouplissement, ils sont nombreux à nourrir des craintes pour ces personnes du troisième âge. Et il y a de quoi, si l’on se fie aux chiffres relatifs à la mortalité du nouveau coronavirus sur ces franges de la population.

En effet, rappelle le gériatre Mamadou Koumé, tandis que la mortalité sur la population générale est de 2,7 % environ, elle est de 8 % chez les plus de 70 ans, jusqu’à 15 % chez les plus de 80 ans. ‘’C’est donc une mortalité qui augmente avec l’âge. Et c’est la même tendance qu’on a notée au Sénégal. Parmi les 19 morts que nous avons enregistrés, il y a une personne de 47 ans, une autre qui a la cinquantaine, mais le reste c’est pratiquement des sujets âgés (exception faite du jeune de 37 ans qui avait plusieurs comorbidités, NDLR). Par rapport aux hospitalisations, c’est 14 % de personnes âgées. Cela reflète un peu le profil jeune de notre population ; et c’est la chance que nous avons par rapport aux autres pays, notamment européens’’.

Parmi les facteurs explicatifs de cette vulnérabilité des personnes les plus âgées, il y a, explique Dr Koumé, une baisse du système immunitaire qui va avec le vieillissement, notamment de l’immunité à médiation cellulaire. Aussi, il y a des problèmes de nutrition chez ces couches de la population, une fragilité pulmonaire, entre autres. Aussi, relate-t-il, il faudrait en tenir particulièrement compte dans la prise en charge. ‘’Au Sénégal, souligne le spécialiste, on n’a pas cette habitude d’évaluer l’état nutritionnel du sujet âgé. Or, on sait que la nutrition est la première cause de baisse de l’immunité. Et les personnes âgées sont souvent dénutries’’. Selon lui, des études validées en gériatrie permettent d’évaluer l’état nutritionnel de ce sujet âgé. ‘’C’est pourquoi j’exhorte vraiment les confrères à évaluer l’état nutritionnel de ces personnes du troisième âge avant le traitement pour mettre en place un programme nutritionnel en conséquence. Un sujet qui a une infection virale, si on renforce ses défenses immunitaires par une bonne nutrition, on augmente ses capacités de riposte’’.

Par rapport à la faiblesse du système respiratoire, il insiste que c’est très fréquent chez les personnes du troisième âge. Beaucoup de grands hommes comme Nelson Mandela, rappelle-t-il, ont été emportés par des problèmes pulmonaires. En sus de tous ces facteurs, ajoute le gériatre de renommée, les personnes âgées sont également plus exposées aux comorbidités. Lesquelles, renseigne-t-il, augmentent, statistiquement, avec l’âge. ‘’Par exemple, la probabilité de faire un diabète est trois fois plus élevée chez le sujet âgé. La probabilité de faire une hypertension artérielle est cinq fois plus élevée. S’y ajoute une baisse de la fonction rénale. Ce sont les statistiques, c’est naturel. Or, comme vous le savez, ce qu’on craint le plus avec les malades de Covid-19, ce sont les complications pulmonaires et les complications rénales’’.

Avec les mesures d’assouplissement, certains ont l’impression que ces couches vulnérables sont un peu jetées dans la gueule du loup. Pour le professeur Koumé, il ne faut surtout pas apeurer les gens. Mais force est de constater que le risque est réel. Il s’agit maintenant de prendre en compte cette nouvelle donne et d’agir en conséquence. La réponse, selon lui, est dans la communauté. ‘’Comme l’a dit le président de la République, il  faut adapter cette situation actuelle à nos réalités socioculturelles, économiques et religieuses. Chacun doit comprendre, à travers ce message, qu’il doit apprendre à mieux vivre avec ce virus. Et il faut compter sur ses capacités intrinsèques de riposte, pour évoluer avec. Pour les jeunes et les vieux, je n’ai aucun souci. La plupart développent même de formes asymptomatiques de la maladie. Mais ce sont ces mêmes gens qui vont contaminer les personnes âgées et vulnérables. Ces derniers doivent donc redoubler de vigilance’’.

Le gériatre de rappeler les mesures essentielles pour se prémunir contre le virus. Se laver régulièrement les mains, éviter de porter les mains sur le visage, ne pas donner la main pour des salutations, éviter les rassemblements, limiter les sorties au strict nécessaire, porter un masque, prendre des itinéraires où il y a le moins de monde possible, éviter de fréquenter les lieux de culte où le taux de contamination est le plus élevé. ‘’En tout cas, les personnes du troisième âge doivent suivre scrupuleusement les mesures barrières’’.

