Le coup de sang de Mansour Faye
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En conférence de presse, hier, le ministre du Développement communautaire et de l’Equité sociale et territoriale, Mansour Faye, a eu un coup de sang qui a surpris plus d’un, au moment de répondre aux accusations portées contre sa gestion de l’assistance alimentaire.
En apparence calme, pondéré et très mesuré, le ministre du Développement durable et de l'Equité sociale a, hier, pété les plombs, face au teigneux journaliste de la RFM, Babacar Fall. ‘’Si vous le répétez, je vous traduis en justice…’’, lui a-t-il répondu, furax. De quoi est donc coupable le journaliste ? En fait, il venait juste de lui poser la question suivante : ‘’Monsieur le Ministre, il se dit que vous êtes ami de R. Hachem (ce dernier a remporté une bonne partie du marché du riz). Est-ce vrai ou faux ?’’ Suffisant pour que le maire de Saint-Louis sorte de ses gonds. ‘’Boo ma ko wakha té ma porté la plainte’’, lui a-t-il rétorqué, suant à grosses gouttes. ‘’Ce n’est qu’une simple question, a insisté le confrère. Le connaissez-vous, oui ou non ?’’.
D’une main alerte, le ministre a porté son mouchoir au front, s’est essuyé, avant d’essayer de sortir de cette impasse. Très affecté, il a poursuivi : ‘’De la manière dont vous avez posé la question, on dirait que vous voulez semer la confusion dans la tête des Sénégalais.’’ Plus loin, il a enfin répondu, du bout des lèvres. ‘’Il n’est pas mon ami ; je ne le connais pas’’, a-t-il laissé entendre, plus qu’agacé et pressé de se débarrasser du journaliste indélicat.
Après cet épisode, le ministre du Développement communautaire, de l’Equité sociale et territoriale a tenté d’apporter quelques clarifications sur les multiples accusations de malversations qui émaillent sa gestion de l’assistance alimentaire aux populations, dans le cadre de la lutte contre la Covid-19. A l’en croire, c’est parce que son département a voulu faire dans la transparence, qu’il a lancé un avis de commande publique, au lieu d’invoquer la dérogation décrétée par le président de la République, compte tenu de l’urgence.
‘’Malgré cette dérogation, affirme-t-il, nous nous sommes référés aux bonnes pratiques connues de tous, en matière de marchés publics... C’est dans ce cadre que nos services avaient publié deux avis de commande ouverte, en procédure d’urgence, dans certains organes de la place…’’.
Toujours, explique le ministre, le 3 avril, le ministère a reçu 62 offres. Certains candidats ayant postulé pour les 5 produits (riz, huile, sucre, pâtes alimentaires et savon) d’autres pour 1, 2, 3 ou 4 produits. Selon lui, seuls les fournisseurs ayant les capacités quantitatives et qualitatives requises ainsi que la meilleure offre financière ont été retenues. ‘’Concernant le riz, souligne-t-il, les 4 meilleures propositions présentant un prix par tonne en deçà de celui actuellement pratiqué sur le marché, ont été retenues. Les 4 fournisseurs ont cédé le riz à 275 000 F la tonne, soit 275 F le kilo’’.
Les non-dits
D’après le représentant du gouvernement, dans l’avis d’attribution desdits marchés, il a été fait obligation aux fournisseurs de démarrer les livraisons dans les 48 heures, après la notification du bon de commande, sous peine de résiliation. Comme pour laver à grande eau le Libanais Rayan Hachem, il ajoute : ‘’La société attributaire du plus gros volume a reçu en premier son bon de commande et a démarré la livraison depuis le samedi 11 avril 2020. Toutes les quantités de riz présentement convoyées à Dakar et vers les régions de l’intérieur ont été livrées par cette société.’’
Mais quand il s’agit de répondre à la question de savoir la quantité de riz qu’il est chargé d’acheminer, il dit : ‘’Je n’ai pas le chiffre en tête. Mais je sais que c’est entre 30 et 35 000 t. Aussi, il faut savoir que nous n’avons pas attribué ces marchés à des personnes physiques, mais à des entreprises.’’
Aussi, le ministre invoque la même diligence, en ce qui concerne le transport de ladite marchandise vers leurs destinations respectives. ‘’Une analyse de la base des données constituée à travers des réponses consécutives à l’avis d’appel à candidatures a permis d’avoir une idée sur les meilleurs prix pratiqués sur le marché du transport et de dégager un tarif optimum pour chaque région’’. Ainsi, fait-il remarquer, pour les régions de Thiès, Louga, Diourbel, Fatick, Kaolack et Kaffrine, les prix sont fixés à 7 500 F TTC la tonne ; Saint-Louis et Tambacounda 15 000 F la tonne ; Matam, Kolda, Sédhiou, Kédougou et Ziguinchor 18 500 F la tonne.
Le ministre Mansour Faye est également revenu sur la situation des transporteurs qui avaient décidé de répondre gracieusement à l’appel des pouvoir publics, en mettant leurs parcs de camions à la disposition de l’Etat. ‘’J’informe, dit-il, que le CATRS a mis à la disposition de l’opération un parc de camions. Je profite de l’occasion pour les remercier de cet élan de solidarité’’. Mais comme pour montrer que le nombre de camions mis à disposition par ce collectif ne suffit pas, il s’empresse d’ajouter : ‘’A la date du 14 avril, 15 véhicules de ce parc ont pu être chargés et convoyés vers la région de Thiès, soit un total de 450 t. Le 16 avril, 42 nouveaux chargements ont pu être effectués pour ces derniers. Nous sommes encore disposés à accueillir d’autres camions, car le besoin tourne autour de 600 camions par jour.’’
Mais ce que le ministre n’a pas tenu à préciser, c’est que le 15 avril, les transporteurs bénévoles avaient 100 camions mobilisés sur le site d’embarquement. Hélas, l’Etat était plutôt préoccupé par le chargement des camions de Diop Sy et Cie. Finalement, les bénévoles n’ont pu avoir que 14 camions chargés. D’ailleurs, comme le soulignait ‘’EnQuête’’ dans son édition d’hier, il a fallu que ces derniers protestent pour qu’on daigne enfin les charger. Le lendemain, ils avaient 70 camions au lieu d’embarquement, mais le manutentionnaire n’a pu charger que 42 camions.
Ainsi, si au terme de la journée du 16 avril, l’Etat n’a pu convoyer que 8 659,5 t, soit 9 % de la quantité totale de marchandise, il ne peut en vouloir qu’à lui-même. ‘’En fait, renseignent les transporteurs sur place, les procédures sont très lentes, et à l’embarquement et au débarquement’’.
Selon le ministre, à ce jour, 253 camions ont été mobilisés pour un besoin de 600 camions.
Diop Sy et Cie
Interpellé sur le cas du député Diop Sy qui a gagné des parts de marché, alors que d’autres transporteurs avaient proposé leurs services gratuitement, il répond avec un rire de dépit. Avant de préciser : ‘’Moi, je ne connais pas Diop Sy ; c’est l’entreprise UDE que je connais. Nous avons lancé un appel d’offres et nous nous sommes basés sur les meilleures propositions pour donner le marché… C’est ce que j’avais à dire sur cette question.’’
Le ministre est, au demeurant, revenu sur les erreurs d’inclusion et d’exclusion figurant sur le registre national unique. C’est pour signaler que ces erreurs sont évaluées à 10 % et seront corrigées par les autorités territoriales, dans le cadre de cette aide alimentaire. ‘’Les comités de base vont remonter les informations et le fichier du Registre national unique sera mis à a jour’’, a-t-il précisé.
MOR AMAR