Quand Wade veut refaire son image
Abdoulaye Wade est déroutant à plus d'un titre. Cela, on le savait. Mais, personne n'a vu venir la déclaration de patrimoine qu'il vient de servir au peuple sénégalais, en réponse à l'éloquente liste de ses supposés biens qui fait le bonheur des internautes. Et pourtant, elle est riches en informations.
Les cris d'orfraie des légalistes, des acteurs de la société civile et de ses adversaires politiques n'y ont rien fait. Ils ont appelé de tous leurs vœux que le président sortant, après 12 ans de faste à la tête de ce pays (car assurément jamais le mot milliard n'avait eu autant de succès que sous son magistère), fasse une déclaration exhaustive de son patrimoine. Wade a fait la sourde oreille, d'autant qu'aucun texte ne l'y astreint. Accéder à la demande de ces acteurs qui ont violemment combattu son régime, n'était-ce pas perdre la face devant des ''opposants'' qu'il s'est évertué à ignorer pendant deux mandats ?
Toutefois, il fallait bien, pour le nouveau rôle qu'il s'est composé, celui de ''chef de l'opposition'', qu'il éclairât la lanterne des Sénégalais sur son patrimoine qui intrigue et alimente les imaginations les plus débordantes. D'où cette surprenante ''déclaration de patrimoine'' qui laisse pantois et veut effacer la négative image de ''pilleur des deniers publics'' qui lui colle à la peau. Même si le bon sens contraint à la prendre avec des pincettes, elle est, à bien des égards, instructive. Dans la mesure où, rapportée à la première déclaration de patrimoine d'Abdoulaye Wade faite en 2001, elle renseigne sur le chemin parcouru jusqu'ici.
La première déclaration de patrimoine fut laconique et faite pour la forme. Abdoulaye Wade y affirmait ne détenir ''ni actions, ni obligations, aucun titre de valeur mobilière, nulle part dans le monde''. Tout juste consentait-il à reconnaître ''un patrimoine immobilier inchangé depuis sa précédente déclaration publique de 1983 sur l’avenue du Général De Gaulle, sauf les deux appartements de Besançon (France), biens de communauté de mariage vendus par la suite''. Autant dire, de la poudre au yeux car, rien n'avait été dit sur ses biens immobiliers, ses comptes bancaires, ses véhicules. Le président Wade ne se considérant pas ''régi par l’article 37 de la Constitution du 7 janvier 2001, qui s’applique au Président nouvellement élu''.
Des terrains à Yoff, Ngor, Touba, Somone
Entre-temps, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. Et pourtant, Wade attend 2012 pour revenir sur ses biens ''immobiliers'' qui ''datent essentiellement d'avant la création du parti, en 1974''. Sa maison du Point E faite de la réunion de deux villas d’environ 500 m² chacune sur un lot de quatre maisons de même superficie. Trois grands terrains de Yoff d’une superficie totale de 17 000 m² achetés en février 1974, ''un terrain nu qui vaut bien aujourd’hui plusieurs milliards''. Un autre terrain à Ngor de 5 000m² et un autre contigu, acheté à un ressortissant du Gabon.
L'ex-président apprend qu'il possède également un terrain de 2 000 m² à Touba qui est en construction pour servir d'habitation. Un autre terrain acheté à Somone, depuis les années 80 où Wade dit : ''Je construis une maison de campagne non encore terminée''. En outre, Me Abdoulaye Wade déclare posséder une ferme à l’entrée de Kébémer et ne reconnaît qu'un seul compte en dehors du Sénégal à la Société Générale du Boulevard Malesherbes à Paris.
Il faut aller du côté de Wade le politique et chef de parti pour en savoir plus sur son patrimoine mobilier, partant du principe qu'Abdoulaye Wade et le Pds ne font qu'un. Dans la réponse qu'il a servie, Wade ne dément pas les 500 voitures Pick-up, les 150 voitures 4x4, les 35 voitures 8x8, l'avion 20 places, la Péniche, et le Yacht stationné à Nice que l'on prête au Pds. À cela s'ajoute la permanence neuve construite sur un terrain de 5000 m2. Tout juste se contente-t-il de révéler que les véhicules portent soit le nom du PDS, soit son nom.
Serait-il parvenu à convaincre les populations sur ses biens ? L'avenir proche le dira. Tout juste faut-il mentionner que cette déclaration n'est régie par aucun cadre juridique et finalement n'engage que celui qui l'a faite.
Gaston COLY