Philippe Martinez, le marin français qui a sauvé 1 840 migrants

Cet été, à une semaine d'intervalle, le capitaine Philippe Martinez a arrêté son remorqueur de haute mer lors de deux missions en Méditerranée, pour sauver la vie à 1 840 personnes qui tentaient de rejoindre l'Europe à bord d'embarcations de fortune.
Depuis le début de l'année, jamais l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) n'avait recensé autant de migrants de morts dans le monde : 4 077 cas, dont les trois-quarts Méditerranée
Sur Europe 1, Philippe Martinez raconte l'un de ses sauvetages, au mois d'août, alors qu'il venait de ravitailler une plateforme pétrolière au large de la Libye :
"On voit 120 personnes sur un radeau de 10-12 mètres à fond souple, une espèce de Zodiac à fond souple. (...) Ils n'ont plus d'eau, plus de vivres, il leur reste 20 litres d'essence, donc ils n'arriveront jamais à Lampedusa qui se trouve à 200-300 miles [321-482 kilomètres]."
Tous avaient déboursé "entre 1 000 et 3 000 dollars" pour tenter de rejoindre l'Europe. "Pour eux, la Méditerranée est un grand lac. On leur a fait miroiter que dans les deux heures qui suivent, ils seront en Italie, alors que c'est faux".
Après concertation avec son équipage, le capitaine du Leonard-Tide accueille les naufragés à bord de son embarcation : "75 % d'hommes, 25 % de femmes et d'enfants (...) exténués, déshydratés, sous le soleil." Tous les capitaines n'ont pas eu cette bienveillance, assure-t-il, citant l'exemple d'"un navire qui s'était approché d'un de ces bateaux en perdition sans faire un geste".
Les naufragés, en provenance d'Erythrée, du Ghana, de Syrie, de Libye ou de Palestine, hésitent un instant avant d'accepter sa main tendue. "Ils nous ont demandé où nous allions. Si on leur avait dit que notre port d'attache était la Libye ou la Tunisie, ils auraient préféré se foutre à l'eau."
"Même sur le toit de la passerelle !"
Le marin breton emmène finalement les personnes secourues sur l'île italienne de Lampedusa, où les autorités locales prennent le relais. Il remet à beaucoup d'entre eux une carte de visite imprimée à la va-vite pour que "les gens me donnent un feed-back et me disent ce qu'ils seront devenus dans trois mois, six mois, un an."
Mi-août, le quotidien régional Ouest- France s'était déjà fait l'écho de ces sauvetages en interrogeant Philippe Martinez :
"Le pont était entièrement couvert de réfugiés. Il y en avait plein les cales et même sur le toit de la passerelle ! Trente ou quarante sont tombés à l'eau tellement ils étaient pressés de quitter ce tonneau flottant sans hublots, ni porte étanche, ni radar..."
Lemonde.fr