Les liaisons inter-régionales vont bon train
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L’interdiction des déplacements de région à région est loin d’être respectée. Les transporteurs ont trouvé d’autres formules pour continuer leur business. Bonjour les dégâts, en termes de propagation du virus.
Plusieurs taxis (jaune-noir) alignés sur le bas-côté de la route attendent d’éventuels clients. Les conducteurs, formant un cercle bien restreint, discutent bruyamment. L’heure est au pointage et, visiblement, entre celui qui doit embarquer incessamment et ceux qui doivent attendre leur tour, les choses tournent au vinaigre. Ici, en tout cas, le port du masque ou même la distance d’un mètre préconisée en cas de discussions ne sont point de mise. Dans cette partie de la commune de Patte d’Oie, non loin du marché de Grand-Yoff, les petits commerces perdent du terrain, l’affluence et le vacarme habituels n’existent plus que de nom.
Toutefois, dans la clandestinité, certains transporteurs continuent à assurer les liaisons régionales. ‘’Il fallait venir entre 8 h et 9 h. C’est à cette période que les minicars sont disponibles’’, lance un chauffeur de taxi impatient d’avoir enfin un client ; il est 16 h. L’homme, sous un bonnet noir, s’adresse à une jeune dame thiessoise d’origine. Aissatou Bâ habite Hersent. À l’aise dans son ensemble wax, la commerçante veut coûte que coûte rentrer à la cité du Rail. ‘’Plus rien ne marche ici. Je vends des produits de beauté, mais, franchement, je ne m’en sors pas. Rentrer en famille est la meilleure solution, à mon avis’’, affirme-t-elle, pensive.
À la question de savoir si elle ignore l’interdiction des voyages inter-régions, elle dira : Non ! ‘’Mais on m’a dit que certains chauffeurs continuent les voyages’’. Effectivement, discrétion et horaires fixes sont les maitres-mots dans ce business hors-la-loi. Finalement, après un bon moment d’échanges, le conducteur lui remet son numéro. Elle a le choix entre aller voir ailleurs ou l’appeler demain. Le voyage lui coûtera 5 000 F CFA.
Plusieurs points de ramassage, les mêmes qu’avant
Sous le pont de la Patte d’Oie, le son de cloche est le même. À côté des véhicules garés n’importe comment, s’ajoutent plusieurs ‘’coxers’’ (rabatteurs) qui hèlent à tue-tête. ‘’Fass Mbao !’’ ‘’Keur Massar !’’ ‘’Rufisque !’’. A ceux-là, se mêlent des conducteurs debout, silencieux, qui se signalent discrètement. Le principe est clair : aborder discrètement chaque client pour repérer ceux qui veulent quitter Dakar. Une somme de 7 000 F CFA pour Mbour ou Thiès et 15 000 F CFA pour ceux qui vont à Touba. Cette gare clandestine et pourtant célèbre était, tout le temps, envahie de policiers. Plus maintenant. En tout cas, plus depuis l’interdiction des transports interurbains.
Malick Faye, surnommé ‘’Robot’’, assis sur un banc discutant avec un de ses proches, rassure ses clients : ‘’Nous prenons un raccourci en passant par des villages. La route est sécurisée, ne vous en faites pas. Là-bas, il n’y a pas de policiers.’’
L’homme fait trois allers et retours par jour entre Thiès et Dakar. Il conseille à ceux qui veulent aller à Touba de se rendre à ‘’Bountou Pikine’’.
Ainsi, c’est en passant par ces voies détournées, cahoteuses et non bitumées que les transporteurs continuent tranquillement leur business. Au moins, maintenant, ils ne sont ni stressés ni chassés par les forces de l’ordre. Il semblerait que ce non-respect de la loi s’applique à tous les lieux d’embarquement habituels bien connus des Dakarois qui ne veulent pas se rendre à la gare des Baux-maraichers.
À Colobane, également, en bordure de route (à l’entrée de la gare des transports en commun), plusieurs véhicules attendent de faire le plein de passagers. Même si on insiste sur le fait que l’heure idéale, c’est entre 8 h et 9 h. La présence des policiers occupés à assainir la circulation n’est pas dissuasive.
EMMANUELLA MARAME FAYE