Publié le 18 Oct 2013 - 19:25
TRAFIC ET USAGE DE STUPEFIANTS

Quand la drogue offre une jeunesse malsaine à Macky Sall

 

 

L'OCRTIS vient de mettre la main sur 600 kg de chanvre indien destinés à approvisionner le marché dakarois. Cet épisode, dans la longue lutte contre le trafic de stupéfiants, succède au scandale qui a éclaboussé la Police. Il met aussi à nu une réalité tenace sous nos cieux. La drogue est en train de décimer les populations, notamment les jeunes….

 

 

Dimanche 6 octobre. Dans un des coins du quartier populeux de Grand-Yoff, une jaguar de couleur grise stationne. La voiture de luxe n'attire pas les regards. Le chauffeur est un habitué des lieux. Il se gare, discute avec des jeunes du quartier, dont la plupart sont au chômage, procède à un échange de marchandise et puis repart tranquille.

Dans ce quartier, on soupçonne un deal, une vente de boulettes de drogue, mais personne n'élève le ton. On n'en parle qu’en sourdine. Comme si les usagers inspirent la peur dans le coin. Dans ce quartier, à l’image d’autres, la drogue se vend au vu et au su de tous.

Plus loin, dans un des quartiers des Hlm, le même scénario. En ce début du mois d’octobre, vers les coups de 18h, une longue file indienne ne manque pas d’attirer l’attention. Les visages et regards sont éloquents. Des jeunes, chômeurs, élèves, étudiants, ouvriers et autres, attendent tranquillement et avec assurance l’arrivée de la marchandise. Renseignement pris, ils sont venus se procurer du chanvre indien.  ''Il en est ainsi depuis des années. On évite de passer par là. Tout le monde connaît les motifs de leur présence ici, mais personne n’ose les dénoncer'', confie une jeune élève de 22 ans. Le hic, des enfants, de 2 à 5 ans, habitués à un tel scénario, se faufilent tout innocents dans les rangs sans que cela n’offusque les parents. Voir des jeunes acheter du chanvre indien ou autre drogue est devenu une scène banale dans ce coin.

Idem au quartier Fith Mith de Guédiawaye, tout comme à Yeumbeul et dans d’autres parties de la capitale sénégalaise. Il est tout aussi fréquent de croiser des groupes de jeunes en train de ''shooter'' en plein jour. Leurs visages assombris par la fumée portent les stigmates du chanvre indien. Ils ont leur coin. Ils fument quand bon leur semble, vu qu’ils n’ont pas d’autres activités. C’est ce triste scénario qui a cours un peu partout dans Dakar. Que ce soit dans les quartiers résidentiels ou dans les quartiers populaires, certaines boutiques, point de vente de « café touba », recoins et alentours des écoles sont transformés en fumoir de substances enivrantes, ce, à l’insu des parents qui pour la plupart n’y voient que du feu.

 

«La drogue se vend comme des arachides dans Dakar, à 300  F Cfa…. »

Marc Ndome, le secrétaire général du centre de sensibilisation Jacques Chirac de Thiaroye, structure mise en place en 1981, tire la sonnette d’alarme.  ''La drogue a de nos jours investi tous les milieux, toutes les couches sociales''. Il impute cette situation à la morosité économique du pays. ''On se drogue souvent quand on a des problèmes et aujourd’hui tout le monde a des problèmes'', lâche-t-il.

Une explication assez simpliste qui reflète bien une triste réalité. Aujourd’hui, la drogue est à portée de main et de prix, poussant même certaines langues à souligner qu’elle se vend aujourd’hui comme des arachides dans Dakar. A  titre d’exemple, ''le cannabis se vend dans différents marchés à la modique somme de 300 F Cfa. Il suffit juste de maîtriser le langage, de cerner les rouages du milieu pour se le procurer facilement'', confie notre interlocuteur, un homme du sérail.

