‘’Un masque mal porté, mal géré, devient plus un danger qu’une solution’’
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Dans la lutte contre la propagation du coronavirus, surtout avec la transmission communautaire, le port du masque est devenu une obligation dans certains lieux. Le responsable du Service de biologie de l’hôpital Principal de Dakar, Professeur Bécaye Fall, explique l’apport, le danger de ces masques et la façon de les utiliser.
Depuis le dimanche 20 avril, le ministre de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, a sorti un arrêté recommandant l’obligation du port du masque. La mesure cible les services de l’Administration publique, quel qu’en soit le mode de gestion, les services du secteur privé, les lieux de commerce et les moyens de transport. Cet arrêté fait suite à la hausse des cas de transmission communautaire de la Covid-19. Sauf que beaucoup de citoyens refusent de se conformer à la loi, prétextant qu’ils ignorent que les masques sont importants dans la lutte contre le coronavirus.
Selon le responsable du Service de biologie de l’hôpital Principal de Dakar, par ailleurs Coordonnateur du Comité de prévention et de contrôle de l’infection (PCI) de l’hôpital, la Covid-19 est une pathologie qui se transmet de façon très rapide et qui est due à un virus, le Sars-coV-2. Cette transmission rapide, dit-il, fait que si les mesures barrières ne sont pas respectées, le pays peut passer très facilement de 500 cas actuellement à 1 000, 10 000, voire 20 000.
‘’Ce n’est pas pour faire peur qu’on le dit. Mais c’est ce qui va se passer, si les mesures ne sont pas respectées. Les masques rentrent dans le cadre de ces mesures’’, déclare le médecin-colonel. D’ailleurs, hier, sur 800 tests réalisés, 59 sont revenus positifs, soit un taux de positivité de 7,37 %. Il s’agit, selon la directrice générale de la Santé, Docteur Marie Khemesse Ngom Ndiaye, de 51 cas contacts suivis et de 8 cas issus de la transmission communautaire, répartis entre Touba (1), Patte d’Oie (1) et Thiès (6). Dix-neuf patients sont guéris tandis que 2 cas graves sont en traitement à Fann et à l’hôpital Principal.
A ce jour, 882 patients sont déclarés positifs, dont 315 guéris, 9 décédés, 1 évacué et 557 sous traitement au Sénégal.
En outre, souligne le Pr. Bécaye Fall, la transmission se fait essentiellement de façon aérienne, surtout par les éternuements de la personne qui est atteinte, par la toux, mais également, lorsque la personne parle fort. ‘’La personne touchée, qui éternue ou qui tousse ou qui parle fort devant vous, si vous êtes à une distance proche, moins de 1 mètre, ou si vous êtes à une distance un peu plus éloignée, mais dans un endroit confiné, peut vous la transmettre. C’est pour cette raison que la toute première mesure, ce n’est pas les masques ; c’est d’éviter les attroupements, que tout le monde respecte la distance. C’est la mesure, de loin, la plus importante’’, renseigne Pr. Fall.
Poursuivant ses explications, il souligne que la transmission se fait sous forme de gouttelettes. Ces gouttelettes, généralement, tombent au sol, avant d’atteindre la distance de 1 m. C’est pour cette raison, fait-il savoir, quand vous n’êtes pas dans un endroit trop fermé, où il n’y a pas l’air qui circule, il faut ouvrir les fenêtres pour qu’il y ait l’air. Maintenant, une fois que toutes ces mesures sont prises, dit-il, il faut faire en sorte que les gouttelettes qui sont grosses au départ et qui partent n’atteignent pas leurs cibles. Pour y arriver, il faut une barrière. ‘’C’est pour cette raison que l’on préconise le port des masques’’, clarifie le médecin-colonel.
‘’Il ne faut pas que les gens pensent que le simple fait de porter un masque les protège’’
Avant de préciser qu’il y a différents types de masque. Dans les structures hospitalières, surtout dans les laboratoires, c’est les masques de type FFP2 ou N95. ‘’Ils étaient généralement réservés aux laboratoires qui manipulaient les microbiologies. Dans ce cadre de la Covid-19, il demande au personnel de soins aussi de porter ce masque. Parce que, de façon générale, c’est le personnel qui, dans le cadre de son travail, est obligé, plusieurs fois par jour, de se retrouver à une distance proche du visage du vis-à-vis. C’est le chirurgien-dentiste, l’ophtalmologue, c’est aussi le secrétaire qui reçoit très souvent du personnel à une distance proche et qui n’a pas de verres de protection. Ce masque permet d’empêcher au maximum les particules de passer, lorsque vous inspirez’’, explique Pr. Fall.
A côté, dit le médecin-colonel, il y a le masque chirurgical. Son rôle, renseigne-t-il, c’est essentiellement d’empêcher les gouttelettes de quitter la personne qui tousse ou qui éternue. Mais ‘’ce n’est pas tellement de se protéger, lorsque vous le portez contre les particules qui viennent. Si vous le portez et que vous êtes proche de quelqu’un d’autre qui ne porte pas ce masque, certes, cela va diminuer significativement la quantité de particules que vous auriez dû inhaler, si vous n’aviez pas le masque, mais certaines peuvent passer. Celles qui n’arrivent pas à passer se fixent dessus, à force d’inspirer au-delà d’un certain temps’’, clarifie le spécialiste.
