Les avocats des victimes craignent une libération anticipée
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Les avocats des victimes de l’ex-président tchadien, surpris par la libération temporaire du bourreau de leurs clients, demandent à l’État du Sénégal de prendre les mesures nécessaires pour garantir le retour en prison du condamné, après son séjour de 60 jours dans sa résidence sise à Ouakam.
Le pôle d’avocats des victimes de Hissène Habré a réagi, hier, sur la libération provisoire de 2 mois accordée au bourreau de leurs clients, condamné à perpétuité pour crimes de guerre, crime contre l’humanité, torture et esclavage sexuel par les Chambres extraordinaires africaines. Ils expriment leurs inquiétudes. Maître Assane Dioma Ndiaye et ses confrères ne contestent pas la légalité ou la légitimité de la décision motivée par la crise sanitaire causée par la propagation de la Covid-19 au Sénégal. Mais ils alertent le gouvernement sénégalais sur la nécessité de garantir les conditions nécessaires pour un retour d’Hissène Habré au Cap Manuel, après son séjour de 60 jours dans sa résidence sise à Ouakam.
‘’Nous attendons donc des garanties que cette sortie prendra bien fin dans 2 mois ou, à tout le moins, avec la fin des exigences liées à la crise sanitaire et que toutes les mesures nécessaires seront prises afin de prévenir toute tentative d’évasion et de fuite d’Hissène Habré. Nous serons particulièrement attentifs à ce que le condamné Hissène Habré retourne en prison dès la fin de cette période exceptionnelle’’, écrivent-ils dans le communiqué parvenu à ‘’EnQuête’’. Les avocats invitent aussi l’Etat du Sénégal à veiller sur les intérêts civils (82 milliards de francs CFA/135 millions d’euros/120 millions de dollars) dont le condamné tarde à exécuter leur versement, au moment où des milliers de victimes vivent encore dans la précarité, après 25 ans de lutte.
Le pôle d’avocats des victimes d’Hissène Habré exprime également son inquiétude quant à une éventuelle libération anticipée. Selon les robes noires, cela entraînera la violation de l’obligation de réprimer de manière effective la torture et les crimes dont les préalables ont été rappelés aux autorités par le Comité des Nations Unies contre la torture au mois de décembre 2019. ‘’La libération prématurée des auteurs de crimes internationaux les plus graves n’est pas conforme aux obligations découlant de la Convention contre la torture. Il faut démontrer que l’état de santé est incompatible avec le maintien en détention, pour qu’Hissène Habré puisse être libéré de manière anticipée’’.
Ils disent, néanmoins, être en phase avec le ministre de la Justice du Sénégal sur le caractère temporaire de la libération de l’ex-président du Tchad, tout en excluant la compétence du Sénégal à lui octroyer une grâce. ‘’Cette permission de sortie n’est qu’une mesure temporaire pour protéger la santé de Habré et pour permettre une meilleure gestion carcérale, en cette période de crise. Il ne s’agirait donc, en aucun cas, d’un prélude à une grâce ou une libération qui ne dit pas son nom. Cela violerait le statut des Chambre africaines extraordinaires qui prévoit que l’État d’exécution, le Sénégal, est lié par la durée de la peine’’, rappelle le texte.
OUMAR BAYO BA