Pour des sources bien informées, les dealers et leurs clients ont leur point de rencontre au marché Thiaroye. Ils s’y approvisionnent facilement depuis des années, alors que la police est juste à côté.  De ce fait, le cannabis semble avoir de beaux jours devant lui. Il est à l’heure actuelle la drogue la plus prisée dans notre pays, à cause de la modicité de son prix et de son accessibilité. ''Il y aussi la résine de cannabis appelée haschisch, qui vient du Maroc. Elle est relativement chère. L’huile de cannabis, un peu rare en Afrique et qui provient du Kenya, est aussi chère'', confie Marc Ndome dont le service basé dans la banlieue dakaroise lutte depuis sa création, en 1981, contre la toxicomanie.

Dans cette partie reculée de Dakar, où la plupart des jeunes s’activent dans l’informel s’ils ne sont pas au chômage, le ''guinz'' (sniffer du dissolvant, de la colle cellulosique) constitue aussi un moyen de noyer le stress du quotidien. Ce sont ''les talibés et les autres enfants qui se l’approprient facilement. On vend la bouteille dans les quincailleries''. Les jeunes des autres quartiers l’achètent sans aucune difficulté.

 

L’héroïne et autres drogues dures en baisse constante

Après l’alcool qui se vend de plus en plus dans des dosettes de 100 F un peu partout, viennent la cocaïne, l’héroïne et autres drogues dures. Leur consommation serait en baisse constante dans notre pays, en raison de la cherté de leur prix. Elles sont réputées être des drogues de riches, les drogues de classe. ''Il faut casquer entre 10.000 F et 15.000 F pour une quantité relativement faible. Pour une consommation d’un à deux jours''. 

Impuissant devant l’ampleur du phénomène, le centre Jacques Chirac de Thiaroye, malgré ses maigres moyens, essaie tant bien que mal de prendre le taureau par les cornes. Il met l’accent sur la communication. ''Nous accueillons les drogués, nous les écoutons et si nécessaire, les orientons vers les hôpitaux. S’il y a nécessité de faire la répression, la police intervient''. Une tâche ardue face à un manque criard de moyens. Le centre dégage des signes de précarité, avec ses meubles empoussiérés et une salle d’attente vétuste. Le centre Jacques Chirac de Thiaroye donne l’image d’un bâtiment à l’abandon. Pour autant, il continue à accueillir plus d’une centaine de jeunes par jour. ''Nous recevons 300 jeunes par jour. Il y a autant de garçons que de jeunes filles'', nous confie le secrétaire général du centre. Mais, précise-t-il, la plupart de ces jeunes de la banlieue y viennent pour pratiquer le sport. ''Certains optent pour le basket. D’autres viennent vers 18 heures pour la boxe et le karaté, alors qu’une partie s’intéresse à la culture sportive, plus précisément la musculation''.

 

Comment reconnaître que son enfant se drogue

D’ailleurs, les jeunes qui s’entraînent au basket apportent de l’animation au centre. Ils sont très concentrés et ne se soucient guère de la présence du visiteur. Ils servent souvent de relais,  en vue de sensibiliser leurs pairs sur les conséquences néfastes de ces substances qui plongent toujours les parents dans un état de choc. Ils tombent toujours des nues quand ils apprennent que leurs enfants se droguent.  ''Ils ne s’y attendent jamais. Souvent, c’est la maman qui conduit chez nous son enfant. Elle cherche à discuter avec l’assistante sociale après avoir remarqué que son enfant est agité, qu’il est souvent en conflit avec la famille. Dans un premier temps, les parents ne se doutent de rien. Ils pensent que leur enfant est victime de 'rab' et de 'djinn'''. C’est nous qui les informons. Ce après que l’assistant a discuté avec l’enfant. Il engage ensuite une discussion à trois. C’est normal que les parents ne puissent pas s’imaginer cet état de fait. Ils sont d’une autre génération et pas très familiers à la drogue''.

Pour autant, des signes peuvent éveiller des soupçons chez les parents, selon le secrétaire général du centre. ''C’est lorsque le langage de l’enfant est un peu débridé. Il commence à insulter à tout vent et est très violent''. ''Le plus souvent, ces jeunes se répandent en regrets, car ils se rendent compte du mensonge des toxicomanes qui leur font croire au début que ces produits aiguisent l’intelligence. Or, ils les exposent à plusieurs risques, tels l’overdose qui mène à la folie''.

 

 

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