Thiès, ‘’un cas grave’’
Dix cas graves de Covid-19 sont internés au niveau du Centre de traitement des épidémies (CTE) implanté au centre hospitalier régional El Hadj Ahmadou Sakhir Ndiéguène de Thiès. Mais la difficulté ardue à résoudre reste et demeure leur prise en charge plombée par un manque de médecins anesthésistes-réanimateurs pour s’occuper des 12 lits de réanimation.
La deuxième vague de la pandémie de Covid-19, sans doute plus sévère que la première, continue de dicter sa loi aux citoyens de la capitale du Rail. Classée dans la zone rouge lors de la première vague, Thiès est encore frappée par la deuxième vague, avec cette fois-ci une recrudescence des cas graves.
Hier, 10 cas graves ont été enregistrés au Centre de traitement des épidémies, logé au niveau du centre hospitalier régional El Hadj Ahamadou Sakhir Ndiéguène de Thiès. Malheureusement, un patient admis en réanimation a rendu l’âme le même jour.
Dans les premières heures qui ont suivi l’apparition de la maladie dans cette partie du pays, les autorités administratives et sanitaires de la région ont procédé à l’installation de deux centres de traitement dans la ville. Outre celui de l’hôpital régional, un autre a été implanté dans l’enceinte du centre d’entrainement tactique n°7 Capitaine Mbaye Diagne de Thiès, pour la prise en charge des cas asymptomatiques.
Au plan régional, Guéréo, dans le département de Mbour, a eu aussi droit à son centre de traitement des épidémies. Mais avec la réduction progressive des contaminations, lesdits CTE ont été fermés, parce qu’il n’y avait plus de malades. Même celui d’Ahmadou Sakhir Ndiéguène a dû être fermé par moments.
Cependant, avec le retour en force des infections à la Covid-19, le CTE de l’hôpital régional a été immédiatement rouvert et rééquipé, à la demande du président du Comité régional de gestion des épidémies, le gouverneur Mamadou Moustapha Ndao. Avec une capacité de 34 lits, ledit CTE qui, aujourd’hui, ne dispose que de 12 lits fonctionnels de réanimation, a pour vocation, avec la deuxième vague, de ne s’occuper que des cas jugés graves et essayer à tout prix de les sauver.
Par contre, cette course pour redonner un nouveau souffle aux patients ou aux ‘’Covid graves’’ reste l’équation à résoudre dans ce centre en panne de personnel qualifié devant les prendre en charge. La réanimation y demeure la difficulté majeure, selon la coordonnatrice de la cellule coronavirus au niveau du centre hospitalier régional El Hadj Ahmadou Sakhir Ndiéguène de Thiès. ‘’Au niveau du CTE de Thiès, nous avons 12 lits de réanimation fonctionnels et des machines pouvant nous permettre de gérer la respiration de ces cas graves. Mais, il se pose avec acuité le problème de réanimation, parce qu’il y a un déficit de médecins anesthésistes-réanimateurs. Et il n’y a pas non plus d’oxygénation. Les ressources humaines en manquent. Mais, au niveau central, les autorités sanitaires ont promis de travailler à corriger tout cela afin de nous permettre de mieux prendre en charge tous ces cas graves, quand on sait que la deuxième vague est très sévère’’, explique le Dr Françoise Gaye Badiane.
Malgré le problème de la disponibilité des médecins anesthésistes-réanimateurs qui se pose au niveau du CTE dans ce contexte marqué par la résurgence des cas graves de Covid-19, la responsable du service réanimation à l’hôpital régional de Thiès affirme que toute l’équipe qui s’occupe de la prise en charge se bat nuit et jour pour, dit-elle, sauver des vies. ‘’Il est vrai que nous n’avons pas des ressources humaines avec toutes les qualifications requises. En revanche, nous essayons tous les jours de sauver des vies avec les moyens de bord. Ce n’est pas facile. C’est compliqué. Mais on tient bon’’, rassure-t-elle au bout du fil.
Bien avant la multiplication des cas graves qui viennent de tous les trois départements de la région et même au-delà des frontières régionales, le Dr Gaye dit avoir alerté pour qu’on leur affecte des médecins anesthésistes-réanimateurs. Mais en dépit des assurances de la tutelle, ce souhait ardent tarde encore à être effectif. En attendant, l’équipe disponible composée, entre autres, du Pr. Madocky Diop, du Dr Fulgence, de sept médecins, d’infirmiers, d’hygiénistes, d’éléments de la Croix-Rouge ainsi que du personnel de nettoyage, etc., travaille à rendre opérationnel le CTE et s’occupe de la prise en charge des cas graves de Covid-19. ‘’J’avais demandé depuis très longtemps qu’on fasse venir au moins trois médecins anesthésistes-réanimateurs pour la prise en charge efficace des cas graves. Mais avec la rareté de la ressource, on est obligé de faire avec. En outre, il nous faut aussi des sources d’oxygène pour pouvoir mieux s’occuper des malades’’, renseigne le Dr Gaye Badiane, invitant la tutelle à presser le pas dans l’affectation des médecins anesthésistes-réanimateurs.
Les craintes d’un débordement inévitable
Avec l’augmentation des cas graves, les autorités sanitaires en charge du Centre de traitement des épidémies du centre hospitalier régional El Hadj Ahmadou Sakhir Ndiéguène de Thiès et l’autorité administrative ont décidé que le CTE soit uniquement réservé à la prise en charge des cas de Covid-19 jugés sévères. Celui-ci devait être un CTE de référence où l’on traite les patients qui souffrent de graves comorbidités. Mais avec la deuxième vague persistante, le docteur Françoise Gaye Badiane et toute l’équipe qui intervient au CTE craignent un débordement, vu sa capacité d’accueil assez limitée ; 12 lits pour le moment. Pendant ce temps, le CTE continue à recevoir des patients. C’est pourquoi elle soutient que si rien n’est fait dans les jours à venir, ses collègues et elle seront davantage submergés.
Ainsi, recommande-t-elle aux autres établissements sanitaires de la région de s’occuper des cas simples afin de donner une chance à ceux-là qui sont entre la vie et la mort. ‘’On essaie, par tous les moyens, de gérer les cas très graves. Cependant, on a remarqué que toutes les structures orientent les cas de Covid-19, même les plus simples vers l’hôpital régional. Les malades nous envahissent tous les jours, alors que tous ne sont pas forcément des cas graves. Il faut que les autres structures sanitaires nous aident en aménageant des salles d’isolement et de traitement sur place ou en poursuivant la prise en charge des cas simples à domicile.
On ne peut pas continuer à reverser tous les patients à l’hôpital régional. Ici, nous serons bientôt débordés’’, préconise et prévient la responsable de la cellule corona à Ahmadou Sakhir Ndiéguène. De plus, elle indique que dans cet établissement, la prise en charge des cas graves ne laisse aucun répit aux soignants. ‘’On nous réveille parfois à des heures tardives. Tout ça, c’est très compliqué !’’, se plaint-elle. Avant de se résigner tout en convoquant la déontologie de sa profession. ‘’Nous n’allons pas abandonner les malades. Ce qu’il faut, c’est de travailler sans relâche avec les moyens dont nous disposons pour sauver la vie de nos compatriotes’’.
GAUSTIN DIATTA (THIÈS)