Yewwi Askan Wi tape du poing sur la table
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Autorités religieuses, Administration territoriale, forces de défense et de sécurité. Les leaders de la coalition d’opposants préviennent à tout va. Partout où leurs listes seront arbitrairement rejetées, il n’y aura pas de scrutin.
Villes de Pikine et de Mbour. Communes de Matam (beaucoup de communes), Gorée, Golf-Sud, Tivaouane-Peulh, Sam Notaire, Gandon, Kédougou, Sandiara, Sabadola et Khossanto. Départements de Foundiougne, Kaffrine, Saint-Louis, Mbour. A la date du samedi 6 novembre, la coalition Yewwi Askan Wi a constaté le rejet de ses listes dans au moins 16 circonscriptions, en vue de leur participation aux élections départementales et municipales du 23 janvier 2022.
Devant la presse, les leaders ont appelé l’Administration territoriale, les forces de défense et de sécurité et la justice sénégalaise à être impartiales et d’éviter d’être les marionnettes de la coalition au pouvoir.
‘’Avec ce qui est en train de se passer, nous n’aurons aucune voix dans les communes où nos listes ont été rejetées. Yewwi Askan Wi ne peut pas accepter un zéro pointé à Mbour, qui compte parmi les plus grandes circonscriptions électorales. Partout où nos listes ont été arbitrairement rejetées, nous prendrons les dispositions pour qu’il n’y ait pas d’élections’’, prévient Ousmane Sonko.
Pour le leader du Pastef/Les patriotes, les élections locales revêtent une importance capitale. Car, au soir du 23 janvier 2022, chaque coalition se retrouvera avec un pourcentage de l’électorat. ‘’Il n’y a pas de commune insignifiante, car toutes les voix exprimées seront comptabilisées sur la cagnotte nationale, fait-il remarquer. On saura si ceux qui disent avoir obtenu 58 %, lors de la Présidentielle, restent à ce niveau ou vont chuter. C’est pourquoi nous avons tout fait pour nous présenter partout’’.
Pas de liste de Yewwi, pas d’élection
Après les Législatives polémiques de 2017, s’achemine-t-on vers une nouvelle organisation chaotique d’élections au Sénégal ? Cela semble en prendre la direction pour les représentants de la principale coalition d’opposants pour qui ‘’on a l'impression que c'est la première fois qu'on organise des élections locales au Sénégal pour que la coalition Yewwi Askan Wi puisse voir beaucoup ses listes être rejetées’’. Déthié Fall, mandataire national de la coalition, accuse le président Macky Sall d'être à l’origine des décisions de l’Administration territoriale.
Prenant l’exemple de Matam où le mandataire de la coalition a rejoint au dernier moment le camp présidentiel, il explique : ‘’Lorsque nous avions senti un rapprochement entre notre mandataire et Benno Bokk Yaakaar, nous avions fait une nouvelle liste pour annuler celle se trouvant entre les mains de ce dernier. En tant que mandataire national, j’ai envoyé un mail au préfet du département lui notifiant nos deux nouveaux mandataires qui se sont présentés à la préfecture et à la sous-préfecture avec leurs dossiers. Mais le préfet a refusé. Il nous disait que tant que notre mandataire démissionnaire n’était pas venu, il n’allait pas prendre un autre dossier. On a vu ce qui s’est passé à Golf-Sud et à Sam Notaire ; et nous avons des informations faisant état d'une perspective de rejet des listes de la coalition Yewwi Askan Wi dans les deux plus grandes communes du département de Guédiawaye.’’
Khalifa Sall : ‘’Comment comprendre que nous ayons des rejets et qu’eux n’en déplorent aucun ?’’
Les listes déclarées irrecevables concernent principalement des candidatures de l’opposition. Un fait dont s’est offusqué Khalifa Sall. L’ancien maire de Dakar se demande si le camp autour du président de l’APR est ‘’plus qualifié que nous en matière d’élections. Comment comprendre que nous ayons des rejets et qu’eux n’en déplorent aucun ? Ce n’est pas possible et nous ne devons pas l’accepter. J’appelle tous les mandataires à user de leur droit de consulter toutes les listes déposées dans les préfectures et sous-préfectures pour voir comment elles ont été faites’’.
Dans sa leçon aux autorités territoriales, le socialiste rappelle que la finalité d’une élection territoriale est de faire participer tout citoyen qui désire y prendre part. ‘’La notion de liste incomplète (motif de rejet pour beaucoup de listes de Yewwi Askan Wi) est simplement évoquée par la loi. Que ce soit la partie législative ou la partie réglementaire. Ce mode d'élection est le seul scrutin pour lequel l’on permet jusqu’au terme des 72 heures, au mandataire de corriger et de rectifier ce qu’il a déposé. De quel droit des autorités administratives se permettent-elles de rejeter des listes, en permettant aux uns de rectifier et en le refusant pour d’autres ?’’.
Ces trois jours concernent également les délais de dépôt de recours pour les mandataires concernés. C’est ainsi que Déthié Fall a prévenu : ‘’Nous allons prendre toutes les mesures nécessaires. Nous étions ce matin (samedi, NDLR) avec nos avocats pour discuter avec eux sur les recours que nous comptons déposer dans les différentes cours d'appel concernées par ces mesures.’’ La lutte ne s’arrêtera pas là, ajoute Ousmane Sonko qui assure : ‘’Est-ce que les sous-préfets prennent en compte le travail colossal abattu pour présenter un dossier sur leur table ? Nous allons les poursuivre pénalement et à titre individuel.’’
