Publié le 4 Mar 2013 - 18:11
SANTÉ

Contaminée à la naissance, une petite fille est «guérie» du sida

 

Dr. Deborah Persaud, virologue au Centre pédiatrique Johns Hopkins de Baltimore, Maryland, auteure de l'étude sur le premier cas de guérison «fonctionnelle» du sida.

Pour la première fois une enfant née avec le virus du sida est aujourd’hui considérée comme guérie. L’annonce en a été faite lors de la 20e conférence annuelle sur les rétrovirus réunie du 3 au 6 mars 2013 à Atlanta, aux Etats-Unis. Cette guérison représente un nouvel espoir parce qu’elle rapproche un peu plus la perspective de parvenir à vaincre cette maladie qui touche 34 millions de personnes dans le monde, dont 24 en Afrique subsaharienne.

 

L’enfant, une fille dont ni le nom ni le prénom ne sont connus, est née fin 2010 dans le Mississipi. Dès sa naissance elle est contaminée par le virus du sida (VIH) transmis par sa mère séropositive qui ignorait être infectée. Aujourd’hui, l’enfant est apparemment guérie. Les médecins ont constaté que le virus n’avait pas complètement disparu mais sa présence est tellement réduite que le système immunitaire de l’enfant parvient à le contrôler sans qu’il soit nécessaire de lui donner un traitement antirétroviral. C'est ce que les médecins appellent une guérison « fonctionnelle ».

 

Traitement exceptionnellement précoce

 

Le cas de cette petite fille a été le clou de la 20e conférence annuelle sur les rétrovirus et les infections opportunistes qui se tient du 3 au 6 mars à Atlanta aux Etats-Unis. Même s’il faut évidemment rester très prudent et attendre de voir si cette « guérison » inédite est reproductible, elle n’en représente pas moins un espoir réel.

 

Un seul autre cas de guérison complète officielle existe, il concerne Timothy Brown dit le patient de Berlin, un homme séropositif qui a subi en 2007 une greffe de moelle osseuse pour traiter une leucémie. Or, il se trouve que cette moelle était porteuse d’une mutation génétique rare bloquant l’entrée du virus dans les cellules. Cet exemple bien particulier est unique jusqu’à ce jour et risque bien de le rester encore longtemps.

 

Le traitement mis en place sur l’enfant américain, moins de 30 heures après sa naissance et avant même de savoir si elle était infectée, a consisté en une trithérapie. Les chercheurs estiment que la précocité inhabituelle du traitement explique probablement sa guérison « fonctionnelle » parce qu'elle a permis de bloquer la formation de réservoirs de virus difficiles à traiter. Ce sont ces cellules « dormantes » qui, chez la plupart des personnes séropositives, font remonter l’infection dans les semaines qui suivent une interruption des antirétroviraux.

 

Dans le monde, 300 000 bébés concernés

 

La pédiatre Hannah Gay de l’hôpital universitaire de Jackson (Mississipi) qui a reçu la petite fille dans les heures suivant sa naissance, a constaté sous traitement antirétroviral, une diminution progressive de la charge virale jusqu’à ce qu’au 29e jour, le virus devienne indétectable. L’enfant a ainsi poursuivi son traitement jusqu’à ses 18 mois, âge auquel les médecins perdent sa trace durant dix mois. Aucun traitement antirétroviral ne lui est administré durant cette période.

 

Quand la petite fille revient à l’hôpital, les médecins font aussitôt des tests pour voir où en est l’enfant. Et là, ils constatent que la présence du VIH est indétectable, seules des traces sont repérées grâce à des analyses génétiques mais qui sont insuffisantes pour se répliquer. Un tel résultat après des mois sans traitement est rarissime et le cas de cette enfant, guérie selon toute apparence, pourrait bien changer la pratique médicale actuelle. Au vu de ce résultat, la virologue Deborah Persaud, principale auteure de l'étude clinique sur ce cas, estime qu'il serait intéressant d'instaurer un traitement antirétroviral beaucoup plus tôt qu'on ne le fait actuellement pour les nouveau-nés à haut risque. « Cela permettrait, souligne-t-elle, d'obtenir une très longue rémission sans antirétroviraux ».

 

Cela dit, dans tous les cas où cela est possible, le mieux est de traiter par antirétroviraux les femmes enceintes séropositives. Quand ce traitement est mis en œuvre il permet dans 98% des cas d’empêcher la transmission du virus de la mère à l’enfant. Mais dans les pays pauvres seules 60% des futures mamans reçoivent des antirétroviraux et ainsi, chaque année, quelque 300 000 enfants naissent infectés dans le monde. C’est pour ceux-là notamment que le traitement dont a bénéficié précocement la petite Américaine pourrait s’avérer salvateur.

 

RF

 

 

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