Un casse-tête juridique
Au moment de la succession, il arrive souvent que les héritiers soient en butte aux règles de droit qu’ils méconnaissent. Il y a couramment l’équation de la nouvelle épouse, l’absence de l’état civil, l’indignité successorale, entre autres questions abordées par Me Ousseynou Ngom, avocat à la Cour. Celui-ci demande aux polygames d’établir des testaments.
A entendre Me Ousseynou Ngom, au Sénégal, l'on pense, de prime abord, que les conflits liés à la succession touchent généralement toutes les familles. ‘’Il n’y a pas de caractéristiques fondamentales. Toutes sont logées à la même enseigne, en termes de difficulté’’, juge l’avocat à la Cour. D’après son argumentation, ces difficultés résultent souvent du mode de saisine des juridictions, en ce sens que les familles ne connaissent pas exactement les voies et moyens pour saisir un tribunal, afin d’obtenir une décision. Parce que la question est tout simplement taboue.
Cependant, quelle que soit la sensibilité de la question, des conflits ouverts naissent, lorsque le défunt était polygame et/ou a un patrimoine consistant. ‘’Il y a beaucoup de familles polygames et il peut arriver qu’un héritier enclenche une procédure de liquidation, alors que les autres ne veulent pas, ou qu’un autre émette le souhait de vendre une maison et que les autres ne soient pas consentants’’, explique Me Ngom.
Concernant les familles riches, les différends surviennent souvent lorsqu’un ayant droit émet le souhait de se voir attribuer un bien et que les autres ne soient pas d'accord. Les autres sources de conflits proviennent souvent du fait d’une nouvelle épouse qu’on veuille exclure à dessein, car on la considère comme une profiteuse de dernière heure. En fait, d’après les explications de la robe noire, ‘’il arrive très souvent que des héritiers introduisent une procédure sans y associer la nouvelle épouse du défunt’’. Il est heureux de constater, pour ce cas de figure, que des voies de recours existent, car tout intéressé peut faire une tierce opposition au jugement d'hérédité, notamment.
Outre les conflits entre membres d’une même famille, la succession peut être retardée par les héritiers eux-mêmes qui peinent à prouver leur qualité. Il s’agit de la lancinante problématique de l’absence d’état civil. ‘’Les héritiers sont souvent confrontés à cette situation source de blocage qui fait que le juge est souvent obligé de surseoir, en attendant d’obtenir un jugement supplétif de mariage’’ par exemple, se désole Me Ngom.
Indignité successorale
Par ailleurs, il faut souligner qu'il existe des cas où un héritier est écarté d’une succession. C'est l’indignité successorale. Selon notre interlocuteur, un héritier qui passe outre les volontés du défunt peut être tout simplement écarté. ‘’Si, de son vivant, le défunt avait, par exemple, demandé à ses héritiers de rester dans l’indivision, ils sont obligés de respecter sa volonté. Si l’un d’eux passe outre, les autres peuvent invoquer l'indignité successorale et l’écarter de la succession’’.
Pour éviter d’en arriver là, l’ancien président de l’Association des jeunes avocats du Sénégal (Ajas) recommande l’élaboration d’un testament, lorsqu’il s’agit d’un homme polygame notamment, dans la mesure où les procédures peuvent durer des années.
En cas de donation ou de vente d'un bien appartenant au défunt à l’un des héritiers, comme cela arrive souvent, Me Ngom relève qu’il est beaucoup plus prudent, pour ce dernier, de faire la mutation des biens concernés à son profit, pour éviter des contestations ultérieures qui peuvent aboutir à une annulation. Par ailleurs, l’héritier a la possibilité de renoncer à la succession et c’est dans le cas où le passif du défunt l’emporte sur ses actifs. ‘’Au lieu d’hériter des biens, il peut se retrouver avec des dettes à rembourser. Dans ce cas, il peut demander à être écarté de la succession’’, renseigne le conseil. Il peut également faire une acceptation sous bénéfice d'inventaire qui correspond à l'hypothèse où l'acceptation de l'héritage ne porte que sur l'actif et non sur le passif.
Des différends peuvent aussi surgir entre avocats et héritiers. D'après Me Ousseynou Ngom, généralement, ses confrères n’ont pas de rôle actif. Ils n’administrent pas, sauf dans l'hypothèse où ils sont désignés comme séquestres. Cependant, renseigne-t-il, souvent, les tiraillements sont nés, s’il y a vente des biens et l’avocat est en droit, dans ce cas, de réclamer des honoraires proportionnels de recouvrement d’une manière générale. Malheureusement, dit-il, "les justiciables ne voient pas d’un bon œil les honoraires de recouvrement différents des honoraires de base".
FATOU SY