Par ailleurs, il soutient que c’est pour cette raison que ces masques ont une durée de vie. Car, généralement, au bout de 3 h à 4 heures de temps, on est obligé de les changer. A son avis, les autorités sanitaires ont eu la très bonne idée, comme cela a été fait dans d’autres pays, de proposer la fabrication de masques locaux, avec le même objectif.
Ces masques locaux aussi, renseigne le médecin, ne permettent pas totalement de bloquer les particules. Par contre, il précise que si tout le monde porte le masque, personne ne va amener de gouttelettes au-delà de ce masque, donc, tout le monde va être protégé. ‘’Si je suis proche de vous, je mets mon masque. Vous, vous ne le mettez pas ; si je suis touché par la Covid-19, je tousse ou j’éternue, il y a peu de chances que ça arrive vers vous, mais une petite partie peut arriver. Par contre, si vous, vous portez parallèlement le masque, les deux combinés, il y a peu de chance que je vous contamine. Donc, ces masques locaux n’ont d’intérêt que si tout le monde les porte en même temps. C’est pour cette raison que les autorités insistent sur le port du masque’’, fait-il savoir.
Avant de préciser qu’il ‘’ne faut pas que les gens pensent que le simple fait de porter un masque les protège. Le masque n’est qu’un élément qui vient se rajouter à toutes les autres mesures qui ont déjà été prises. La mesure la plus importante est, donc, cette distanciation sociale. Même dans les bus, il faut mettre les masques, que vous évitez de parler dans les transports de façon générale ou là où il y a du monde, pour protéger les autres et se protéger’’, prévient professeur Bécaye Diouf.
La distanciation sociale, la mesure la plus importante
Selon le médecin-chef colonel, la mauvaise utilisation du masque constitue également un danger. Car ‘’un masque qui est mal porté, mal géré, devient plus un danger qu’une solution. Le principe du masque, c’est la sécurité’’. Lorsque que vous le portez, dit-il, par exemple, en ville, peut-être que vous avez approché des personnes touchées par la maladie. Parce que, rappelle le médecin, environ 40 à 50 % des gens qui ont la maladie dans leur organisme n’ont aucun signe. Ils peuvent contaminer les autres. Donc, la première étape, à son avis, c’est l’achat du masque. ‘’Lorsque vous achetez le masque, faites attention à chez qui vous l’achetez. Si vous l’acheter chez quelqu’un qui a tendance à donner à tout un chacun pour qu’il les essaie d’abord, c’est dangereux. Les gens qui ont essayé ont dû laisser des particules dessus. Il vous suffit juste d’essayer pour être contaminé, sans vous en rendre compte. Donc, autant acheter les masques dans des endroits sécurisés’’, prévient-il. Ainsi, il préconise de se procurer plusieurs masques locaux, de les laver, les repasser et de les utiliser le lendemain.
La deuxième étape importante, à son avis, c’est la façon de les porter. Pour les masques qui ont des languettes pour les oreilles, il faut autant que possible que les bords soient étanches, que l’air ne puisse pas passer facilement. ‘’Nous n’aurons jamais du 100 %, mais que nous nous approchions de cela. Généralement, il y a une sorte de fer en haut, qui permet de fixer bien le côté du nez. On fixe le menton, on s’assure que c’est bien fixé. Pour enlever, vous tenez les languettes des oreilles, c’est-à-dire la partie élastique et le jetez directement à la poubelle. S’agissant des masques qui ont des languettes qui se fixent derrière, pour les porter, il faut tirer séparément les deux languettes. Vous tirez bien le menton. Quand vous les enlevez, au bout des 4 heures de temps, vous tenez également sur les deux languettes’’, schématise le praticien.
Maintenant, s’il s’agit des masques locaux, il souligne qu’il faut les laver, quand ils sont enlevés. Mais si le propriétaire n’est pas sûr de pouvoir les laver immédiatement, il les met dans une solution d’eau de javel à 0, 05 % pendant 15 minutes, avant de les laver. Mais ce passage, précise-t-il, n’est pas obligatoire. ‘’Vous pouvez laver avec de l’eau et du savon, parce que c’est un virus fragile’’, précise Pr Bécaye Fall.
Le lavage, un aspect important
De l’avis du responsable du Service de biologie de l’hôpital Principal, nous sommes en guerre contre un virus invisible. Nous devons continuer à être rigoureux, par rapport à nos mesures barrières. Evitez les attroupements. On a dit, raconte-t-il, que quelqu’un qui est touché peut contaminer son vis-à-vis, s’il est tout proche. Mais si un groupe d’individus est confiné dans la salle, une seule personne se met à crier, à tousser ou à éternuer, elle peut contaminer 50, voire 100 en même temps.
‘’C’est ce qui est arrivé en Italie, à l’occasion d’un match, d’une grosse cérémonie religieuse en France. Il faut respecter les mesures barrières. Que les gens qui ne sont pas obligés de sortir restent chez eux. Même dans le travail, que les gens évitent les déplacements inutiles. Tout déplacement peut être à risque. De la même façon qu’on doit éviter de toucher certaines choses, c’est de la même façon qu’on doit éviter de sortir. S’il n’y a pas obligation, qu’on reste chez soi’’, avertit Pr. Diouf.
VIVIANE DIATTA