Publié le 22 Feb 2023 - 17:38
VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS AU MALI

Les partenaires militaires russes mouillés

 

Au Mali, plusieurs acteurs indiquent que les membres du personnel militaire et de sécurité russe participaient aux hostilités/opérations de combat et qu’ils auraient commis des violations et atteintes graves aux droits humains, selon Alioune Tine.

 

Globalement, les groupes extrémistes violents ont continué d’être les principaux auteurs présumés de la majorité des violations et atteintes aux droits humains au Mali, au cours des deux derniers trimestres de l’année 2022, selon Alioune Tine qui a effectué une visite officielle dans le pays du 6 au 17 février.

Cependant, le fondateur d'Afrikajom Center interpelle sur les allégations des violations commises par les forces de défense et de sécurité maliennes (FDSM) et leurs partenaires militaires russes.

''Plusieurs acteurs avec lesquels je me suis entretenu lors de ma visite ont déclaré que les membres du personnel militaire et de sécurité russe (qu’ils désignaient par le nom de Wagner) participaient aux opérations militaires, terrorisaient les villageois, exécutaient des civils, volaient les biens des populations y compris le bétail et les bijoux, et violaient des femmes. D’autres ont mentionné que les membres du personnel militaire et de sécurité russe collaboraient avec les chasseurs traditionnels dozos dans certaines opérations militaires'', dénonce l'ancien président du Comité sénégalais des Droits de l'homme.

De plus, relève M. Tine, certains acteurs ont exprimé des préoccupations sur des problèmes de communication de certains membres du personnel militaire et de sécurité russe qui ne parlaient ni français, ni anglais, ni les langues locales. Il existait ainsi des risques réels de confusions sur l’identité des suspects qu’ils recherchaient et/ou interpellaient lors de leurs opérations. ''J’ai notamment fait part aux autorités maliennes de mes préoccupations sur les allégations que j’ai reçues, selon lesquelles les partenaires militaires russes du Mali procèderaient à des arrestations lors des opérations militaires, qu’ils détiendraient au secret des suspects (notamment dans un lieu de détention non officiel situé aux environs de l’aéroport de Mopti-Sévaré, dans la région de Mopti) et qu’ils soumettraient ces suspects a des interrogatoires sous la torture'', renseigne l'ancien directeur régional d'Amnesty International.

La ''sous-traitance des enquêtes préliminaires''

Selon M. Tine, plusieurs acteurs ont décrit un phénomène qu’ils ont qualifié de ''sous-traitance des enquêtes préliminaires''. Il soutient que ceci se manifestait par le fait qu’au lieu de transférer à la gendarmerie les personnes arrêtées lors des opérations militaires, certains membres des FSDM confiaient parfois l’interrogatoire et la détention de ces personnes aux membres du personnel militaire russe.

Cette ''sous-traitance des enquêtes préliminaires'' était l’occasion des violations graves des droits humains, aux yeux d'Alioune Tine.

''Les autorités maliennes ont de nouveau insisté sur le fait que les membres du personnel militaire russe présents au Mali étaient des instructeurs militaires déployés dans le cadre d’une coopération bilatérale d’État à État pour former les FDSM à l’utilisation du matériel militaire acquis auprès de la fédération de Russie ; que ce personnel militaire russe ne participait jamais aux opérations de combat et donc, il ne pouvait pas être impliqué dans des violations des droits humains sur le théâtre des opérations'', relate M. Tine.

D'après lui, les autorités ont pris l’engagement de mener des enquêtes sur ces allégations portant sur des violations impliquant le personnel militaire russe. Tout en prenant acte des déclarations des autorités maliennes, il souligne que ''des sources crédibles'' lui ont confirmé les accusations portées sur les Russes.

Absence de poursuites judiciaires

Enfin, Alioune Tine rapporte que lors des entretiens qu'il a eus avec certaines autorités maliennes, ces dernières ont réfuté les allégations des violations attribuées aux FDSM, en affirmant que ces dernières ne pouvaient pas commettre des violations, parce qu’elles avaient été formées en droit international des droits humains (DIDH) et en droit international humanitaire (DIH).

''Il est vrai que les formations et sensibilisations en DIDH et en DIH constituent l’un des outils de prévention des violations des droits humains. Cependant, comme l’expérience l’a démontré ailleurs et au Mali, les formations et sensibilisations à elles seules ne suffisent pas pour empêcher ces violations. C’est pour cette raison que les activités de sensibilisation devraient s’accompagner de poursuites judiciaires contre les auteurs présumés des violations ou atteintes aux droits humains'', réplique l'ancien secrétaire général de la Raddho.

En effet, ces poursuites judiciaires sont une dissuasion forte qui contribue efficacement à la prévention des violations ou atteintes aux droits humains. Cependant, dit Alioune Tine, l’absence des poursuites en justice des auteurs des violations ou atteintes aux droits humains perpétue le sentiment d’impunité, donnant l’impression qu’un quitus serait accordé aux potentiels auteurs de violations des droits humains et qu’ils seraient protégés et pourraient donc continuer à agir en toute impunité.

Au-delà des violations et atteintes aux droits humains liées au conflit armé, Alioune Tine exprime ses  préoccupations par rapport au rétrécissement de l’espace civique, de la liberté d’expression et d’association, et le développement de l’autocensure. ''Je suis sérieusement préoccupé par les attaques et le lynchage médiatique contre les défenseurs des droits humains, qui n’épargnent même pas la CNDH. J’ai moi-même fait l’objet d’attaques verbales sur les réseaux sociaux avant et pendant ma visite'', fustige-t-il.

BABACAR SY SEYE

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