Le M23 accusé de préparer une nouvelle guerre
Plusieurs sources affirment que les rebelles, toujours aux portes de Goma, ont récemment reçu des bataillons « rwandais » pour renforcer leurs rangs en cas d’échec des pourparlers avec Kinshasa. Des soldats rwandais, eux, ont expliqué leur présence par une chasse des rebelles des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).
Le M23 garde un œil sur Goma. Le groupe armé s’est retiré le 1er décembre de cette ville clé de l’est de la République démocratique du Congo après onze jours d’occupation, et sur demande des Etats de la région des Grands Lacs. Mais pour combien de temps ? La question taraude de nombreux citoyens de la capitale de la riche province minière du Nord-Kivu, forte d’un million d’habitants. D’abord parce que malgré l’ouverture de discussions avec les autorités congolaises à Kampala, le Mouvement du 23 mars (M23) ne s’est pas retiré à au moins 20 kilomètres comme prévu. Des rebelles sont postés à 6 kilomètres, sur des collines de Munigi, près d’une base de la mission de l’ONU pour la stabilisation de la RDC (Monusco). Emplacement de choix : ils ont une vue imprenable sur l’aéroport. D’autres ont élu domicile sur des lieux stratégiques autour de la ville. « Tout Goma est encerclé », résume un militant des droits de l’homme. Pour beaucoup, le sort de la capitale provinciale est suspendu à l’issue des pourparlers, houleux, à Kampala, et ils ne se font guère d’illusion. « Les rebelles savent déjà que le gouvernement ne va pas céder, alors ils font pression », poursuit le militant.
Le M23 modifie ses revendications
Au départ, le M23 réclamait la pleine application des accords du 23 mars 2009, qui ont conditionné l’intégration dans l’armée de ses hommes, alors dans une autre rébellion : le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Mais depuis plusieurs mois, le nouveau groupe armé, l’un des nombreux de la région, pose sur la table des revendications touchant à la politique, au social, aux droits de l’homme… « Le M23 est en train de préparer une guerre au cas où ça capote à Kampala, affirme Omar Kavota, vice-président de la Société civile du Nord-Kivu. Autour de Goma, la population annonce que le M23 ramasse des armes dans le village de Buhimba. Des armes blanches (machettes et petites haches), des armes à feu. Ils disent qu’un autre stock est au chef-lieu de Nyiragongo et à Gisenyi, au Rwanda. »
Des acteurs de la société civile et de l’armée assurent que le M23 a reçu le renfort de troupes « rwandaises », arrivées les 8 et les 12 décembre. Le 8, une source militaire souligne que ce sont des « bataillons » de soldats « rwandais » et « ougandais » qui sont entrés en RDC, alors que Kigali et Kampala sont accusés par des experts de l’ONU d’appuyer les rebelles, ce qu’elles réfutent. « Cette nuit encore, environ 1 000 soldats rwandais ont traversé, confie un habitant de Kibumba, localité à la frontière congolo-rwandaise sous contrôle du M23. Ils ont dit qu’ils étaient venus chasser les FDLR qui les avaient attaqués le 27 novembre. A cause de cette attaque, des soldats rwandais s’étaient chamaillés avec le M23 car les FDLR avaient agi depuis leur zone. » Les soldats rwandais seraient aussi positionnés près de Goma, selon des radios locales et des chefs de quartiers. « Quatre hommes et deux femmes de six familles déplacées m’ont dit avoir fui, pris de peur à la vue la "constante entrée des camions de la RDF (Rwanda Defence Force) avec des troupes et du matériel depuis le 8 décembre" », rapporte le militant des droits de l’homme.
Scepticisme sur la présence de soldats étrangers
Le général de brigade ougandais Geoffrey Muheesi, du Mécanisme conjoint de vérification, chargé de contrôler la frontière congolo-rwandaise, doute de l’entrée de militaires rwandais. « Le Rwanda suit le processus initié par la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs », médiatrice de la crise et présidée par l’Ouganda, et « il ne peut pas compliquer davantage la situation. En tout cas, je ne le pense pas ». Même scepticisme pour la présence de soldats ougandais présumés. Quant au chef de la Monusco, Roger Meece, il indique ne pas pouvoir « confirmer les allégations et les rumeurs » d’incursions de troupes étrangères, d’autant que les opérations de surveillance aérienne de la Mission onusienne ne permettent pas de fournir des « preuves irréfutables » sur l’identité des forces en présence. Reste que des habitants, effrayés, grossissent les rangs des 500 000 déplacés ou réfugiés qui ont fui depuis avril les combats. Combien sont-ils ? Omar Kavota évoque des départs « massifs » mais le Haut commissariat aux réfugiés de l’ONU n’a récemment « pas vu de villages qui se vidaient ». Et il précise que le camp de déplacés de Mugunga III, par exemple, n’a pas enregistré d’« afflux ».
RFI