Climat de plus en plus délétère dans les minibus
Entre les usagers et les receveurs et chauffeurs, les relations se détériorent. Les usagers disent vivre jusqu’à présent certaines tracasseries notées dans les cars rapides et les ‘’Ndiaga Ndiaye’’. Receveurs et chauffeurs s’en défendent.
Gare routière Lat Dior ! En cette fin de matinée du vendredi (12 août), la circulation peine à s’animer dans ce haut lieu du transport. Les pluies qui se sont abattues sur Dakar et sa banlieue la nuit précédente au petit matin sont un frein à la reprise normale du trafic routier. A l’entrée de cette gare, un minibus Tata, à moitié rempli, s’apprête à quitter. Sur le côté gauche de son pare-brise, est estampillé sur une plaquette le numéro de la ligne en gros caractères : 82. Il doit desservir la ligne Lat Dior-Comico. A son bord, Fatou Diop, assise près du receveur, explique sa préférence pour les autobus Tata. ‘’On est à l’aise dans les bus. Les receveurs sont plus corrects que les apprentis dans les cars rapides et ‘’Ndiaga Ndiaye’’, affirme-t-elle. Parlant des avantages des bus, un autre habitué de ces véhicules de transport en commun estime, qu’au-delà de leur rapidité et confort, ils restent très proches des populations. A en croire Joseph Ndiaye, les bus ont réussi à aller là où les cars rapides, ‘’Ndiaga Ndiaye’’ et Dakar Dem Dikk ne vont pas.
Néanmoins, ce quinquagénaire ne manque pas de déplorer certaines pratiques de plus en plus récurrentes qui agissent sur la durée du trajet. Notamment, les approvisionnements inopinés en carburant. Sans compter le manque de précautions de certains chauffeurs en cas de panne de leurs véhicules. ‘’Quand un bus tombe en panne, on ne rembourse pas les passagers. On les fait poireauter sur les lieux jusqu’à l’arrivée d’un autre bus dans lequel ils seront parqués comme dans une boîte de sardines’’, assène Joseph Ndiaye révolté. Qui ajoute : ‘’Les bus s’arrêtent partout et mettent beaucoup de temps pour attendre des passagers, parfois dans des endroits non indiqués. Pour moi, ils ne font plus du transport mais du ramassage.’’
Un chauffeur pointe ‘’la cupidité des propriétaires’’
Ces pratiques, pourtant interdites, sont confirmées par d’autres chauffeurs et receveurs à la gare de Petersen où la circulation est, par contre, très intense. El hadji Mbengue, chauffeur de la ligne 4, pointe du doigt la cupidité de certains propriétaires de bus qui, selon lui, demandent aux chauffeurs de verser quotidiennement plus que ce qu’ils gagnent. Mieux, ils entretiennent une certaine concurrence déloyale entre les chauffeurs, en proclamant une préférence pour les uns au détriment des autres.
Pourtant, l’introduction des bus dans la circulation est censée apporter des améliorations dans le transport en commun. Notamment, dans les rapports entre les clients et receveurs, dans la mesure où les comportements de certains apprentis des cars rapides et ‘’Ndiaga Ndiaye’’ envers les usagers font jusqu’à présent l’objet de plusieurs récriminations. Mais, apparemment, le pari n’est pas gagné avec les bus. ‘’Il y a beaucoup de receveurs qui sont très arrogants’’, accuse Boubacar Thiam qui déclare prendre tous les jours les bus de la ligne 4, depuis 2 ans. ‘’Pour moins de 100 F, je me suis fait insulter par une cliente’’, rétorque Souleymane Diouf, receveur qui se plaint aussi de l’attitude de certains clients qui présentent de gros billets de 5 000 devant les guichets pour payer un tarif de moins de 500 F. Irritant !
Pour le chauffeur Mbengue, deux choses sont à l’origine des injures envers ses collègues dans les bus. D’abord, leur manque de formation, notamment avec le recyclage de certains apprentis des cars rapides en receveurs. Pour améliorer les relations parfois tendues entre passagers et receveurs dans les bus, ces derniers invitent les clients à une bonne compréhension du sens du transport en commun. Selon eux, qui parle de transport en commun parle du sens du partage, d’acceptation de l’autre et de retenue. Mais pour transformer ce vœu en réalité, il faut sans doute une véritable stratégie de communication en direction des passagers.
Afin de mieux comprendre et de vérifier les témoignages contradictoires des protagonistes précitées, nous avons décidé d’embarquer dans un bus pour le retour. En cours de route, hormis les arrêts intempestifs, d’autres faits non évoqués par nos interlocuteurs sont venus allonger la liste des maux évoqués. Il s’agit notamment de l’autorisation accordée aux mendiants et marchands ambulants d’entrer dans les bus à tout moment, à chaque arrêt, avec tout ce que cela implique comme perte de temps notamment avec la restitution de monnaie. Quant aux disputes entre clients et receveurs, nous n’y avons pas assisté au cours de ce trajet impromptu. Néanmoins, avec la chaleur et l’étouffement, toutes les conditions étaient réunies pour en arriver là.
Le transport de nuit et les bagages Les minibus devront remplacer les cars rapides et ‘’Ndiaga Ndiaye’’. Certains Dakarois se demandent déjà ce qu’ils feraient une fois ce jour-là arrivé. En effet, il y a des services offerts par les cars rapides et qui ne sont pas remplis par les minibus, pour le moment. Il s’agit notamment du service nocturne et le transport de bagages. Au Cetud, on promet que les mesures alternatives seront trouvées pour faire face. Sur les heures de travail, par exemple, Ababacar Fall indique que les bus roulent de 6 h du matin à 20 h 30 mn. On se dit donc conscient de la nécessité de prolonger les heures. A Aftu également, on n’écarte pas cette éventualité, mais on met en garde déjà. D’abord Djibril Ndiaye conteste les horaires avancés par le Cetud. Preuve encore une fois que l’Aftu et le Cetud ne parlent pas toujours le même langage. Selon M. Ndiaye, les minibus roulent de 5h voire 4h matin jusqu’à 21h ou 22h. Aussi, ajoute-t-il, Aftu ne peut pas satisfaire la demande de mobilité à certaines heures. ‘’Nous faisons du transport de masse. Nous ne sommes pas là pour transporter des individualités. Il n’y a aucune société où on travaille jusqu’à minuit. Ceux qui veulent se déplacer à certaines heures n’ont qu’à trouver des alternatives. Les taxis par exemple’’, tranche-t-il. |
B. WILLANE