Publié le 2 Jun 2012 - 19:24
MATAM

Talibé homme de ménage

 

Les talibés, venus apprendre le Coran auprès du grand marabout Thierno Samassa ou d’autres maîtres, consacrent un peu de leur temps libre aux travaux domestiques dans la ville de Matam.

 

La capitale de la onzième région du Sénégal est une université tant l’enseignement coranique y occupe une place importante. Aux heures qui ne sont pas consacrées aux études, les talibés vaquent à leurs différentes occupations. C’est ainsi que certains d’entre eux s’attachent à monnayer leur temps libre, dans les maisons, en effectuant des tâches dévolues le plus souvent aux ménagères. Ils balayent les cours des maisons, font le ménage, lavent la vaisselle, nettoient les toilettes, font certaines commissions, et parfois même donnent à manger et à boire aux animaux. ''Les assistants-ménagères'' que sont ces talibés sont de deux ordres : d’abord, ceux qui travaillent trois fois le jour à des heures correspondant aux trois repas quotidiens ; ensuite, ceux qui ne font qu’une seule apparition.

 

Les premiers ne bénéficient pas d’émoluments à la fin du mois. Ils mangent chez leurs employeurs, un lot de consolation pour eux. Par contre, ceux qui travaillent une seule fois dans la journée ont droit à un ''salaire mensuel''.

 

 

3000 à 5000 francs de ''salaire''

 

Celui-ci varie entre 3000 et 5000 francs Cfa et requiert, de la part du talibé, une disponibilité régulière. Si l’on doit s’absenter pour une période allant d’une semaine à un mois, l’on se fait remplacer par un frère ou un ami qui assure le service le temps que l’on revienne. Il s’agit là d’une manière sûre pour ne pas dire un subterfuge qui permet de sécuriser son poste, car il n’est pas aisé d’en trouver une fois qu’on le perd.

 

Marième Sakho, enseignante à l’école élémentaire Matam 1, trouvée chez elle au quartier de Tantadji, explique les rouages de cette pratique qui est monnaie courante à Matam et dans ses environs. Elle a recruté un talibé pour relayer la bonne dans certaines tâches. ''J’ai une bonne à ma disposition, mais les travaux ménagers sont très costauds pour elle. Généralement, les bonnes veulent être épaulées par les talibés. Si tu n’as pas de talibé, elles vont quitter la maison. Ici, à Matam, le fait de recruter un talibé, c’est une tradition. Presque dans chaque maison, on a un talibé pour aider la bonne ou la maman. On voit tout le temps des talibés se rendre dans différentes maisons à la recherche de 'njaatigé''. Moi, je suis très satisfaite des prestations du talibé que j’ai recruté'', confie-t-elle.

 

 

Avoir un talibé pour aider la bonne semble être un impératif pour ceux qui en ont les moyens, sinon la bonne va renoncer au travail. C’est pourquoi Marième Sakho a engagé un ''al moudou'' qui lave les assiettes, balaye la maison, effectue des courses au marché, nourrit les moutons. Quant au paiement par rapport au service rendu, elle dit ne pas donner de l’argent ; elle ne fait que lui assurer les trois repas quotidiens.

 

 

Relation de ''père'' à ''fils''

 

 

Moussa, lui, est un talibé qui s’est fait ''assistant ménager''. Trouvé dans une maison sise à Tantadji, en train d’astiquer les carreaux du couloir d’un appartement au moyen d’une serpillière et d’une raclette, il donne un aperçu des travaux auxquels il s’adonne journellement : ''Balayer, faire le ménage du couloir, nettoyer les lieux d’aisance, nettoyer une chambre''. Il note que le travail est plus ou moins dur et l'empêchant même de suivre correctement ses cours, mais il est dans l’obligation de le faire. Il ne saurait s’abstenir de travailler. ''Si je ne le fais pas, cela ne va pas m’arranger. Ce qu’on me paye, c’est bon parce que c’est ce qui permet d’acheter des habits, des chaussures, quelque chose à manger quand j’ai faim. Je ne demande de l’argent à personne. Je suis avec mon petit-frère, et je lui en donne aussi pour son petit-déjeuner''.

 

Généralement, ceux qui font ces travaux domestiques sont âgés de 15 ans et plus et s'adonnent pas à la mendicité. Pour Moussa, il n'y a pas de ''salaire'' à la fin du mois ; son ''njaatigi'' lui assurant les trois repas. ''Il ne me paye pas une somme exacte, mais il me donne de l’argent de temps en temps. Il me considère comme son propre fils. Tout ce qu’il amène à la maison, on se le partage. Je me lave chez lui. En plus de cela, il me donne du savon pour laver mes habits. Je fais tout là-bas. Il arrive même que j'y passe la nuit'', explique-t-il, un sourire au coin de la bouche.

 

C’est là une manière comme une autre de dire que les rapports entre employeurs et employés dépassent le simple cadre du travail pour avoir une très forte ramification sur le social. En fait, il s’est agi là de rapports entre proches, ou mieux encore entre un ''père'' et son ''fils''. Kéba Diop, informaticien à la DRP (Direction Régionale des Postes) de Matam, est l’employeur de Moussa et dit l’avoir recruté pour le nettoiement de sa chambre car tout le temps il est occupé par son boulot. ''Je n’ai pas le temps de m’occuper de la chambre. Ici, il y a beaucoup de poussière, c’est pourquoi j’ai recruté un talibé pour qu’il fasse le ménage dans ma chambre''. Il n’est parfois pas satisfait des prestations de son employé. ''Des fois, il ne vient pas ; d'autres fois, il nettoie mal la chambre. Il ne dépoussière pas les portes et les fenêtres. Il astique uniquement les carreaux'', fait-il savoir tout en soulignant que prendre un talibé coûte moins cher que la femme de ménage.

 

 

Presque rien au marabout

 

Hormis ces considérations, il soutient avoir entièrement confiance au talibé. ''J’ai eu à recruter deux talibés depuis que je suis à Matam. Ils n’ont jamais volé quoi que ce soit dans la chambre. Franchement, je n’ai pas encore rencontré un talibé qui vole. Celui avec qui je suis présentement est très sympa, très propre ; dès que tu le vois, tu ne crois pas que c’est un talibé''. Un pacte de confiance entre l’employeur et son employé semble s’être installé.

 

Ce temps de présence dans les maisons pour s'acquitter des tâches ménagères semble gêner un peu les marabouts. En effet, les talibés ne donnent presque rien aux marabouts si ce n’est leur assurer du bois de chauffage qu’ils vont chercher généralement le matin. Et il n'est pas rare que ces marabouts réprimandent les talibés qui arrivent en retard aux heures d'apprentissage du texte coranique.

 

Mamadou Lamine DIEDHIOU

(Correspondant Matam)

 

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