Ousmane Sonko : ‘’Nous allons les poursuivre pénalement et à titre individuelle’’
Khalifa Sall a, aussi, saisi l’occasion pour rappeler l’importance des élections locales à venir. Depuis que Mahmout Saleh, Directeur de cabinet du président de la République, a assuré à Mbour que ‘’les résultats seront déterminants pour les élections législatives qui se tiendront cinq mois après’’ et qu’ils vont ‘’trancher le débat sur la candidature de Macky Sall à la Présidentielle de 2024’’, l’opposition est en alerte.
De ce fait, retient l’ex-édile de la capitale, ‘’quand ils ont dit que ces élections vont déterminer la posture à prendre en 2024, ils ont challengé le peuple. Si nous les battons maintenant, ils n’oseront pas dérouler leur programme comme ils le prévoient. Il faut les dissuader de penser qu’il est possible qu’ils se présentent en 2024’’.
Principal concerné sur cette question d’une candidature à un troisième mandat, le président de la République a déjà affirmé que, pour l’heure, il ne répond ‘’ni oui ni non’’.
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CONVOCATION DE BARTHELEMY DIAZ MERCREDI PROCHAIN
Khalifa Sall et Ousmane Sonko appellent à la mobilisation devant le tribunal
La conférence de presse des leaders de la coalition Yewwi Askan Wi a été l’occasion, pour eux, de revenir sur la convocation de leur candidat pour la ville de Dakar à comparaître devant la 3e Chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Dakar.
Un homme averti en vaut deux. Et pour Khalifa Sall, la convocation de Barthélémy Dias, après l’officialisation de son investiture comme le candidat de la coalition Yewwi Askan Wi pour la ville de Dakar, n’a rien de gratuit. ‘’On a vécu le 3 mars 2017, le 3 mars 2021, et on veut nous faire vivre le 10 novembre 2021. Nous ne l’accepterons pas. Depuis plus de deux ans, tout le monde sait qu’il veut devenir candidat à la mairie de Dakar. Pourquoi attendre maintenant pour le convoquer ?’’, s’interroge celui qui a été renvoyé du poste que convoite son compère socialiste par un décret présidentiel.
L’ancien maire de Dakar se remémore ainsi les dates de sa convocation et celle d’Ousmane Sonko par la justice, soulevant une volonté des autorités politiques de les effacer des listes électorales. Si cela a marché pour son cas, Khalifa Sall ne compte pas laisser son n°2 tomber dans le traquenard.
Cette affaire remonte à fin 2011. Barthélémy Dias, armé, avait ouvert le feu en direction de quelques nervis du Parti démocratique sénégalais (PDS) qui encerclaient la mairie de Mermoz Sacré-Cœur, dont il est l’édile. L’un des assaillants avait été retrouvé mort, sans qu’il soit possible d’affirmer qu’il a été l’auteur du coup de feu mortel. L’épisode lui avait valu une condamnation en 2017 à deux ans de prison, dont six mois ferme, pour coups et blessures volontaires et détention illégale d’arme – une peine alors couverte par sa détention provisoire en 2012. Toutefois, il avait interjeté appel de cette décision et, depuis juillet dernier, son audition était prévue pour le 10 novembre 2021.
Ces faits ne convainquent toutefois pas Khalifa Sall. Ce dernier estime qu’en politique, rien n’est innocent. ‘’Nous nous connaissons dans ce pays. Quand cette date était fixée, l’on savait qu’il serait candidat à la mairie de Dakar. Barthélémy ne sera pas le troisième agneau du sacrifice. Le 10, il sera accompagné par tout Dakar pour répondre à sa convocation. On ne peut plus laisser ce pouvoir choisir ses adversaires’’, prévient-il.
Une position que pousse Ousmane Sonko encore plus loin. Selon le leader du Pastef, cela fait ‘’10 ans que son (Barthélémy Dias) dossier est pendant devant la justice. On attend qu’il dépose sa candidature à la mairie de Dakar pour le convoquer. Si j’étais lui, je n’irais pas’’. Le candidat à la mairie de Ziguinchor poursuit appelant à la mobilisation pour soutenir l’ancien député socialiste. ‘’S’il décide de déférer à la convocation, je demande à la jeunesse sénégalaise, tous les épris de justice, de l’accompagner au tribunal. Que personne ne nous devance là-bas mercredi’’, appelle-t-il.
Sûr de ses propos, le leader de Pastef/Les patriotes réaffirme que Barthélémy Dias sera le candidat de Yewwi Askan Wi à Dakar, ‘’le futur maire de Dakar (s’il plait à Dieu). Personne n’y peut rien’’.
Le parquet général dégage toute connotation politique Devant l’ampleur de la polémique liée à la convocation de Barthélémy Dias, ce mercredi 10 novembre 2021, le procureur général a jugé nécessaire d’apporter ses précisions. Dans une note publiée ce samedi, Lassana Diabé Siby a rappelé que ‘’cette citation à comparaître n’est que la suite normale du renvoi de l’affaire à la date du 10 novembre 2021 fixée depuis l’audience du 7 juillet 2021’’. Par conséquent, estime le parquet général, ‘’il est donc clair que cette date d’audience, connue de Barthélémy Dias et de ses avocats depuis le 7 juillet 2021, n’a rien à voir avec sa désignation comme candidat de ladite coalition à la ville de Dakar intervenue récemment. Au nom de la séparation des pouvoirs, le calendrier judiciaire ne saurait s’arrimer à celui d’échéances électorales’’. |
Lamine Diouf