Le cri de détresse du personnel soignant
A Thiès, où trois agents de santé ont déjà été infectés, certains travailleurs crient leur ras-le-bol et sollicitent, de l’autorité, un matériel de travail et de protection efficace pour mieux se prémunir du nouveau coronavirus.
Ils sont au cœur de la gestion hospitalière, incontournables dans les centres et postes de santé les plus reculés. Eux, ce sont les agents de santé, des blouses blanches affectueusement appelées ‘’docteurs’’ dans certains patelins. Dépourvus parfois de munitions, ils essaient de neutraliser l’ennemie, en ce temps de guerre.
Malgré le risque qui s’amplifie de jour en jour, avec la multiplication des cas communautaires, ils restent debout, prêts à payer un lourd tribut pour sauver des vies. Mbour 1, situé dans la commune de Thiès-Ouest, en est une parfaite illustration. Trois membres du personnel d’une structure sanitaire de niveau 2 ont eu à choper la maladie, en essayant de sauver d’autres individus. Internés au centre de traitement de Diamniadio, ils ont finalement été guéris de la Covid-19. Mais le mal persiste. Le risque étant permanent pour ces gens qui sont souvent en contact avec les populations. Il n’empêche, les personnels refusent de lâcher prise. Un agent de santé, affirme le secrétaire général du Syndicat unique des travailleurs de la santé et de l’action sociale (Sutsas) de la section départementale de Thiès, ne doit fuir devant aucune maladie. Mais, s’empresse de déplorer le syndicaliste, il y a un véritable déficit, en ce qui concerne le dispositif préventif.
Sans gels, sans masques chirurgicaux, le personnel n’arrête pas de se plaindre, explique Pape Mor Ndiaye. ‘’Quelquefois, les agents portent un masque toute la journée et même pendant 24 heures, alors que ce n’est pas normal. On devrait les changer toutes les trois heures. Voilà la situation dans laquelle nous nous trouvons’’, ajoute-t-il.
En service au centre hospitalier régional El Hadj Ahmadou Sakhir Ndiéguène de Thiès, le syndicaliste demande ainsi aux autorités de leur octroyer assez d’outils de protection. Ceci est une question urgente de santé publique, insiste-t-il. ‘’Nous devons être protégés, parce que nous recevons des gens qui viennent de la communauté. Notre protection est fondamentale pour faire face à cette crise. Le manque de matériel est, en partie, à l’origine des infections que nous avons notées dans nos rangs’’, poursuit le camarade de Mballo Dia Thiam.
‘’Les agents n’ont pas peur et ne fuient pas les malades’’
Si la ‘’maladie’’ des masques, des gants… frappe le cœur du centre hospitalier régional de Thiès, au niveau des postes de santé, la situation est beaucoup plus alarmante. C’est le cas à Keur Mame El Hadj. Dans ce poste de la cité religieuse, dit-on, le personnel n’a que du gel pour se protéger du coronavirus. N’eût été la diligence des bonnes volontés et de la municipalité de Tassette qui ont volé au secours du personnel, la nouvelle structure sanitaire ressemblerait aux maisons familiales où le gel hydro-alcoolique est exposé à l’entrée. ‘’Depuis le début de la pandémie, on n’a reçu aucune dotation venant du district sanitaire de Thiès. Le seul matériel dont nous disposons nous a été offert par le maire de Tassette. Ce don est composé uniquement de gel hydro-alcoolique, d’eau de javel, de détergent et du savon. Les seuls masques que nous avons dans notre poste de santé, nous ont été offerts par l’association Les Amis de l’hôpital Ahmadou Sakhir Ndiéguène’’, confie le Dr Iba Diagne.
A en croire ce dernier, le stock de masques est presque épuisé. ‘’Au poste de Keur Mame El Hadj, ajoute Dr Diagne, le personnel médical n’a que du gel pour se protéger du nouveau coronavirus. De son côté, l’infirmière-cheffe de poste de la cité Ass Barro Ndiéguène, consciente de la dangerosité du virus avec la multiplication des cas communautaires, demande qu’on leur octroie des masques chirurgicaux. Pour elle, c’est de cette façon qu’il faut protéger tout le personnel soignant du pays. ‘’La maladie, dit-elle, a pris une dimension inquiétante. A l’heure où on ne sait pas qui est porteur du virus, l’autorité doit penser à nous. On ne peut pas travailler sans masques chirurgicaux. C’est vraiment dangereux et risqué à la fois. Dans notre poste, aucun dispositif n’a été pris. Nous sommes exposés au virus. Parce que pour se protéger, nous n’avons que le gel hydro-alcoolique et nos masques qui s’épuisent. Il nous faut du matériel de protection individuel’’.
Malgré cette grande précarité, le secrétaire général du Sutsas/Section de Thiès soutient que ce n’est pas la première fois que le personnel de santé vit une telle crise. Pour lui, il est hors de question de céder face à cette maladie à coronavirus. ‘’Nous sommes des agents de santé. C’est vrai qu’il y a certains qui hésitent, parce qu’ils ne sont pas sécurisés. Mais on ne fuit pas les malades. Il faut que l’État pense à nous sécuriser davantage et les gens seront plus aptes à faire face à la pandémie’’.
Pour sa part, le médecin-chef de la région médicale de Thiès, joint par ‘’EnQuête’’, indique que le matériel ne manque pas au niveau opérationnel. Docteur Malick Ndiaye précise, par ailleurs, que pour ce qui concerne l’outil de protection individuelle, c’est un matériel souvent destiné aux médecins qui sont en contact direct avec les cas suspects pour effectuer les prélèvements.
En dépit des assurances du patron de la région médicale de Thiès, la grogne se poursuit toujours à la base.
GAUSTIN DIATTA (THIES)