Autre dimension à prendre en charge, c’est celle du traitement. Interpellé sur cette question, le Pr. Koumé estime qu’il faut davantage impliquer les spécialistes de la matière. ‘’Il faut, souligne-t-il, que les gens partagent davantage au niveau des centres de traitement. Un enfant, c’est un pédiatre ; une femme enceinte, c’est un gynécologue ; une personne âgée, c’est un gériatre. Il faut ouvrir davantage la prise en charge aux spécialistes des groupes vulnérables. Il y a, par exemple, les néphrologues qui pourraient servir, les diabétologues, les nutritionnistes. Nous sommes en guerre et il faut mutualiser les efforts à ce niveau pour remporter cette bataille’’.

Plus spécifiquement, il explique : ‘’Quand une personne âgée arrive, la première chose à faire est de lui faire une évaluation gériatrique standardisée. C’est faire le tour des grandes fonctions qui conditionnent la qualité de vie de ce malade et qui sont souvent passées inaperçues dans les structures classiques. Il y a par exemple la nutrition, l’humeur, l’autonomie,  le risque de chute, le cumul des comorbidités…. C’est en fonction de cette évaluation qu’il faut déterminer la stratégie de prise en charge.’’ L’avantage, fait-il savoir, c’est de raccourcir la durée de traitement. ‘’Si la personne devait être hospitalisée pendant trois semaines, elle pourrait l’être juste pour une dizaine de jours. On gagne donc en efficacité, parce qu’on saura lui apporter les compléments dont il a besoin. Et c’est pourquoi je pense que les nutritionnistes et tous ceux qui ont des compétences dans ces domaines peuvent apporter quelque chose’’.

MOUSTAPHA FALL (IMAM À RUFISQUE)

“Je pense que les imams peuvent jouer un rôle décisif”

Lieu de rassemblement par excellence de certaines personnes âgées, l’ouverture des mosquées renforce l’inquiétude de certains observateurs. Pour l’imam de la mosquée de Ndar Gou Ndaw (Rufisque), Moustapha Fall, il est erroné de penser que les vieux fréquentent le plus les mosquées. A l’image de la population, fait-il remarquer, il y a plus de jeunes dans sa mosquée.

Toutefois, il existe des personnes âgées qui sont assidues. Selon lui, l’Etat devrait impliquer davantage les chefs de ces lieux de culte, pour les sensibiliser davantage sur la maladie, afin qu’ils puissent jouer pleinement leur rôle. ‘’J’avoue que ce n’est pas encore le cas, alors que nous pouvons beaucoup apporter dans le cadre de la sensibilisation, mais à condition d’être nous-mêmes informés. L’islam, explique-t-il, permet effectivement de respecter la distanciation sociale. ‘’C’est vrai que la règle, c’est de rester serrer les uns les autres. Mais en pareille situation, des exceptions sont admises à cette règle ; et je pense que les imams peuvent y jouer un rôle décisif. Il faut juste les associer pour qu’ils comprennent les enjeux’’.

De l’avis de l’imam Fall, l’Etat devrait aussi veiller aux mesures d’accompagnement, notamment la disponibilité du gel et des masques au niveau des mosquées. En ce qui concerne la distanciation sociale, il souligne : ‘’Une fois que la mosquée est ouverte, il est difficile de dire à quelqu’un que vous ne pouvez pas entrer. Et l’autorité de l’imam peut ne pas suffire. Il faut donc de la sensibilisation. Et nous pouvons aussi jouer un rôle à ce niveau. Malheureusement, nous ne sommes pas bien impliqués dans la stratégie pour mieux faire passer le message.’’

Cela dit, l’imam de Ndar Gou Ndaw affirme être en phase avec les nouvelles directives présidentielles, même s’il avait compris les anciennes. ‘’L’islam, a-t-il déclaré, avait permis la fermeture des mosquées, mais si les autorités estiment qu’on peut les rouvrir, nous sommes preneurs en tant qu’imams. Mais en veillant strictement aux prescriptions des autorités sanitaires. Nous demandons à tous les fidèles de porter des masques et de se laver les mains’’.

MOR AMAR

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