Quid de l’appel à candidatures ?
Après la nomination d’un gouvernement qui avait suscité beaucoup d’adhésion et d’enthousiasme, le choix, avant-hier, des directeurs généraux et dirigeants de certains établissements a provoqué pas mal de questions. Le régime a-t-il oublié sa promesse de procéder par appel à candidatures pour les postes de directeurs généraux et dirigeants de structures stratégiques ?
Nommer les directeurs généraux et dirigeants de structures stratégiques par appel à candidatures, c’était la promesse, très bien accueillie par la plupart des Sénégalais qui attendent des changements profonds, à l’aune de la nouvelle alternance. Certains n’ont pas manqué d’exprimer leur déception, suite aux premières nominations de l’ère Diomaye pour les sociétés et établissements stratégiques. D’aucuns pensent que ce qui est en train d’être fait ne correspond pas aux engagements qui ont été pris.
Si les responsables n’ont pas daigné apporter des explications pour le choix direct de cette première cohorte, des militants ont voulu se défendre en invoquant les stipulations du programme qui n’a jamais visé tous les postes. Il ressort, en effet, du Projet que s’ils accèdent à la magistrature suprême, Diomaye et Sonko vont ‘’consacrer l’appel à candidatures pour certains emplois de la haute fonction publique et du secteur parapublic’’ et vont ‘’normaliser les recrutements civils et militaires par le recours exclusif au concours qui garantit l’égalité des chances à tous les citoyens’’.
Ils tiennent à souligner le mot ‘’certains’’ pour signifier qu’il n’a jamais été question de passer par un appel d’offres pour tous les postes de la haute Administration.
Toutefois, personne n’a précisé ce que l’on peut comprendre par ‘’certains emplois de la haute Fonction publique et du secteur parapublic’’.
En attendant d’avoir des réponses, on est tenté de se demander quelle est la finalité de l’appel à candidatures, si l’objectif n’est pas de pourvoir aux postes les plus stratégiques, les plus importants ? À quoi cela servirait-il de recourir à l’appel à candidatures pour des postes de moindre envergure ?
Ces questions sont d’autant plus légitimes que, lors d’un entretien avec l’activiste Abdou Karim Guèye Xrum Xax, le leader du Pastef déclarait : ‘’Le problème est que le président de la République a un droit de vie et de mort sur tous les fonctionnaires, civils comme militaires ; et ce n’est pas normal.’’
Les prémices d’un reniement
Dans cette vidéo qui remonte à quelques années, interpellé sur les pouvoirs exorbitants du président de la République et sur le mode de nomination de certains directeurs généraux, il disait que ces manières de faire sont à l’origine de tous les maux de l’Administration. ‘’On a vu nombre de hauts fonctionnaires ramper devant le pouvoir, parce que si tu veux être directeur ou directeur général, il faut rejoindre le camp du pouvoir. Ce sont des pratiques qui existaient déjà sous le Parti socialiste – on avait certes des DG politiques - cela avait augmenté sous Wade, mais sous le président Macky Sall, cela a atteint des proportions jamais égalées. Aujourd’hui, tous les directeurs généraux sont obligés de faire la politique. Vous les voyez en pleine journée aller faire la politique au lieu d’être à leur bureau. Nous allons y mettre un terme’’, disait-il.
C’est quoi nommer par appel d’offres ? Quels doivent être les critères devant servir de base à la nomination de certains responsables ?
L’actuel PM Ousmane Sonko s’était voulu très clair sur ces questions : ‘’Si on doit nommer un directeur général, expliquait-il à Xrum Xax, on va demander à toutes les personnes intéressées de déposer leurs dossiers. On mettra une commission mixte spécialisée qui va examiner les dossiers sur la base de critères objectifs et clairs. Il s’agit de la compétence, de l’ancienneté, de l’intégrité… Sur la base de ces critères, on va choisir trois dossiers qu’on va soumettre au président de la République. Et c’est lui qui va choisir.’’
Les nouveaux dirigeants de ces sociétés seront-ils exemptés de faire de la politique ? En tout cas, les promoteurs de l’antisystème ont promis tout bonnement d’interdire à certains hauts responsables de faire de la politique. Cela est d’ailleurs écrit noir sur blanc dans le programme présidentiel de Diomaye Faye. ‘’Nous renforcerons la neutralité de l’Administration publique en interdisant le militantisme politique aux directeurs de certains départements ministériels (par exemple les régies financières) et les sociétés d’État…’’, indique le Projet.
Autrement dit, dans l’esprit de ce texte, les directeurs de tels établissements ne doivent plus occuper certains postes de responsabilité dans le parti. Là également, Diomaye s’inspire bien de Sonko qui a toujours soutenu que certains DG ne doivent pas avoir de coloration politique marquée. Il en a d’ailleurs fait la promesse dans son livre ‘’Solutions pour un Sénégal nouveau’’. Commentant ledit ouvrage, il disait : ‘’Comme je le dis dans mon livre, on prendra des dispositions pour dire : à un certain niveau de responsabilité dans l’Administration, il est formellement interdit de faire de la politique activement. Il (le dirigeant concerné) peut cependant avoir son opinion, peut-être même détenteur de carte de membre d’un parti. Mais pas aller battre campagne par exemple, tenir des meetings ou des réunions politiques. Nous allons y mettre un terme’’, disait-il, ‘’convaincu’’ que les fonctionnaires doivent se mettre exclusivement au service de l’État et de l’intérêt général.
Quelques directions restantes pour sauver l’honneur Même si la première vague de nominations a créé une certaine déception chez ceux qui croyaient à ces promesses, vu le caractère stratégique de certains établissements concernés, l’espoir est permis avec ce qui reste des directions et autres agences d’exécution stratégiques. Parmi elles, il y a la Direction générale des Impôts et des Domaines, la Direction générale des Douanes, la Senelec, Dakar Dem Dikk, la Lonase, la Sones, la BNDE… Il convient de noter qu’à quelques exceptions près, ces postes ne sont en rien plus stratégiques que celles déjà pourvues comme le Port autonome de Dakar, la Caisse des dépôts et consignations, l’AIBD, la RTS, l’Apix, l’Onas, la Direction des domaines, entre autres. |