Publié le 16 Apr 2024 - 19:29
PREMIÈRES SORTIES PUBLIQUES DU PRÉSIDENT DIOMAYE FAYE À TOUBA ET À TIVAOUANE

Les symboles imagés de la rupture

 

Le président Bassirou Diomaye Faye, qui a réservé ses premières sorties publiques aux villes saintes de Touba et de Tivaouane, semble vouloir profiler l’image d’humilité et de modestie devant les chefs des deux grandes familles religieuses. Cette volonté d’afficher une certaine proximité avec les religieux marque cette rupture avec les élites occidentales et sa volonté d’imposer une nouvelle voie vers le développement endogène du Sénégal.

 

Selon le dicton cher au leader communiste chinois Mao Zedong, ‘’on gouverne plus avec des symboles qu’avec des mots’’. Cet adage du grand timonier est appliqué à la lettre par le président Bassirou Diomaye Faye qui a consacré sa première sortie officielle à la cité religieuse de Touba. Le chef de l’État semble vouloir se mouvoir dans son processus de rupture avec la tradition républicaine sénégalaise. À l’occasion de son audience avec le khalife général des mourides, le président Bassirou Diomaye Faye semble vouloir adopter la posture du talibé très respectueux des aînés et des guides religieux. Lors de son audience avec Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, l’ancien secrétaire général du Pastef, pieds nus, a adopté une attitude révérencieuse et solennelle avec le guide religieux qui lui a offert un exemplaire doré du Coran et une natte de prière.

 Après avoir salué le khalife, le nouveau chef d’État a prié dans la grande mosquée de Touba. Une attitude qui rappelle sa proximité affichée avec l’imam de la Grande mosquée de Dakar qu’il a aidé à se relever. Sans oublier le respect affiché devant Aminata Mbengue Ndiaye, présidente du Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT) lors de la cérémonie de levée des couleurs, le 4 avril dernier.

En outre, dans une société sénégalaise qu’on peut qualifier de très confucéen dans l’esprit avec la primeur à l’ancienneté, cette déférence et cette humilité visent à gommer les inquiétudes liées à son jeune âge. Cette image qui semble trancher avec son prédécesseur qui s’était distingué au début de son mandat par des propos jugés discourtois par les familles religieuses indiquant que les marabouts étaient des citoyens ordinaires. Sans oublier l’annulation des passeports diplomatiques offerts par Abdoulaye Wade aux jeunes marabouts.

Sur le plan politique, cette visite vient tordre le cou aux rumeurs faisant état d’une sorte de défiance des nouvelles autorités face au pouvoir des religieux au Sénégal. Des opposants qui n’ont jamais cessé d’accuser Diomaye et son mentor Ousmane Sonko d’être proches des Frères musulmans financés par le Qatar ou pire d’être proches des milieux salafistes. Le duo Sonko-Diomaye n’ayant pas souscrit à la traditionnelle visite de courtoisie auprès des grandes familles religieuses lors de la campagne électorale voudrait rompre avec cette perception.  De ce fait, dans cette guerre communicationnelle, ils cochent toutes les cases pour accueillir le maximum d’adhésion autour de leur projet. Le nouvel exécutif veut se démarquer des élites occidentalisées qui avaient comme seule préoccupation d’afficher une certaine proximité avec la France et l’Occident.

 Ainsi, ce régime veut séduire cet électorat populaire et rural très attaché au symbole religieux et à la tradition. Le choix d’afficher ses deux épouses lors de l’investiture entre dans ce cadre de se démarquer de l’élite pro-occidentale. 

Touba et Tivaouane comme relais du pouvoir pour la mise en œuvre de l’action publique 

Après Touba, cap sur Tivaouane où la délégation présidentielle a été reçue chez le khalife général Serigne Babacar Sy Mansour. Cette visite revêt une importance significative tant sur le plan politique que social.

Au-delà du renforcement des liens institutionnels et communautaires, cette rencontre peut être vue comme un geste de respect et de reconnaissance envers l'autorité spirituelle et culturelle que représente le khalife dans la société. Cela contribue à renforcer les liens entre l'État et les institutions religieuses, ce qui est fondamental dans des contextes où la religion joue un rôle central dans la vie quotidienne des citoyens. 

Dans une autre perspective, le khalife général, en tant que leader d'opinion, peut influencer positivement ses fidèles sur divers enjeux sociaux, économiques ou environnementaux.

Une collaboration entre le gouvernement et la confrérie peut donc faciliter la mise en œuvre de projets de développement local ou national.

Pr. Kalidou Sy, enseignant-chercheur à l’UGB : “Le président appartient à une société et ne peut être en déphasage avec les règles éthiques et coutumières de notre pays.”

Pour l’enseignant-chercheur à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, le Pr. Kalidou Sy, le président Diomaye projette l’image d’un Sénégalais pétri de la culture sénégalaise et africaine et qui en dépit du procès en inexpérience et de jeunesse a su montrer sa parfaite compréhension de la sociologie politique sénégalaise.

Selon le sémiotique, ces sorties ne sont pas des coups de communication, mais la compréhension des dynamiques sociopolitiques dans notre pays. ‘’Depuis toujours, le pouvoir Exécutif tente de nouer des relations avec le pouvoir spirituel au Sénégal. Les présidents ont pris conscience de l’importance économique, politique et sociale des familles religieuses. Je ne pense pas que ça soit de l’affichage. Le président appartient à une société et ne peut être en déphasage avec les règles éthiques et coutumières de notre pays. Nous devons respecter les aînés et les guides religieux, et adopter une certaine posture à leurs égards’’, a-t-il fait savoir.

Selon l’universitaire, il est à noter une évolution du président dans sa posture, son habillement et sa manière d’incarner la fonction présidentielle. ‘’Nous pouvons dire que nous sommes en présence d’une mythologie du président très accessible, serviable et très modeste. Ceci est souvent mis en avant par ses proches et semble constituer sa marque de fabrique. Cette image va permettre de faire la différence par rapport à son mentor Ousmane Sonko’’, conclut-il.

Mamadou Makhfouse NGOM

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