Enquête sur deux suicides suspects
Renaud Van Ruymbeke, un des juges en charge des investigations sur l'attentat qui a coûté la vie à onze Français au Pakistan en 2002, s'intéresse selon Le Monde à d'autres décès qui seraient survenus dans des circonstances troublantes, dans les années 1990.
Dans l'affaire Karachi, on comptait jusqu'à présent quinze victimes. Celles, dont 11 Français, qui avaient trouvé la mort le 8 mai 2002 dans l'attentat contre le bus de la Direction des constructions navales (DCN) au Pakistan. Mais les enquêteurs qui se penchent sur ce dossier, en se demandant si l'attentat n'était pas une représaille à l'arrêt par la France du versement de rétrocommissions, s'intéressent aussi à deux morts suspectes en marge de l'affaire, révèle mardi une enquête du Monde. C'est le juge Renaud Van Ruymbeke, chargé du volet financier des investigations sur l'affaire Karachi, qui aurait fait rouvrir ces deux dossiers.
André Rigault, ingénieur au centre d'essais de la DCN, dans l'Indre, oeuvrait à la conception des moteurs de sous-marins. Il a donc travaillé dans le cadre du contrat Agosta, signé en 1994 et qui prévoyait la livraison de trois sous-marins au Pakistan. Ce contrat, et les rétrocommissions qu'il a peut-être générées, sont au centre de l'enquête sur le volet financier de l'affaire Karachi. Le 12 janvier 1998, André Rigault est retrouvé pendu sur son lieu de travail. La police conclut au suicide et ne prend pas la peine d'autopsier le corps. Pourtant, selon la veuve de l'ingénieur, celui-ci n'avait aucun problème d'argent, de couple ou de santé qui aurait pu justifier son geste. Plus troublant, elle affirme avoir récupéré vide le cartable de son mari. «Pour moi, André a été tué, et cela à cause de ses activités professionnelles», affirme-t-elle dans Le Monde. La justice ne donnera pas suite à sa plainte, qui aboutit à un non-lieu en avril 2002.
«Il m'a dit qu'il avait peur»
Un autre cas de suicide par pendaison intrigue les enquêteurs selon Le Monde. Celui d'Akim Rouichi, informaticien amateur, retrouvé mort le 22 août 1995 chez sa sœur en banlieue parisienne. D'après le témoignage de son frère, Akim avait été recruté par les Renseignements généraux (RG) pour réaliser des enquêtes politiques, sous la forme notamment d'écoutes téléphoniques. Les services secrets lui auraient même fourni pour cela du matériel perfectionné. Mais «début 1995, il m'a dit qu'il avait peur», affirme François Rouichi au Monde. Son frère lui aurait fait écouter une discussion téléphonique entre le ministre de l'Intérieur de l'époque, Charles Pasqua, et François Léotard, ministre de la Défense, dont le nom est déjà cité dans l'affaire Karachi. Les deux hommes y évoqueraient des «commissions» dans le cadre de ventes d'armes à l'Iran.
Comme dans le cas d'André Rigault, la famille ne s'explique pas le geste d'Akim Rouichi. Là encore, elle affirme que l'ordinateur, les disquettes et l'agenda de l'informaticien ont disparu. Des traces de sang auraient même été relevées, selon sa mère, sur les lieux de son suicide par pendaison. Saisie, la justice conclut également à un non-lieu en juillet 1998.
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